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10/11/2016 | FRANCE | N°15LY03179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 15LY03179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Intro Immo Promotion a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Alissas à lui verser une somme de 1 241 140 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2013 et capitalisation de ces intérêts, en réparation des conséquences dommageables de l'échec de son projet immobilier.

Par un jugement n° 1309068 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune d'Alissas à verser à la société Intro Immo Promotion une indemnité

de 198 450 euros, outre intérêts et capitalisation, et a mis à sa charge une somme de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Intro Immo Promotion a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Alissas à lui verser une somme de 1 241 140 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2013 et capitalisation de ces intérêts, en réparation des conséquences dommageables de l'échec de son projet immobilier.

Par un jugement n° 1309068 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune d'Alissas à verser à la société Intro Immo Promotion une indemnité de 198 450 euros, outre intérêts et capitalisation, et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée sous le n° 15LY03179 le 29 septembre 2015 et par deux mémoires enregistrés le 15 janvier 2016 et le 21 juillet 2016, ainsi que par un mémoire enregistré le 26 septembre 2016, non communiqué, la commune d'Alissas, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la société Intro Immo Promotion ;

3 °) de mettre à la charge de la société Intro Immo Promotion une somme, portée à 2 500 euros dans le dernier état de ses écritures, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il estime que la délibération du 16 décembre 2010 était créatrice de droit et que son retrait était illégal, car cette délibération n'était pas créatrice de droit et pouvait être légalement retirée plus de quatre mois suivant son édiction ; une délibération autorisant le maire à signer une promesse de vente ne crée aucun droit au profit du bénéficiaire ; aucune promesse unilatérale de vente n'ayant été conclue, la société ne dispose d'aucun droit à indemnisation ;

- à supposer même la délibération créatrice de droit, aucune faute ne peut lui être reprochée car l'engagement de la commune n'était pas ferme ni définitif, elle a pris acte d'une situation de fait ; la société ne disposait pas de l'ensemble du terrain d'assiette du projet, qui incluait également des propriétés privées ; la société a fait preuve de négligence en engageant des frais dans un tel cadre ;

- le montant des honoraires d'architecte découle du comportement fautif de la société ; elle a multiplié les dépôts de permis de construire et dû reprendre le projet pour respecter le plan local d'urbanisme ; il est surprenant que la société n'ait pas conditionné le paiement des honoraires à la délivrance du permis de construire, elle ne produit pas le contrat la liant à son architecte ; les documents produits tardivement par la société Intro Immo Promotion sont lacunaires et sont incohérents au regard des autres pièces produites par cette société ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la plupart des conclusions indemnitaires de la société n'étaient pas justifiées ;

- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser une somme au titre des frais acquittés en pure perte car aucun honoraire n'a été effectivement réglé à l'architecte ; il y a lieu de s'interroger, en raison des liens entre la demanderesse, son comptable et son architecte, sur la réalité des factures produites ; la société ne justifie pas de son préjudice.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2016, la société Intro Immo Promotion, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'infirmer le jugement et de condamner la commune d'Alissas à lui verser une somme de 950 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2013, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Alissas une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la commune a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité, en retirant la délibération du 16 décembre 2010 qui est créatrice de droit, en lui demandant de retirer son permis de construire, en opposant des motifs d'urbanisme injustifiés à ses demandes, en se prévalant de l'absence de dossier relatif à la loi sur l'eau, en ayant des exigences injustifiées quant aux stationnements des commerces, et en faisant preuve de mauvaise foi et de déloyauté pour ralentir l'opération, qu'elle a finalement reprise à son compte, en s'affranchissant des exigences antérieurement émises ; la rupture des pourparlers, quand elle intervient de manière fautive, est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;

- elle a subi un préjudice important ; elle a travaillé inutilement sur un projet qui a été abandonné ; le manque à gagner représenté par le salaire du promoteur pendant l'opération s'élève à 100 000 euros ; les notes d'honoraires d'architecte s'élèvent à 198 449 euros TTC, il s'agit de créances certaines, liquides et exigibles, même si elles n'ont pas été réglées ; elle a subi un manque à gagner de 684 245 euros hors taxe ; son préjudice moral s'élevait à 10 000 euros ; la commune s'est enrichie sans cause à hauteur de 25 000 euros, en reprenant à son compte les travaux préparatoires ; elle produit une expertise établissant un préjudice minimal de 950 000 euros.

