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13/07/2017 | FRANCE | N°16LY00071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 16LY00071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1303073 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2016 et trois mémoires, enregistrés respectivement les 28

juillet, 8 septembre et 27 septembre 2016, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1303073 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2016 et trois mémoires, enregistrés respectivement les 28 juillet, 8 septembre et 27 septembre 2016, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 novembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) à défaut, de fixer l'insuffisance du prix de la vente litigieuse à 300 040 euros et de lui accorder en conséquence la réduction de ces impositions et pénalités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Lyon est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges ne se sont prononcés ni sur les éléments démontrant l'absence de communauté d'intérêts entre la SARL Kuba et la SCI Champs du Jura, ni sur les circonstances qui ont conduit la SARL Kuba à vendre rapidement le bien litigieux, ni sur l'existence d'une contrepartie à la diminution du prix de cession de ce bien ;

- les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas applicables en l'espèce en l'absence de communauté d'intérêt entre la SARL Kuba et la SCI Champs du Jura et en l'absence d'intention libérale ;

- le prix de vente du bien litigieux ne serait pas sous-évalué, eu égard au contexte financier de la vente et aux éléments de comparaison qu'elle produit ;

- la majoration de 40 % n'est pas fondée dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve de son implication personnelle dans le manquement délibéré.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 2 mai 2016 et le 29 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- eu égard à l'ensemble des conditions de la cession, l'administration a apporté la preuve d'une sous-évaluation du prix de vente ;

- l'administration apporte également la preuve de l'intention libérale, au regard de la communauté d'intérêts entre les deux sociétés ;

- la majoration de 40 % est justifiée dès lors que Mme B... ne pouvait ignorer la sous-évaluation du prix de vente.

Par une ordonnance du 28 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Kuba, qui exerce une activité de marchand de biens, l'administration fiscale a estimé qu'elle avait accordé un avantage occulte, taxable à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, en cédant à un prix minoré le lot n° 2 d'un programme immobilier réalisé à Divonne-les-Bains à la SCI Champs du Jura, dont Mme B... détenait 99 % des parts ; que l'administration a, en conséquence, rehaussé le revenu imposable de Mme B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'un montant de 831 074 euros, correspondant à 99 % de la minoration de prix accordée à la SCI Champs du Jura avec application du coefficient mutiplicateur de 1,25 prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre de l'année 2009 selon la procédure de rectification contradictoire ; que Mme B... relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations pour manquement délibéré dont elles ont été assorties ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés sur l'existence d'une communauté d'intérêts entre la SARL Kuba et la SCI Champs du Jura, ainsi que sur les circonstances invoquées par la requérante qui ont conduit la SARL Kuba à vendre rapidement le bien litigieux ; qu'en retenant l'existence d'une libéralité, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés pour la requérante, ont nécessairement écartés le moyen tiré de ce que la réduction du prix de cession de l'immeuble trouvait une contrepartie ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué du fait d'une omission à statuer sur ces moyens doit, par suite, être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) " ; qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, citées ci-dessus, du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'administration fiscale a évalué la valeur vénale du lot n° 2 de l'ensemble immobilier acquis par Mme B... à 1 555 613 euros, correspondant à un prix au m2 de 7 226 euros ; qu'il résulte de l'instruction que cette évaluation repose sur une comparaison avec les prix de vente de deux autres lots comparables du même programme de construction, dont les opérations de vérification ont fait apparaître qu'ils avaient été élaborés avec les mêmes matériaux et équipements de base, l'administration ayant retenu le prix de vente au m2 le plus faible ; que l'administration fiscale retient par ailleurs, sans être contredite, que des travaux supplémentaires ont été réalisés postérieurement à la signature du contrat de réservation par Mme B..., lequel mentionnait un prix de cession de 1 184 040 euros, alors que la vente a été conclue à un prix de 884 040 euros ; que ni les éléments d'évaluation apportés par la requérante, ni la circonstance que le financement octroyé par sa banque aurait brutalement baissé, ni les difficultés financières de la SARL Kuba, quand bien même elles seraient établies, ne permettent sérieusement de contester l'évaluation ainsi réalisée par l'administration fiscale ; que, par suite, cette dernière établit la sous-évaluation du prix de cession du lot n° 2 à la SCI Champs du Jura ;

