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15/11/2016 | FRANCE | N°16LY02733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 16LY02733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 1er octobre 2015, M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 1er septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travaill

er, dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir, ou de réexaminer sa situat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 1er octobre 2015, M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 1er septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir, ou de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508378 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée 28 juillet 2016, présentée pour M.A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 1er septembre 2015 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de certificat de résidence :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que les stipulations de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne car il n'entre pas dans le cadre du regroupement familial dès lors que son épouse handicapée ne peut pas travailler, il s'est marié religieusement en 2008 puis civilement en mai 2012 et a donc 4 années de mariage, le couple a 3 enfants de cette union et il s'occupe des 4 autres enfants français de son épouse nés d'une précédente union, il s'occupe de son épouse handicapée et amène les enfants à l'école, le refus de titre induit la séparation des membres de la famille et notamment la séparation de M. A...de ses enfants ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- cette décision est dépourvue de base légale dès lors que le refus de titre est illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

L'affaire a été dispensée d'instruction.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

M. A...a été régulièrement averti du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 octobre 2016:

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- et les observations de Me Bidault, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M. D...A..., ressortissant algérien né le 20 juillet 1981, est entré en France le 29 mars 2012, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de 15 jours délivré par les autorités consulaires espagnoles à Alger ; qu'il a épousé, le 5 mai 2012, Mme C...B..., ressortissante algérienne, à la mairie de Vaulx-en-Velin ; qu'il a sollicité, le 17 juillet 2014, un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 et de l'article 7b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par décisions du 1er septembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai ; que par jugement du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales du 1er septembre 2015 ; que M. A... interjette appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la décision lui refusant un certificat de résidence :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

3. Considérant que M.A..., qui est depuis le 5 mai 2012 le conjoint d'une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans jusqu'en 2021, entre dans l'une des catégories de ressortissants algériens ouvrant droit au regroupement familial ; que s'il fait valoir que les ressources financières actuelles de son épouse sont insuffisantes pour qu'une décision de regroupement familial puisse être prise en sa faveur, circonstance au demeurant non établie par les pièces du dossier, il ne démontre pas toutefois qu'il aurait été dans l'impossibilité de bénéficier de la procédure de regroupement familial, le préfet n'étant pas en effet, au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien, en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources ; que l'intéressé ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, dans le champ d'application desquelles il n'entre pas ;

4. Considérant que M. A..., s'il se prévaut, sans d'ailleurs l'établir, pas plus en première instance qu'en appel, d'un mariage religieux célébré dès l'année 2008, ne montre pas en tout cas avoir eu de relation effective avec son épouse antérieurement à leur mariage civil le 5 mai 2012 ; que de même, s'il a, le 2 avril 2012, reconnu Yasser et Islam, les enfants de Mme B... nés le 2 août 2010, et qu'un enfant est né après leur mariage, le 12 juillet 2013, il est constant que M. A... a déclaré le 29 octobre 2013 à l'occasion d'une demande de titre de séjour à raison de son état de santé, être célibataire et sans enfant ; que M. A... indique également être investi dans la vie familiale auprès de son épouse, laquelle souffre de problèmes de santé en lien avec une obésité morbide et à un diabète type 2 mal équilibré, en mentionnant assister son épouse et s'occuper au quotidien des enfants de celle-ci ainsi que des 3 enfants qu'il a reconnus ; que toutefois, les dires de M. A... quant à une participation active à l'entretien et l'éducation des enfants et aux actes de la vie quotidienne ne sont pas corroborés par les pièces du dossier ; qu'en effet sur les avis d'imposition présents au dossier et postérieurs au mariage de Mme B... avec M. A..., ne figure pas le nom de ce dernier ; que les certificats et pièces établis par le Dr E...et par les services de la maison départementale du handicap mentionnent que c'est Mme B... qui se rend aux consultations médicales de ses différents enfants et qu'elle assure notamment, dans le cadre des équipes de suivi de scolarisation, le suivi scolaire de ses deux enfants Imène et Moussa, nés d'une précédente union, lesdits enfants souffrants de difficultés d'insertion scolaire liées à des problèmes de santé ; que sur les autres documents officiels ne figure que le seul nom de Mme B..., hormis une attestation du 25 septembre 2015, établie postérieurement au refus de séjour, par la directrice de l'école maternelle Youri Gagarine de Vaulx-en-Velin, quant à la circonstance que M. A... amène régulièrement les enfants Yasser et Islam à la maternelle ; que le refus contesté de certificat de résidence n'a au demeurant, en tant que tel, ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants ; qu'il est constant que M. A... a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie avant son entrée en France à l'âge de 31 ans et n'allègue pas y avoir perdu toutes attaches personnelles et familiales ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. " ;

6. Considérant que si M. A... a reconnu en avril 2012 deux des enfants de Mme B... et qu'un autre enfant est né le 12 juillet 2013 après leur mariage, et s'il se prévaut de l'assistance qu'il apporte à ses enfants et aux quatre autres enfants français de son épouse, la décision de refus de titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer ces enfants de leur père ou beau père ; que ce refus de séjour n'emporte pas nécessairement la cessation de liens entre M. A... et ses trois enfants, ni avec les enfants français de son épouse ; que les allégations de M. A... quant à une prise en charge des enfants français de son épouse, au demeurant sans mention précise sur la nature et l'intensité de telles relations, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier ; que dans ces conditions, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaît les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ".

8. Considérant que le requérant se prévaut de la méconnaissance de ces stipulations en mentionnant, sans autre précision, une atteinte aux droits de ses trois enfants nés de son union avec Mme B... et les conséquences pour les quatre enfants français de Mme B... ; qu'au cas présent, en tout état de cause, il est constant que M. A... n'est pas citoyen de l'Union européenne, pas plus que ses 3 enfants mineurs ; que de plus, le refus de séjour opposé à M. A... n'emporte en tant que tel aucune conséquence sur la situation des quatre enfants français de Mme B..., alors que, comme déjà exposé, la stabilité et l'intensité des relations de ces quatre enfants avec M. A..., leur beau-père, ne sont pas établies ; que dans de telles conditions, l'intéressé ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 20 précité du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

9. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un certificat de résidence algérien à M. A...n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus doit être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, le préfet a, le 1er septembre 2015, refusé à M. A... la délivrance d'un certificat de résidence ; qu'ainsi, à la date des décisions en litige, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés dans le cadre de l'analyse de la légalité du refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.

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N° 16LY02733


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 15/11/2016
Date de l'import : 27/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16LY02733
Numéro NOR : CETATEXT000033453662 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-15;16ly02733 ?
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