II) Par une requête enregistrée sous le n° 15LY03180 le 29 septembre 2016, la commune d'Alissas, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la société Intro Immo Promotion une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle sollicite le sursis à exécution en application des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- elle justifie de moyens sérieux de nature à justifier du jugement ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la délibération du 16 décembre 2010 était créatrice de droit ; aucune promesse unilatérale de vente n'ayant été conclue, la société ne dispose d'aucun droit à indemnisation ; à supposer même la délibération créatrice de droit, aucune faute ne peut lui être reprochée car l'engagement de la commune n'était ni ferme ni définitif, elle a pris acte d'une situation de fait ; la société a fait preuve de négligence en engageant des frais dans un tel contexte ; le jugement est entaché d'erreur de fait car aucune dépense d'architecte n'a été effectivement réglée et il y a lieu de s'interroger, en raison des liens entre la demanderesse, son comptable et son architecte, sur la réalité des factures produites ;

- l'exécution immédiate du jugement engendre un risque de perte définitive d'une somme importante et l'expose à devoir augmenter fortement les impôts, recourir à l'emprunt et pourrait justifier un recours au mécanisme prévu par l'article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales.

III) Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 15LY03275 les 11 octobre 2015 et 8 avril 2016, la société Intro Immo Promotion, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 en tant qu'il a reconnu la faute de la commune d'Alissas et a condamné cette dernière à l'indemniser du coût d'intervention de l'architecte et de l'infirmer pour le surplus ;

2°) de condamner la commune d'Alissas à lui verser une somme de 1 241 140 euros, ramenée à 950 000 euros dans le dernier état de ses écritures, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2013, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Alissas une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- son appel est recevable, puisqu'elle a produit dans le délai de recours une requête motivée ;

- la commune a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité, en retirant la délibération du 16 décembre 2010 qui est créatrice de droit, en lui demandant de retirer son permis de construire, en opposant des motifs d'urbanisme injustifiés à ses demandes, en se prévalant de l'absence de dossier relatif à la loi sur l'eau, en ayant des exigences injustifiées quant aux stationnements des commerces et, en faisant preuve de mauvaise foi et de déloyauté pour ralentir l'opération, qu'elle a finalement reprise à son compte, en s'affranchissant des exigences antérieurement émises ; la rupture des pourparlers, quand elle intervient de manière fautive, est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;

- elle a subi un préjudice important ; elle a travaillé inutilement sur un projet qui a été abandonné ; le manque à gagner représenté par le salaire du promoteur pendant l'opération s'élève à 100 000 euros ; les notes d'honoraires d'architecte s'élèvent à 198 449 euros TTC, il s'agit de créances certaines, liquides et exigibles, même si elles n'ont pas été réglées ; elle a subi un manque à gagner de 684 245 euros hors taxe ; son préjudice moral s'élevait à 10 000 euros ; la commune s'est enrichie sans cause à hauteur de 25 000 euros, en reprenant à son compte les travaux préparatoires ; elle produit une expertise établissant un préjudice minimal de 950 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 29 décembre 2015 et 9 juin 2016, ainsi que par un mémoire enregistré le 26 septembre 2016, non communiqué, la commune d'Alissas, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête, demande à titre subsidiaire que la demande indemnitaire de la société Intro Immo Promotion soit ramenée à de plus justes proportions et demande à la cour de mettre à la charge de cette société une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- l'appel de la société Intro Immo Promotion est irrecevable, en absence de moyens expressément dirigés contre le jugement ;

- la délibération du 16 décembre 2010 n'était pas créatrice de droit et pouvait être légalement retirée plus de quatre mois suivant son édiction ; une délibération autorisant le maire à signer une promesse de vente ne crée aucun droit au profit du bénéficiaire ; aucune promesse unilatérale de vente n'ayant été conclue, la société ne dispose d'aucun droit à indemnisation ;

- à supposer même la délibération créatrice de droit, aucune faute ne peut lui être reprochée car l'engagement de la commune n'était pas ferme ni définitif, elle a pris acte d'une situation de fait ; la société a fait preuve de négligence en engageant des frais dans un tel cadre ;

