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13/07/2017 | FRANCE | N°15LY00484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15LY00484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...E..., dans le dernier état de ses écritures le 8 juillet 2014, a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de déclarer le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise responsable de l'accident dont elle a été victime le 31 juillet 2008 ;

2°) d'ordonner une expertise médicale et de condamner le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise à lui verser une provision de 7 500 euros ;

3°) de condamner le syndicat intercommunal d'assainissement de la Van

oise à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...E..., dans le dernier état de ses écritures le 8 juillet 2014, a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de déclarer le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise responsable de l'accident dont elle a été victime le 31 juillet 2008 ;

2°) d'ordonner une expertise médicale et de condamner le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise à lui verser une provision de 7 500 euros ;

3°) de condamner le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (CPAM) a demandé la condamnation du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise à lui verser une indemnité de 4 971,30 euros en remboursement des débours versés dans le cadre de l'accident survenu à Mme E...ainsi qu'une indemnité forfaitaire d'un montant de 980 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise (SIAV) a conclu dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête de MmeE..., à titre subsidiaire à la condamnation du département de la Savoie et de la société Sade CGTH à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, à titre infiniment subsidiaire à ce qu'une expertise judiciaire soit ordonnée et à réduire le montant des indemnités demandées, et à la condamnation de Mme E...au versement d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il a également conclu au sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et au rejet de la demande de provision. Il a aussi conclu à la condamnation de la société Colas Rhône-Alpes-Auvergne à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Le département de la Savoie a conclu au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de l'appel en garantie du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise et à la condamnation du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise et de la société Sade CGTH à le garantir de toute éventuelle condamnation, infiniment subsidiairement à la réduction des indemnités demandées, et à la condamnation du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise au versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Sade CGTH a conclu au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Savoie, au rejet de l'appel en garantie du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise, à la condamnation de la société Colas Rhône-Alpes-Auvergne à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et à la condamnation de Mme E..., de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise au versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Colas Rhône-Alpes-Auvergne a conclu au rejet de l'appel en garantie de la société Sade CGTH, au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à la condamnation de la société Sade CGTH à la garantir des condamnation prononcées contre elle et à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1102442 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise à verser à Mme E... une indemnité d'un montant de 5 222,37 euros pour les préjudices subis et une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a condamné ledit syndicat intercommunal à verser à la CPAM de la Savoie une indemnité d'un montant de 2 239,42 euros en remboursement de ses débours et une somme de 746,47 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Il a condamné ledit syndicat intercommunal à verser 1 200 euros au département de la Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a également condamné la société Sade CGTH à garantir le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement. Il a déclaré un non-lieu à statuer sur les appels en garantie du département de la Savoie à l'encontre du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise et de la société Sade CGTH et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, présentée pour la société SADE CGTH, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1102442 du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de déclarer irrecevable la demande de Mme E...et dire que le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise n'a pas d'intérêt à agir pour l'appeler en garantie ;

3°) à titre subsidiaire de constater que la preuve d'un lien de causalité n'est pas rapporté entre le dommage allégué par Mme E...et l'entretien de l'ouvrage public et de rejeter l'appel en cause et en garantie formé par le SIAV à son encontre ;

4°) à titre plus subsidiaire de juger que le préjudice est imputable à la seule faute de la victime et est exonératoire de toute responsabilité de la part de la société SADE ;

5°) à titre infiniment subsidiaire de rejeter les demandes non justifiées de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et de diminuer l'indemnité de MmeE... ;

6°) de condamner la société Colas Rhône-Alpes-Auvergne à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

7°) de condamner le SIAV ou qui mieux le devra à payer les dépens et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de Mme E...devant les premiers juges était irrecevable car ne précisant pas de fondement juridique et n'expose pas la qualité en vertu de laquelle elle agit ;

- le SIAV l'a appelé en garantie en première instance pour manquement de son obligation de signalisation routière prévue contractuellement dans le CCTP alors que dans ses écritures elle a soutenu qu'une signalisation adaptée était présente ; que cette contradiction démontre l'absence d'intérêt à agir du SIAV à son encontre ;

