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20/07/2017 | FRANCE | N°16LY03227

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 juillet 2017, 16LY03227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 février 2016 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1603125 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M.C.

.., représenté par Me Bret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 février 2016 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1603125 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M.C..., représenté par Me Bret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 5 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer le titre de séjour prévu par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui délivrer sans délai un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il remplit les conditions prévues par ces dispositions ; le préfet ne peut lui opposer un défaut d'inscription dans un parcours de formation professionnelle, dès lors qu'il est inscrit au centre de formation professionnelle en maçonnerie et que c'est seulement en raison du comportement de l'administration, qui a indûment refusé de renouveler son autorisation de travail, que son contrat d'apprentissage a dû être interrompu, ce qui n'a pas eu pour effet d'interrompre le volet théorique de sa formation ; le préfet et le tribunal se sont bornés à retenir que trois de ses frères sont présents au Mali, ainsi que son oncle maltraitant, sans évoquer la nature de ces liens, et alors que la réalité de l'absence de liens est attestée par ses éducateurs ; la présence effective de trois frères au Mali, même établie, ne suffirait pas à justifier un refus de séjour à son encontre ; ce silence est d'autant plus regrettable que le caractère sérieux de sa formation et ses efforts d'insertion sont incontestables ; la circonstance que ce titre soit délivré à titre exceptionnel ne signifie pas que l'administration peut agir sans contrôle ;

- le refus de séjour opposé n'est rendu possible que par les détournements de procédure opérés par l'administration ;

- l'illégalité du refus de séjour entraîne l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le refus de délai ne répond pas aux prévisions légales ;

- les conséquences du refus de séjour et de l'éloignement sans délai sont très graves puisqu'elles entraînent son exclusion de la formation professionnelle suivie ;

- l'interdiction de retour est disproportionnée en l'espèce, eu égard à sa bonne foi et à sa bonne volonté et aux décisions injustifiées et illégales dont il a fait l'objet.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2016, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Le préfet s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. C...par décision du 26 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye ;

- les observations de MeA..., représentant M.C... ;

1. Considérant que M. C..., ressortissant malien, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Drôme du 5 février 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant une durée de trois ans ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1o de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;

4. Considérant que l'arrêté litigieux oppose deux motifs pour refuser de délivrer le titre sollicité par M. C...sur le fondement des dispositions citées au point 2 ;

5. Considérant, d'une part, que le préfet retient que l'intéressé ne justifie pas être inscrit dans un parcours de formation professionnelle dans la mesure où il ne présente ni certificat de scolarité ni contrat d'apprentissage en cours de validité pour l'année 2015/2016 ;

6. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces produites par le requérant qu'il était inscrit, au cours des années scolaires 2014/2015 et 2015/2016 au centre de formation des apprentis Batipole de Livron-sur-Drôme en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de maçonnerie, et qu'il avait conclu un contrat d'apprentissage qui était censé courir du 1er septembre 2014 au 15 juillet 2016 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce contrat a dû être résilié, par acte du 1er janvier 2015, en raison du refus de renouvellement de l'autorisation de travail dont bénéficiait l'intéressé ; qu'alors que M. C... évoque un refus injustifié d'autorisation de travail, et étant précisé au demeurant que la délivrance d'une telle autorisation est de droit pour les mineurs étrangers âgés de seize à dix-huit ans confiés au service de l'aide sociale à l'enfance, qui doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 5221-5 du code de travail, sans que l'article R. 5221-22 n'ait pour objet ni pour effet de déroger à cette règle, le préfet ne fait état d'aucun motif de nature à justifier ce refus de renouvellement d'autorisation de travail ; qu'un second contrat d'apprentissage a été conclu, avec le même employeur que précédemment, pour la période allant du 10 décembre 2015 au 15 juillet 2016 ; que M. C...est demeuré, en qualité de stagiaire, au sein de cette entreprise, pendant la période au cours de laquelle il ne pouvait légalement travailler ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet de la Drôme a commis une erreur manifeste d'appréciation en opposant à M. C...qu'il ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ;

7. Considérant, d'autre part, que le refus de titre de séjour litigieux repose sur un autre motif, tiré de ce que M. C...n'établit pas être dépourvu de liens dans son pays d'origine, où résident ses trois frères dont il n'établit pas qu'ils aient disparu ;

8. Considérant cependant qu'il ressort des pièces du dossier, et de ce qui a été dit précédemment, qu'en se fondant sur ce motif, sans avoir procédé à un examen global de la situation de M.C..., au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit ; que M. C...est, dès lors, fondé à soutenir que le préfet ne pouvait se borner à lui opposer la présence de membres de sa famille dans son pays d'origine ;

9. Considérant que l'administration, qui ne développe pas de moyen nouveau en appel, n'a pas expressément demandé, devant les premiers juges, de substitution de motif ;

10. Considérant qu'il suit de là que le refus de séjour est illégal et doit être annulé, ce qui entraîne l'annulation des autres décisions par voie de conséquence ; que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

12. Considérant qu'eu égard aux motifs qui la fondent, l'exécution de l'annulation prononcée n'implique pas que le préfet de la Drôme délivre à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " ; que le présent arrêt implique seulement d'enjoindre au préfet de la Drôme, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M.C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Bret, avocat de M.C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603125 du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2016 et l'arrêté du préfet de la Drôme du 5 février 2016 portant refus de titre de séjour à M.C..., obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que l'administration ait à nouveau statué sur son cas.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bret, conseil de M.C..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juillet 2017.

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N° 16LY03227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03227
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-07-20;16ly03227 ?
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