- les refus de permis de construire n'ont pas été contestés en temps utile, l'argumentation les contestant est inopérante et dilatoire ; la société n'aurait pu réaliser son projet car elle n'est pas devenue propriétaire des autres parcelles nécessaires à sa réalisation ; les refus de permis de construire ne constituent aucune faute mais démontrent que la société n'était pas en mesure de faire aboutir son projet ;

- la collectivité n'a pas tiré profit du projet car les règles d'urbanisme opposables ont évolué entretemps ;

- la société ne justifie pas de son préjudice ; c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la plupart des conclusions indemnitaires de la société n'étaient pas justifiées ; le document nouvellement produit en appel a été rédigé sur la base des seuls éléments transmis par la requérante et son architecte, sans qu'aucun élément comptable, financier ou administratif n'y soit joint ; les coûts et manques à gagner évalués ne sont pas pertinents ; la société n'aurait pas pu mener le projet à son terme, il était inadapté ;

- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser une somme au titre des frais acquittés en pure perte car aucun honoraire n'a été effectivement réglé à l'architecte ; il y a lieu de s'interroger, en raison des liens entre la demanderesse, son comptable et son architecte, sur la réalité des factures produites ; la société n'est pas recevable à demander des sommes au titre de M. C...et de M. B...dès lors que nul ne plaide par procureur, ils ne justifient pas en outre d'un préjudice direct et certain ;

- le montant des honoraires d'architecte découle du comportement fautif de la société ; elle a multiplié les dépôts de permis de construire et dû reprendre le projet pour respecter le plan local d'urbanisme ; il est surprenant que la société n'ait pas conditionné le paiement des honoraires à la délivrance du permis de construire, elle ne produit pas le contrat la liant à son architecte ; les documents produits tardivement par la société Intro Immo Promotion sont lacunaires et sont incohérents au regard des autres pièces produites par cette société.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant la commune d'Alissas, et de MeA..., représentant la société Intro Immo Promotion.

1. Considérant que, par la requête n° 15LY03179, la commune d'Alissas relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à la société Intro Immo Promotion la somme de 198 450 euros, au titre du préjudice lié à l'abandon par la commune d'un projet de vente du terrain sur lequel elle projetait de réaliser une opération immobilière ; que, par la requête n° 15LY03275, cette société conteste ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; que, par la requête n° 15LY03180, la commune demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ; qu'il y a lieu de les joindre ces requêtes, dirigées contre un même jugement, pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;

Sur les conclusions d'appel :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête de la société Intro Immo Promotion :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, la requête d'appel, qui ne constitue pas la reproduction littérale des écritures de première instance, est suffisamment motivée et répond aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que sa fin de non recevoir doit être écartée ;

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

3. Considérant que les écritures de la société Intro Immo, sollicitant une somme de 25 000 euros au titre d'un enrichissement sans cause de la commune, se bornent à évoquer le fait que la commune a repris à son compte les travaux préparatoires qu'elle avait fait réaliser, sans démonstration visant à établir que les conditions permettant l'engagement de la responsabilité de la commune au titre de cette cause juridique spécifique sont réunies ; que, par suite, ces conclusions ne sont pas assorties des précisions permettant d'en connaître ; qu'ainsi, la société Intro Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elles ont été rejetées par les premiers juges ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

Sur le fait générateur :

4. Considérant que le point 3 du jugement précise que le conseil municipal d'Alissas " ne pouvait, sans renier un engagement ferme qu'il avait pris au profit de la société Intro Immo Promotion, ou, à tout le moins, les assurances clairement données quant à la cession du terrain, décider de retirer ou abroger sa précédente délibération du 16 décembre 2010 et de ne plus procéder à l'aliénation initialement prévue ", pour en déduire que la délibération du 2 février 2012 revenant sur cet engagement est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, dans ces conditions, les premiers juges doivent être regardés comme ayant retenu que la rupture d'une promesse était constitutive d'une faute ; qu'ils ne se sont ainsi pas fondés, contrairement à ce que soutient la commune, sur la circonstance que la délibération du 16 décembre 2010 constituerait une décision créatrice de droit dont le délai de retrait était expiré ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette délibération n'est pas créatrice de droit est inopérant ;

