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29/06/2017 | FRANCE | N°15LY01878

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 15LY01878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2014 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui a désigné la Guinée ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible comme pays de destination.

Par un jugement n° 1500829 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour
r>Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2014 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui a désigné la Guinée ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible comme pays de destination.

Par un jugement n° 1500829 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée pour M. C...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il ne pouvait retenir que M. C... n'établissait pas être mineur à la date de son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance ;

- M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que son frère et sa soeur ;

- il s'en rapporte à ses écritures devant les premiers juges s'agissant des autres moyens de la demande de M. C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2015, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à la perception de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il n'avait pas déposé de demande de titre de séjour, attendant l'année suivant son dix-huitième anniversaire pour ce faire ;

- étant mineur, il ne pouvait faire l'objet des mesures prises par le préfet de la Drôme ;

- l'arrêté litigieux ne lui a été notifié que quatre mois et demi après sa signature, alors qu'il était censé relever de l'urgence ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'extrait d'acte de naissance qu'il a remis à la préfecture pour obtenir une autorisation de travail était authentique ;

- il remplit les conditions prévues pour la délivrance d'un titre sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- étant encore mineur, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet devra expliquer comment une décision d'éloignement sans délai peut attendre quatre mois avant sa notification ;

- le préfet lui a fixé la Guinée comme pays de destination alors qu'il est malien.

M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pourny, président-assesseur ;

1. Considérant que le préfet de la Drôme a pris le 1er octobre 2014 un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire et désignation d'un pays de renvoi à l'encontre de M. X., se disant LassanaC..., né le 28 avril 1997 à Bamako, entré irrégulièrement en France en 2013, lequel a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Drôme à compter du 26 décembre 2013 par une décision du juge des enfants du tribunal de grande instance de Valence ; que le préfet de la Drôme conteste le jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;

4. Considérant que pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Drôme a estimé que l'acte de naissance présenté par l'intéressé était apocryphe et qu'il n'était, dès lors, pas établi que celui-ci avait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ", aux termes duquel : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ;

6. Considérant que pour justifier de son identité et de son âge, M. C... a produit un extrait d'acte de naissance, portant le n° 320 pour l'année 1997, établi par le centre principal de la commune III du district de Bamako, ainsi que sa carte d'identité, délivrée le 21 février 2012 à Bamako ; qu'il a ultérieurement présenté son passeport délivré le 10 juin 2014 et une " copie littérale d'acte de naissance " établie le 10 décembre 2014, concernant l'acte n° 320 du centre secondaire de Ouolofbougou de la commune III du district de Bamako ; que le préfet de la Drôme fait valoir, en s'appuyant sur les informations transmises par le consulat général de France à Bamako, que l'acte de naissance n° 320 du centre principal de la commune III du district de Bamako concerne un tiers et qu'une " copie littérale d'acte de naissance " ne saurait être délivrée par un centre secondaire, dès lors que les registres sont archivés au centre principal de la commune III ; que si la " copie littérale d'acte de naissance " n° 320 du centre principal de la commune III du district de Bamako, transmise au préfet par les autorités consulaires, est de nature à faire naître un doute sérieux sur l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance fourni par M. C..., cette pièce et les informations transmises par les autorités consulaires ne sauraient suffire à établir que les documents présentés par M. C... sont irréguliers, falsifiés et que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, alors que l'intéressé dispose d'une carte d'identité et d'un passeport établis par les autorités maliennes, confirmant ses déclarations, et que, d'ailleurs, sa date de naissance a été retenue dans l'ordonnance de placement provisoire du 26 novembre 2013, comme dans la décision du juge des enfants du tribunal de grande instance de Valence du 26 décembre 2013, sans que son identité et sa minorité ne soient mises en doute ; que, dès lors, c'est à tort que le préfet de la Drôme a retenu dans l'arrêté litigieux que M. C... n'établissait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qu'il lui a, pour ce motif, refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une décision lui fixant un pays de destination ;

7. Considérant que si le préfet de la Drôme soutient que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident encore ses parents, ainsi que son frère et sa soeur, la situation de l'intéressé doit être appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation, de la nature des liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française, la présence de parents ou de frères et soeurs dans le pays d'origine n'étant pas à elle seule de nature à justifier le rejet d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la cour ne saurait, par suite, procéder à la substitution de motifs demandée par le préfet ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté litigieux ;

9. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés en cours d'instance par M. C... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...C.... Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

4

N° 15LY01878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01878
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-29;15ly01878 ?
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