- le lien de causalité entre le dommage allégué de Mme E...et l'ouvrage public n'est pas établi car le lieu précis de l'accident n'a pas pu être déterminé et la présence de gravillons comme élément de la chute de Mme E...n'est pas démontrée ; aucun témoignage ne précise les circonstances de l'accident ; aucun constat contradictoire n'a été réalisé ;

- il appartient au SIAV de prouver un manquement de la SADE à ses obligations contractuelles et le SIAV " a avoué judiciairement " que la signalisation requise avait été apposée via un panneau AK22 annonçant la présence de gravillons et le risque qui en découle ; un panneau de limitation de vitesse à 50 km/h était également mis en place ; elle produit en appel le registre du journal de coordination établi par le coordonnateur sécurité qui n'est pas un de ses salariés mentionnant que M. B...agent de la police municipale a indiqué avoir constaté l'ensemble du dispositif de signalisation y compris la présence du panneau gravillon le jour de l'accident ; M. D...a aussi reconnu l'existence d'une signalétique incitant à la vigilance ;

- la présence de gravillons était signalée et était normale dans une zone de travaux ;

- la faute de l'usager est exonératoire, Mme E...connaissait les lieux, la visibilité était optimale, l'accident s'est produit en pente descendante après le chantier ; elle n'a pas eu une conduite adaptée, son inattention fautive est à l'origine de l'accident ; cette faute entraine une exonération totale de la responsabilité et non une exonération pour moitié ;

- la CPAM ne justifie pas de ses débours, l'ITT ayant été limitée à 3 jours d'hospitalisation alors que la caisse sollicite un remboursement de 214 jours d'indemnités journalières ; elle ne justifie pas de ses frais de gestion qui relèvent de sa mission ;

- les préjudices de Mme E...sont surévalués et ne sont pas accompagnés de justificatifs pour sa bicyclette et ses vêtements ; les justificatifs pour les préjudices corporels n'ont pas été établis contradictoirement ;

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2015 pour Mme F...E..., elle conclut à l'irrecevabilité de la requête de la société SADE CGTH, à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société SADE CGTH à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'un accident le 31 juillet 2008 vers 17H00 à raison de la présence de gravillons sur la chaussée ; trois accidents graves ont eu lieu dans les mêmes circonstances au même lieu entre 17h00 et 20h00 ; la DDE a été prévenue vers 20h10 pour procéder au nettoyage des gravillons et éviter d'autres accidents ;

- le SIAV est le maître d'ouvrage des travaux publics ; elle était usager de la voie publique ;

- sa demande devant les premiers juges était recevable, le fondement de responsabilité : usager de la voie publique et la présence de gravillons dans le cadre de travaux publics étant expliqués ;

- le raisonnement tenu par le tribunal administratif de Grenoble pour le cas de M. D... ne lui est pas applicable ;

- la société SADE CGTH dans son courrier du 26 mars 2009 a reconnu la présence massive et non signalée de gravillons et a imputé ce fait à la société Colas ; le lien de causalité a été établi ;

- le registre de coordination se borne à évoquer une réunion ayant eu lieu 4 jours après l'accident, les propos de M.B..., non signés par celui-ci, sont contredits par le rapport d'information de M.A..., brigadier-chef principal de la police municipale ;

- l'expert SARETEC mentionne qu'elle a dérapé sur des gravillons lesquels n'étaient pas signalés par des panneaux ;

- le seul panneau présent était celui de la limitation à 50km/h et les gravillons étaient présents sur une dizaine de mètres, ce qui n'a pas permis aux victimes de réagir ; la présence massive de gravillons se trouvait dans un tournant en dévers après la ligne droite en sortant de la zone de chantier ;

- les premiers juges ont pu l'indemniser sur la base du rapport du docteur Combaz sans faire procéder à une autre expertise ; sa bicyclette a été endommagée ainsi que ses vêtements ; elle a subi un préjudice corporel ;

Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2015, présenté pour le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise, il conclut à l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité et a fait droit aux demandes indemnitaires de Mme E...et de la CPAM. Il conclut à titre subsidiaire à la condamnation du département de la Savoie et de la société Sade CGTH, au titre de sa responsabilité contractuelle et de la société Colas Rhône-Alpes, au titre de son marché de sous-traitance à le garantir des condamnations prononcées à son encontre. Il conclut à titre infiniment subsidiaire à ce que soit mis les frais d'expertise à la charge de Mme E...et à la " débouter de sa demande d'indemnité provisionnelle ". Il formule également des conclusions tendant à la condamnation de Mme E... ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la simple présence de gravillons est normal et Mme E...n'apporte pas la preuve du caractère anormal ou excessif de la quantité de gravillons ;

- elle n'établit pas le lien de causalité en l'absence de témoignage ou de photographie du lieu de l'accident ;

- Mme E...a commis plusieurs fautes d'imprudence qui sont la cause exclusive de l'accident ;

- le département de la Savoie devra le garantir de toute condamnation car l'accident est survenu sur la RD n°91 et a réglementé la circulation pour permettre l'exécution desdits travaux publics ;

- il n'y a pas d'aveu judiciaire et le SIAV peut appeler en garantie contractuelle la SADE CGTH avec laquelle il a passé un acte d'engagement le 7 novembre 2007 et dont l'article 3.19.2 du CCTP précise que la société SADE est responsable jusqu'à l'évacuation du chantier en fin de travaux des accidents de toute nature que son chantier ou son matériel pourrait occasionner par suite d'un défaut de signalisation diurne ou nocturne ; la société SADE a méconnu son obligations de signalisation routière et de prévention des accidents par une protection adéquate du chantier prévue à l'article 1.3 de l'acte d'engagement et à l'article 4 ; l'accident a eu lieu en cours de chantier, la SADE CGTH ne peut pas se prévaloir de la force majeure ; si les gravillons sont la cause de l'accident, la SADE CGTH ne démontre pas avoir pris toutes les dispositions pour éviter tous les accidents par une protection adéquaté du chantier alors qu'elle venait de mettre en oeuvre des gravillons en phase de revêtement routier de type bicouche ; le fait que le gravillonnage aurait été mis en oeuvre par son sous-traitant la société Colas ne la dédouane pas de sa responsabilité ;

- la responsabilité de la société Colas, sous-traitant, est engagée car l'accident est intervenu après le rabotage de la chaussée au niveau de la zone de travaux et la mise en place d'une monocouche ; la société Colas doit relever et garantir le SIAV des condamnations prononcées à son encontre ;

- les indemnités sollicitées par Mme E...sont disproportionnées et injustifiées ;

- un sursis à statuer devra être prononcé dans l'attente d'un rapport médical qu'il y a lieu d'ordonner ;

- la provision demandée n'est pas justifiée car Mme E...n'établit pas les pertes de salaires subies et les frais liés à l'accident comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif ;

- la CPAM n'indique pas la cause juridique de sa demande ; les débours sur les indemnités journalières ne sont pas justifiées car le médecin a mentionné 3 jours d'ITT et " pas d'arrêt d'activité professionnelle " ; l'absence d'arrêt de travail s'oppose au versement d'indemnités journalières ; aucun justificatif n'a été produit sur les dépenses de santé et aucun lien de causalité n'a été établi ;

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2015, présenté pour la société Colas Rhône Alpes Auvergne, elle conclut à la confirmation du jugement du 4 décembre 2014 sur l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur la demande d'appel en garantie de la SADE CGTH à son encontre. Elle conclut à titre subsidiaire au rejet de la demande de Mme E...et des conclusions de la CPAM. Elle conclut à titre encore plus subsidiaire au rejet de l'appel en cause de la SADE CGTH et du SIAV à son encontre car elle a rempli ses obligations contractuelles. Elle formule également à titre très infiniment subsidiaire à ce que la SADE CGTH et le SIAV la garantissent de toute condamnation. Elle conclut aussi à la condamnation solidaire de la SADE CGTH et du SIAV ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la réalisation du lot n°2 chaussée de la RD 91 en grave bitume et monocouche lui a été sous-traitée par la SADE, titulaire du marché public de travaux ; du fait de ce contrat de droit privé, la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'appel en cause et en garantie de la société SADE à son encontre ;