5. Considérant que la commune soutient par ailleurs qu'elle n'avait pris aucun engagement ferme et définitif envers la société Intro Immo Promotion ; que, cependant, la délibération du 16 décembre 2010, après avoir rappelé qu'une décision de principe était intervenue le 18 octobre 2010 pour la vente de l'emprise communale nécessaire à la réalisation du projet d'aménagement des quartiers Cros de Rabaniol et Lous Esclos, dispose que le conseil municipal accepte la vente d'une partie de la parcelle A 354 au prix de 22 euros le m² à la société Intro Immo Promotion et autorise le maire à accomplir les démarches nécessaires et en particulier à signer l'acte notarié ; que, dans ces conditions, et alors même que la superficie exacte concernée par la vente n'était pas à ce stade précisée, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la commune avait pris un engagement suffisamment ferme, de sorte que sa rupture, par la délibération du 2 février 2012, est de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la faute de la société Intro Immo Promotion :

6. Considérant le seul fait que les demandes initiales de permis de construire aient fait l'objet de refus et aient dû être modifiées à plusieurs reprises et redéposées avant qu'une autorisation d'urbanisme soit finalement délivrée ne révèle pas, dans les circonstances de l'espèce et contrairement à ce que soutient la commune, une faute de nature à réduire le droit de la société à être indemnisée des honoraires d'architecte correspondants ; qu'en revanche, cette société, professionnelle de l'immobilier, a commis une imprudence en mettant en oeuvre des démarches approfondies pour la réalisation de son projet, et notamment en complétant et déposant plusieurs demandes de permis de construire, sans avoir préalablement obtenu une promesse de vente signée par le maire ; que, compte tenu de cette négligence fautive, une part de responsabilité de 20 % doit lui être imputée, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;

Sur le préjudice et le lien de causalité :

7. Considérant que la commune fait valoir que la société n'était pas assurée de pouvoir réaliser son projet, dès lors qu'elle n'avait pas acquis les autres terrains nécessaires à sa mise en oeuvre, qui appartenaient à des particuliers, et que les compromis conclus par la société avec ces individus étaient, pour l'un, expiré à la date de sa délibération du 2 février 2012, et, pour l'autre, postérieur à cette délibération ;

8. Considérant, il est vrai, que les compromis conclus avec M. F...et Mme E... expiraient le 31 décembre 2011, antérieurement à la délibération du 2 février 2012, et que c'est seulement le 6 avril 2012 qu'un nouveau compromis a été conclu avec MmeE... ; que, cependant, il résulte de l'instruction que c'est postérieurement à cette délibération que M. F...a expressément renoncé à reconduire son engagement de cession ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'abandon du projet de la société Intro Immo Promotion doit être regardé comme trouvant sa cause dans la rupture de la promesse de la commune ; que la commune n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'abandon du projet serait sans lien avec la rupture de son engagement ;

9. Considérant que le tribunal a condamné la commune à verser à la société une somme de 198 450 euros, au titre d'honoraires d'architecte qu'elle aurait acquittés en pure perte ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des prestations ont été réalisées par l'architecte de la société, qui a notamment été amené à réaliser plusieurs dossiers de demande de permis de construire, en pure perte ; que, contrairement à ce que soutient la commune, la société a droit à être personnellement indemnisée des sommes correspondantes, sous réserve qu'elle justifie de leur paiement à l'architecte ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du contrat produit, que M.B..., architecte, avait droit des honoraires relatifs à la phase étude représentent 4 % du montant des travaux ; que l'architecte a sollicité, au titre de ses honoraires, sur ce fondement, un montant de 165 928 euros hors taxe soit 198 450 euros toutes taxes comprises, correspondant à un montant total des travaux de 4 148 200 euros ; que ce montant, qui n'est pas dépourvu de vraisemblance au regard de l'ampleur du projet, qui devait regrouper habitations individuelles, logements collectifs et bâtiments professionnels, n'est pas contesté de manière argumentée par la commune ; qu'ainsi, M. B...a droit à une rémunération de 198 450 euros, de la part de la société Intro Immo Promotion, pour les prestations qu'il a effectivement réalisées ; que les allégations de la commune sur le caractère lacunaire de ce contrat ne permettent pas davantage de remettre en cause ce droit à paiement ; que, compte tenu de la part de responsabilité conservée par la société, mentionnée au point 6, la commune doit être condamnée à lui verser une somme de 158 760 euros ; que, cependant, et dès lors qu'il est constant que les sommes dues à l'architecte ne lui ont pas été effectivement réglées, cette condamnation doit être prononcée sous réserve de la justification de leur paiement par la société ;