5. Considérant, en second lieu, que Mme B... soutient que la cession litigieuse ne serait pas marquée par une intention libérale, en l'absence de communauté d'intérêts et de relation d'affaires entre les sociétés Kuba et Champs du Jura, ainsi qu'en raison de l'impossibilité pour l'acquéreur de mesurer l'avantage consenti ; que, toutefois, le bien dont la cession est en litige avait fait l'objet d'un contrat de réservation le 30 novembre 2007, au profit de Mme B..., pour un prix de 1 184 040 euros, alors que la cession réalisée en 2009 au profit de la SCI Champs du Jura a été effectuée à un prix de 884 040 euros, alors même que des travaux supplémentaires ont été réalisés par la SARL Kuba à la demande de l'acheteur, sans qu'il apparaisse que ces travaux étaient moins coûteux que ceux initialement prévus lors de la conclusion du contrat de réservation, ce qui aurait pu justifier une diminution du prix initialement prévu lors du contrat de réservation ; que, par suite, Mme B..., partie au contrat de réservation et détenant 99 % des parts de la SCI Champs du Jura, ne pouvait ignorer l'avantage ainsi consenti à cette société civile immobilière ; que l'administration fiscale relève également l'existence de relations d'intérêts et d'affaires entre les deux sociétés, dès lors que M. D... travaillait à la gestion des intérêts de la SARL Kuba et détenait, simultanément, 1 % des parts de la SCI Champs du Jura ; qu'elle établit, sans être contredite sur ce point, les liens particuliers que M. D... entretenait avec la SARL Kuba, dont il avait accès au compte bancaire, auprès de laquelle il représentait les acquéreurs et dont il bénéficiait de prestations à titre personnel ; que, par ailleurs, l'administration fiscale relève que les deux sociétés disposaient d'une adresse de siège social identique au moment de la vente litigieuse ; qu'en se contentant d'invoquer la mission de " family office " de M. D... auprès de la société Juridical House et de conseiller de Mme B... pour justifier qu'il ait acquis un pourcentage des parts de la SCI Champs du Jura, Mme B... ne conteste pas utilement ces éléments ; que ne contredisent pas davantage utilement ces éléments la production par Mme B... de l'acte de substitution de la SCI Champs du Jura dans le bénéfice du contrat de réservation, ni la production d'une attestation notariée confirmant simplement ces données de fait ; qu'il résulte de ces éléments que l'administration fiscale établit, au regard des conditions de la cession et en l'absence de toute contrepartie au bénéfice de la SARL Kuba, l'intention pour cette dernière d'octroyer et, pour Mme B..., de recevoir, une libéralité ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la loi fiscale :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. " ;

7. Considérant que la proposition de rectification et la réponse aux observations de Mme B... mentionnent expressément, dans un paragraphe spécifiquement consacré aux pénalités, le fondement juridique de la majoration appliquée, les motifs de fait et de droit qui la fondent ainsi que son taux de 40 % ; que, par suite, l'administration fiscale a suffisamment motivé les pénalités appliquées à Mme B... ;

8. Considérant qu'aux termes des dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

9. Considérant que pour établir le manquement délibéré de Mme B... à ses obligations déclaratives, l'administration fiscale retient que la vente litigieuse avait fait l'objet d'un contrat de réservation, conclu entre la SARL Kuba et Mme B..., à un prix de vente nettement supérieur à celui retenu lors de la vente définitive ; que, dans les conditions rappelées aux points 5 et 6, l'administration établit que ce prix était minoré au regard de la valeur réelle du bien, qu'il traduit une intention libérale, en l'absence de toute contrepartie au profit de la SARL Kuba et que, par suite, Mme B..., qui détenait 99 % des parts de la SCI Champs du Jura ne pouvait ignorer le caractère minoré de ce prix ; que, par conséquent, l'administration fiscale apporte la preuve d'un manquement délibéré de Mme B... à ses obligations déclaratives, justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

11. Considérant que si cette dernière disposition, applicable pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales ; que tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une amende fiscale ; que, par suite, les instructions invoquées par Mme B... et référencées 13 L-1-80, 13 L-1611 n° 1 et 2 et 13 N-1-07 n° 266 ne peuvent être utilement invoquées sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

4

N° 16LY00071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00071
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-07-13;16ly00071 ?
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