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29/06/2017 | FRANCE | N°15LY01806

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 15LY01806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de la Loire du 22 juillet 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1408553 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juin 2

015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de la Loire du 22 juillet 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1408553 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juin 2015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 février 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai de quinze jours et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

- la décision fixant le pays de renvoi viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2017, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

M. C...ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pourny, président-assesseur ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant congolais né 18 novembre 1974 à Brazzaville, déclare être entré en France le 21 septembre 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 10 décembre 2009 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2011 ; qu'il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour valable jusqu'au 13 octobre 2012 en raison de son état de santé ; que le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé ; que, par arrêté du 22 juillet 2014, pris au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé du 25 avril 2014, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire s'est fondé sur un avis émis le 25 avril 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale d'une durée de vingt-quatre mois, dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si M. C... affirme que son état de santé ne s'est pas amélioré depuis un premier avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 13 octobre 2010, au vu duquel il avait obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 13 octobre 2012, cet avis, antérieur de près de quatre ans à la décision litigieuse, ne saurait suffire à établir que l'intéressé avait encore besoin, à la date de cette décision, d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les certificats médicaux des 26 mars 2014 et 10 septembre 2014, délivrés par le praticien hospitalier qui suit l'intéressé depuis 2010, reprennent la teneur de certificats médicaux établis les 12 septembre 2012 et 6 mars 2013 par le même praticien, sans que l'opinion de ce dernier ne soit étayée par des faits précis ou confortée par l'opinion d'un autre médecin ; que, dès lors, ces éléments ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et l'appréciation portée par le préfet au vu de cet avis ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est arrivé sur le territoire français le 21 septembre 2009, selon ses déclarations, soit moins de cinq ans avant la date de la décision en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans au Congo (Brazzaville) ; que s'il soutient que son épouse est décédée et qu'il n'a plus de nouvelle de sa fille, la seule production d'un acte de décès daté du 31 juillet 2014, concernant une personne qu'il présente comme étant son épouse, ne permet pas d'établir qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que les attestations de travail que le requérant produit, concernant des emplois temporaires qu'il a occupés au cours des années 2011 et 2012, ne sont pas de nature à justifier une insertion particulière dans la société ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il ne ressort pas des certificats médicaux produits que l'état de santé de M. C... à la date de l'arrêté en litige exigeait qu'il demeure en France pour s'y faire soigner ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, le refus de titre de séjour opposé à M. C... n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et sur son état de santé ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (....) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 22 juillet 2014 ; qu'ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de la violation, par l'obligation de quitter le territoire français contestée, des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont cette mesure d'éloignement serait entachée au regard de son état de santé, doit être écarté comme non fondé ;

13. Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 8, l'obligation faite à M. C... de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

15. Considérant que M. C... soutient encourir des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison des activités militantes de son père, de ses activités professionnelles et de ses origines ethniques ; que toutefois, il n'établit pas, par son récit, déjà écarté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, ou par les documents qu'il produit, l'authenticité de l'acte de décès de la personne qu'il présente comme étant son épouse n'étant pas établie et les autres documents ne permettant pas de retenir l'existence de menaces le concernant personnellement, la réalité des évènements allégués et l'existence de menaces actuelles et personnelles auxquelles il serait exposé en cas de retour au Congo ; que par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de la Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui à l'occasion du litige doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

6

N° 15LY01806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01806
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-29;15ly01806 ?
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