- si Mme E...doit être regardée comme une usagère de la route départementale, il lui appartient de rapporter la preuve du défaut d'entretien ou de signalisation ; la signalisation au cas d'espèce panneau AK 22, limitation de vitesse et feu tricolore avec alternat de circulation existait bien ; ces faits sur la signalisation ne sont contestés par personne et sont désormais établis par les déclarations de l'agent de la police municipaleB... ; la présence de gravillons sur une route départementale est normale a fortiori dans une zone de travaux signalés ;

- MmeE..., résidant à Saint Bon Courchevel connaissait les lieux ;

- personne n'est en mesure de rapporter la preuve des circonstances exactes de l'accident de MmeE... ; aucun témoignage ou constat contradictoire n'est produit ; le manque de vigilance, la vitesse excessive ou un problème de freinage peuvent être à l'origine de l'accident ;

- la CPAM ne rapporte aucune preuve d'une faute de la société Colas ;

- la CPAM en contradiction avec l'expertise médicale réclame sans justificatifs le remboursement de 214 jours d'indemnités journalières ;

- les demandes indemnitaires de Mme E...sont surévaluées et injustifiées ;

- elle n'a commis aucune faute : ni la SADE ni le SIAV ne sont en mesure de caractériser ou d'établir la moindre faute de sa part ; la SADE CGTH ne précise pas le fondement juridique ni la faute qu'elle entend lui reprocher en qualité de sous-traitant ; son contrat de sous-traitance ne prévoyait pas d'obligation de signalisation laquelle incombait à la SADE, qui y a satisfait ; le brigadier chef A...cite les travaux de la SADE CGTH et n'évoque pas la société Colas ; en première instance, la SADE CGTH a reconnu que le gravillonnage a été mis en oeuvre par Colas conformément aux règles de l'art et à la demande du SIAV et du conseil général ; le SIAV se borne à indiquer que Colas est sous-traitante sans fonder juridiquement sa demande ou établir une quelconque faute ;

- la SADE CGTH et le SIAV doivent la garantir de toute condamnation ; la société titulaire du contrat de maitrise d'oeuvre la SAFEGE n'a pas été appelée en cause par la SADE CGTH ;

Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2015, présenté pour la SADE CGTH, elle maintient ses conclusions et précise que la juridiction administrative est compétente " pour connaître de l'appel en cause régularisé par le SIAV " et qu'elle relaye à l'encontre de la société Colas ;

Elle ajoute que :

- la réfection des chaussées a été sous-traitée en intégralité à la société Colas Auvergne Rhône Alpes ;

- tout litige survenant entre un entrepreneur principal et son sous-traitant relève de la compétence judiciaire car relevant du contentieux de l'exécution d'un contrat de droit même s'il porte sur l'exécution de travaux publics ; toutefois, le juge administratif est compétent pour les litiges de mise en cause par le maitre de l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant chargé des travaux publics ; le juge administratif est compétent pour l'action en responsabilité engagée par les victimes de travaux publics à l'encontre du sous-traitant ayant participé à la réalisation des travaux publics ; le juge administratif est compétent pour traiter des appels en garantie d'un maitre d'ouvrage, condamné envers des tiers, contre le sous-traitant d'un de ses contractants ; le juge administratif est compétent pour connaître de l'appel en garantie du SIAV contre la SADE CGTH et par suite de la SADE CGTH contre la société Colas ;

- sa requête est recevable car elle justifie de la mention de son siège social et par suite de son domicile ;

- le lieu précis de l'accident n'a pas été déterminé et le tribunal administratif a retenu qu'il était intervenu après la zone de chantier ; le rapport de police n'apporte aucune information sur le lieu précis de son accident ; Mme E...s'est bornée à indiquer qu'elle avait glissé après les travaux sans plus de précisions ; la zone de l'accident selon le rapport du 4 août 2008 du cabinet Alpes Contrôles est située dans un tournant situé après la zone de chantier ;

- les correspondances qui se bornent à relater les dires de Mme E...sur la présence de gravillons comme étant la cause de la chute de cette dernière ne sauraient constituer des éléments de preuve sur les circonstances de l'accident ;