11. Considérant que la société demande, en outre, à être indemnisée du manque à gagner consécutif à l'abandon de l'opération ; que, cependant, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison de la rupture d'une promesse de cession revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, les réservations effectuées par des personnes intéressées ne peuvent être regardées comme révélant de véritables engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou un état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ; qu'ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont refusé de faire droit à ce chef de conclusions ;

12. Considérant par ailleurs que la société demande une somme de 100 000 euros au titre de la rémunération qui était attendue par M.C..., promoteur ; que, si la commune fait valoir qu'il appartient seulement à ce dernier de présenter une telle demande, la société allègue, sans être efficacement contredite, qu'elle pourrait être amenée à lui verser une telle rémunération ; que le rapport réalisé par le cabinet Boulez et associés, dont la société se prévaut, montre que ce montant correspondait, pour l'essentiel, à la rémunération due à M. C...si le projet aboutissait, à l'issue de sa commercialisation ; qu'à cet égard, et ainsi qu'il a été précisé au point précédent, ce préjudice lié au manque à gagner n'est pas en l'espèce indemnisable ; que, pour le surplus, la société n'apporte aucun élément concret permettant de déterminer précisément le temps passé par ce dernier en pure perte au titre du projet abandonné du fait du comportement de la commune ; qu'elle n'établit pas davantage que des sommes lui ont été effectivement versées à ce titre ; que, cependant, l'investissement personnel de ce dernier ressortant de documents figurant aux dossiers et faisant état de ses nombreux échanges avec la commune pour le compte de la société Intro Immo Promotion à ce sujet, il sera fait une juste appréciation du préjudice tenant, pour la société, à son obligation de le rémunérer, en condamnant la commune, compte tenu de la part de responsabilité restant imputable à la société ainsi qu'il a été dit au point 6, à lui verser une somme de 5 000 euros, sous réserve que la société justifie du paiement de cette somme à M.C... ; que la société Intro Immo Promotion est, dès lors, fondée à demander la réformation du jugement sur ce point ;

13. Considérant, par ailleurs, que, si la société évoque un préjudice moral, une perte de crédibilité et la rémunération d'intermédiaires, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir l'existence d'un préjudice subi à ces trois titres ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ces chefs de conclusions ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener la somme que les premiers juges ont condamné la commune d'Alissas à verser à la société Intro Immo Promotion à celle de 163 760 euros , sous réserve toutefois que cette société justifie du paiement des sommes correspondant aux honoraires de M. B...et à la rémunération de M. C... ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

15. Considérant que la société Intro Immo Promotion a droit aux intérêts au taux légal des sommes de 158 760 euros et de 5 000 euros du jour du paiement par eux de la première somme à l'architecte et de la seconde somme à M.C..., jusqu'à la date à laquelle la commune procédera au règlement de ladite somme ; qu'en revanche, en vertu de l'article 1154 du code civil, les intérêts n'ayant pas commencé à courir, il ne peut être fait droit à la demande de capitalisation des intérêts ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement :

16. Considérant que dès lors que le présent arrêt se prononce sur l'appel présenté par la commune d'Alissas contre le jugement n° 1309068 du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015, les conclusions de la requête n° 15LY03180 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Alissas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, au même titre, par la commune d'Alissas ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15LY03180 aux fins de sursis à exécution.

Article 2 : La commune d'Alissas est condamnée à verser à la société Intro Immo Promotion des indemnités de 158 760 euros et de 5 000 euros, sous réserve que cette dernière justifie du paiement de ces sommes respectivement à M. B...et à M.C.... Ces sommes porteront intérêts du jour du paiement par la société Intro Immo Promotion de cette somme à M. B...et à M.C..., jusqu'à la date à laquelle la commune d'Alissas procédera au règlement desdites sommes.

Article 3 : Le jugement n° 1309068 du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Alissas et à la société Intro Immo Promotion.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.

1

10

N° 15LY03179, ...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Promesses.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Existence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Intérêts.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DROIT PUBLIC CONSULTANTS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 10/11/2016
Date de l'import : 27/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15LY03179
Numéro NOR : CETATEXT000033416559 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-10;15ly03179 ?
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