Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis son recours au tribunal administratif de Lyon, d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté sa réclamation contre la décision du 15 novembre 2011 refusant de prendre en compte l'indice dont il bénéficiait dans le cadre de ses précédentes fonctions.
Par un jugement n° 1205750 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite opposée à la demande de régularisation d'indice présentée par M. A..., enjoint au ministre de la justice de le nommer à l'indice majoré de rémunération 431 à compter du 4 juillet 2011 et de procéder aux rappels de rémunération induits par cette régularisation rétroactive, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er juin 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er avril 2015.
Il soutient que :
- les dispositions des articles R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense supposent, pour être applicables, que les militaires qui intègrent la fonction publique se trouvent en position de détachement, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat, ce qui n'était pas le cas de M. A... en l'espèce ;
- les dispositions du II et du III de l'article 10 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2016, dont M. A...se prévaut, sont applicables aux fonctionnaires civils lors de leur titularisation, et non aux militaires, conformément à ce qu'a estimé le Conseil d'Etat ; l'intéressé, en qualité d'ancien militaire, ne pouvait pas être reclassé à l'indice 431 dont il bénéficiait en tant que plongeur démineur de la marine nationale ; c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces dispositions.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2016, M.A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que c'est à juste titre que les premiers juges se sont fondés sur le décret du 14 avril 2006 pour régulariser sa situation, qu'il n'a jamais entendu invoquer les articles R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense, que la décision du Conseil d'Etat invoquée par l'administration est étrangère au cas d'espèce et qu'il y a lieu de s'interroger sur la position du ministre, qui a régularisé sa situation ainsi que celle d'un autre agent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2016
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui était premier maître de la marine nationale, a été radié de la fonction publique militaire, par arrêté du 28 juin 2011, à compter du 30 juin, sur sa demande, suite à son succès au concours de surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ; qu'il a intégré l'école nationale de l'administration pénitentiaire le 4 juillet 2011, en qualité d'élève surveillant ; qu'il a demandé, par courrier du 6 octobre 2011, à être reclassé à l'échelon comportant un traitement égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans l'armée, à savoir l'échelon 431 ; que, par décision du 15 novembre 2011, le ministre de la justice doit être regardé comme ayant rejeté, notamment, sa demande de reclassement ; que son recours contre cet acte, formé par courrier du 12 janvier 2012 auprès du ministre, qui constitue un recours gracieux, a été implicitement rejeté ; que le garde des sceaux doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon, annulant, à la demande de M. A..., sa décision implicite de rejet, lui enjoignant de le nommer à l'indice 431 ainsi que de procéder aux rappels de rémunération induits et mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. (...) " ; que l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat relatif à l'accès à la fonction publique prévoit que les fonctionnaires sont recrutés notamment par voie de concours réservés aux fonctionnaires de l'Etat, et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents de l'Etat, militaires et magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et des établissements publics ; qu'aux termes du II de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, applicables pour la détermination de la rémunération des élèves et stagiaires surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire en vertu de l'article 8 du même décret : " Les surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou d'établissements publics en relevant sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit au maintien de l'échelon détenu dans le corps ou cadre d'emplois d'origine qu'elles prévoient n'est ouvert qu'aux surveillants qui, antérieurement à leur recrutement dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, avaient déjà la qualité de fonctionnaire civil de l'Etat ; que tel n'est pas le cas des militaires de carrière, qui sont exclus des dispositions du statut général des fonctionnaires ; que, dans ces conditions, M. A...ne pouvait utilement se prévaloir de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces dispositions pour estimer que cet agent avait droit à un échelon comportant un traitement égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il percevait dans son corps d'origine, en qualité de militaire ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant qu'il ressort de ses écritures devant les premiers juges qu'il a abandonné, en cours d'instance, son moyen tiré de l'incompétence ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande " ;
7. Considérant qu'une décision rejetant implicitement un recours gracieux n'a pas à être motivée dès lors que la décision initiale l'est suffisamment, ce qui était le cas en l'espèce ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant que les autres moyens invoqués, tirés de l'incohérence de la position du ministre, qui s'est en réalité borné à appliquer le jugement contesté, de la possibilité qui était ouverte à M. A...de cumuler intégralement la pension reçue du fait de ses activités militaires avec ses revenus d'activité, ou de l'existence de jugements de tribunaux administratifs faisant droit à des prétentions analogues aux siennes, sont inopérants ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision litigieuse ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'octroi d'une indemnité, qui se bornent à invoquer l'illégalité du refus de reclassement par les moyens précédemment examinés, ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens ; que le garde des sceaux, ministre de la justice est, en revanche, fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 du jugement ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1205750 du tribunal administratif de Lyon du 1er avril 2015 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. B...A...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Fraisse, président,
- Mme Michel, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 juin 2017.
4
N° 15LY01847