- un panneau AK 22 sur la présence de gravillons était mis en place ; le relevé de main courante de la police municipale qui demande le lendemain de l'accident la mise en place d'une signalisation n'établit pas que ce panneau AK 22 n'était pas en place au moment de l'accident ; aucune action de signalisation n'a été demandée à la DDE de Bozel lors de sa réquisition pour intervention sur site ; la signalisation demandée le lendemain ne concernait que la fin de chantier ;

- le vélo de Mme E...est un vélo tout terrain semi-rigide " hard trail " idéal pour la randonnée de loisirs ou la compétition de cross country et permet une pratique sportive sur des terrains accidentés ; Mme E...n'a pas prêté une attention particulière à la configuration modifiée des lieux et signalée ; elle n'a pas eu une conduite adaptée ;

Par ordonnance du 6 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2017.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2017, présenté pour la SADE, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens et ajoute que l'appel en garantie du SIAV était et est irrecevable.

Elle ajoute que :

- la demande de Mme E...devant le tribunal administratif était irrecevable car insuffisamment motivée en terme de fondements ; en appel, Mme E...se borne à indiquer que le SIAV a compris ses conclusions en qualité d'usagère de la route départementale 91 ; les écritures d'appel sont inconsistantes et se bornent à faire état de la réclamation adressée au SIAV ;

- l'appel en garantie du SIAV est irrecevable à raison de l'irrecevabilité de la demande de MmeE... ;

- la fin des rapports contractuels entre le maitre d'ouvrage et l'entrepreneur consécutive à une réception sans réserve fait obstacle à ce que sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maitre d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; le SIAV ne justifie pas d'une absence de réception au cas d'espèce ;

- si la présence de gravillons a été constatée par les services de la police municipale, aucun élément ne permet de vérifier la localisation desdits gravillons ni leur quantité ;

- une signalisation temporaire appropriée sur la présence de gravillons était installée et Mme E...dit que les gravillons étaient visibles ;

- la présence des gravillons a été signalée avant la survenance des gravillons comme l'atteste le registre du journal de coordination produit en appel et ni le coordonnateur, ni le maître d'oeuvre n'ont émis de remarque sur la sécurité du chantier et sur la signalisation ;

- elle produit le compte-rendu de la réunion du même jour qui ne fait état d'aucune difficulté concernant l'état du chantier et de la chaussée ;

Par ordonnance du 13 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 14 février 2017 ;

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2017, pour le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il ajoute que :

- la SADE CGTH a un comportement dilatoire en mentionnant dans son dernier mémoire une fin de non recevoir sur l'appel en garantie du SIAV ; cette fin de non-recevoir ne tient pas car la SADE CGTH ne produit pas le procès-verbal de réception des ouvrages ;

- le Conseil d'Etat dans une décision du 19 juin 2015 (372283) a jugé qu'il existe des exceptions sur la portée de la réception sans réserve relatives à l'existence d'une clause contractuelle prévoyant la possibilité d'un appel en garantie à l'encontre de l'entrepreneur après la réception sans réserve ; il existe une clause contractuelle sur la responsabilité de l'entrepreneur et cet accident est intervenu en cours de chantier ; le SIAV a régulièrement appelé en garantie la SADE CGTH ;

- si le défaut d'entretien devait être retenu, le SIAV peut appeler en garantie la SADE sur un fondement contractuel ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Alard, avocat de la société SADE CGTH et de Me Betemps, avocat du SIAV.

1. Considérant que le 31 juillet 2008, vers 17h00, MmeE..., alors qu'elle circulait sur un vélo tout terrain sur la route départementale 91, a chuté au lieu-dit la Choulière sur le territoire de la commune de Saint-Bon-Tarentaise ; qu'imputant sa chute à la présence de gravillons sur la route départementale du fait de travaux publics réalisés pour le compte du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise (SIAV) dans le cadre de la réalisation de collecteurs à la nouvelle station d'épuration, elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures, de déclarer ledit SIAV responsable de son accident, de faire procéder à une expertise et de condamner à titre de provision ce syndicat à lui verser la somme de 7 500 euros en réparation des préjudices subis ; que la CPAM de Savoie a également demandé la condamnation du SIAV à lui verser une indemnité de 4 971,30 euros en remboursement des débours versés dans le cadre de l'accident survenu à Mme E...ainsi qu'une indemnité forfaitaire d'un montant de 980 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, par jugement du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a retenu la responsabilité du SIAV et de Mme E...à hauteur de 50 % chacun dans la survenance de cet accident ; que, par ce même jugement, le tribunal administratif a condamné ledit syndicat à verser 5 222,37 euros à Mme E...au titre des préjudices subis et 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 2 239,42 euros à la CPAM de Savoie en remboursement de ses débours ainsi que 746,47 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il a également condamné le SIAV à payer 1 200 euros au département de la Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, suite aux appels en cause et en garantie formés par le SIAV, le département de la Savoie, la société SADE CGTH et la société Colas, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société SADE CGTH à garantir le SIAV desdites condamnations, a déclaré un non lieu à statuer sur les appels en garantie du département à l'encontre du SIAV et de la société SADE CGTH et a rejeté le surplus des conclusions ; que la société SADE CGTH a interjeté appel de ce jugement par requête du 11 février 2015 ; que Mme E...a conclu à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire à son rejet au fond ; que, par des conclusions en appel provoqué, le SIAV a conclu à l'annulation du jugement à titre principal en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans le cadre d'un défaut d'entretien normal de la chaussée et, à titre subsidiaire, a appelé en garantie les sociétés SADE CGTH et Colas ainsi que le département de la Savoie ; que, par des conclusions en appel provoqué, la société Colas conclut à la confirmation du jugement du 4 décembre 2014 sur l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur la demande d'appel en garantie de la SADE CGTH à son encontre, à titre subsidiaire au rejet de la demande de Mme E... et des conclusions de la CPAM, à titre encore plus subsidiaire au rejet de l'appel en cause de la SADE CGTH et du SIAV à son encontre car elle a rempli ses obligations contractuelles et, à titre très infiniment subsidiaire, à ce que la SADE CGTH et le SIAV la garantissent de toute condamnation ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que l'usager d'une voie publique est fondé à demander réparation du dommage qu'il a subi du fait de l'existence ou du fonctionnement de cet ouvrage ou du fait des travaux publics qui y sont réalisés tant à la collectivité gestionnaire de la voie qu'à l'auteur des travaux dommageables ; qu'il doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et le dommage ; que les personnes ainsi mises en cause ne peuvent dégager leur responsabilité, sauf cas de force majeure ou faute de la victime, qu'en établissant que l'ouvrage était normalement entretenu ;

Sur les conclusions de la société Sade CGTH :

3. Considérant, que contrairement à ce qu'indique MmeE..., la requête d'appel de la société SADE CGTH, entreprise à laquelle avait été dévolue par marché public de la SIAV la réalisation de tels travaux publics, est bien recevable ; que ladite société expose que le lien de causalité entre le dommage allégué de Mme E...et l'ouvrage public n'est pas établi dès lors que le lieu précis de l'accident n'a pas pu être déterminé et que le lien de causalité avec la présence de gravillons comme élément de la chute de Mme E...n'est pas démontré ; qu'elle mentionne également apporter la preuve par de nouveaux éléments produits en appel que la présence de gravillons, normale sur un tel chantier, était au demeurant correctement signalée par un panneau spécifique ;

4. Considérant que, s'il n'est pas contesté que Mme E...s'est fracturée le bras le 31 juillet 2008 à la suite d'une chute au lieu-dit la Choulière, il résulte toutefois de l'instruction que les déclarations de Mme E...sur une chute liée à la présence de gravillons imputable aux travaux du SIAV, ne sont corroborées par aucun témoignage, et ne sont assorties d'aucune précision aussi bien en première instance qu'en appel sur l'endroit exact où s'est produite cette chute et les raisons de celle-ci ; que la mention du rapport du 4 août 2008 du cabinet Alpes Contrôles selon laquelle l'accident aurait eu lieu dans un tournant situé après la zone de chantier ne permet pas non plus de déterminer le lieu exact de l'accident ni les circonstances de l'accident ; que, dès lors, en l'absence d'éléments suffisamment probants sur les circonstances de l'accident et l'imputabilité directe et certaine de cette chute aux dits gravillons liés à cette opération de travaux publics, la société requérante est fondée à soutenir que Mme E...n'établit pas que les préjudices subis à l'occasion de sa chute sont imputables aux travaux dont s'agit et en l'occurrence à la présence de gravillons émanant du chantier ;

5. Considérant, en outre, qu'il résulte des éléments produits en appel, dont le procès-verbal établi quatre jours après l'accident par le coordonnateur sécurité et figurant dans le journal de coordination sécurité, que la présence de gravillons liés au chantier était correctement signalée par un panneau spécifique AK22 gravillon ; que de telles mentions du coordonnateur sécurité sur la présence d'une " signalisation gravillon " adéquate sont fondées sur les déclarations de M.B..., agent de police municipale étant intervenu le 31 juillet 2008 à l'occasion des accidents s'étant déroulés le même jour sur cette portion de la route départementale ; que ni ces mentions ni les autres éléments figurant dans les procès-verbaux de réunions, auxquelles ont assisté des représentants de la commune, sur la seule absence d'un panneau de signalisation fin de chantier et sur la présence du reste de la signalisation, ne sont utilement contredits par le document établi postérieurement par M.A..., lequel n'était pas présent sur les lieux le jour de l'accident ; qu'il résulte également de l'instruction que les déclarations de M.D..., autre usager ayant eu un accident sur cette route le même jour, sur la présence d'un panneau de signalisation gravillons au niveau du chantier, ne sont pas utilement contestées par MmeE..., laquelle se borne à indiquer que le raisonnement ayant été appliqué par le tribunal administratif de Grenoble pour l'accident de M. D...ne lui est pas applicable ; que, dès lors, aucun défaut de signalisation ne saurait être reproché à la société SADE CGTH et à son sous-traitant ;

6. Considérant que, par suite, dans les circonstances décrites, la chute de Mme E...n'est imputable qu'à sa propre inattention ; que, dès lors, la société SADE CGTH est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble, par le jugement attaqué, l'a condamnée à garantir le SIAV de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Sur les conclusions du syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise :

7. Considérant que, dans ses écritures en appel, le SIAV conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a déclaré partiellement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à MmeE... ; que cet appel a été provoqué par l'appel principal de la société SADE CGTH dont l'admission a pour effet de porter atteinte à la situation du SIAV ; que, dès lors, les conclusions du SIAV, bien que présentées après le délai d'appel, sont recevables ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le SIAV est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble l'a jugé partiellement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mme E...et l'a condamné à indemniser Mme E...et la CPAM de la Savoie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a condamné le SIAV à verser, d'une part, à Mme E...la somme de 5 222,37 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, à la CPAM de la Savoie une somme de 2 239,42 euros au titre de ses débours et la somme de 746,47 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et en tant qu'il a condamné la société SADE CGTH à garantir le SIAV ;

Sur les conclusions en appel en garantie :

9. Considérant qu'en l'absence de condamnation du SIAV à indemniser Mme E...et la CPAM de la Savoie, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions d'appel en garantie du SIAV contre la SADE CGTH ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie de la SADE CGTH contre la société Colas, pour lesquelles au demeurant la juridiction administrative n'est pas compétente pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que la société SADE CGTH n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'elle soit condamnée à payer une quelconque somme à MmeE... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions formulées par la société SADE CGTH, le SIAV et la société Colas Auvergne Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1102442 du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a condamné le SIAV à verser, d'une part, à Mme E... la somme de 5 222,37 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, à la CPAM de la Savoie une somme de 2 239,42 euros au titre de ses débours et la somme de 746,47 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et en tant qu'il a condamné la société SADE CGTH à garantir le SIAV ;

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie du SIAV et de la SADE.

Article 3 : Les demandes de première instance de Mme E...et de la CPAM de la Savoie ainsi que les conclusions en appel de Mme E...sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sade CGTH, au syndicat intercommunal d'assainissement de la Vanoise (SIAV), à Mme F...E..., à la société Colas Auvergne Rhône-Alpes, à la CPAM de la Savoie et au département de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Cottier et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

3

N° 15LY00484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00484
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP DUVAL-PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-07-13;15ly00484 ?
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