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06/10/2016 | FRANCE | N°15LY03878

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 15LY03878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Spurgin Leonhart a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Morzine-Avoriaz au paiement de la somme de 61 008,87 euros, outre intérêts, en paiement de travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitant dans le cadre de l'opération de construction d'un centre nautique couvert.

Par un jugement n° 1301431 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions de la commune de Morzine-Avoriaz présentées au

titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Spurgin Leonhart a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Morzine-Avoriaz au paiement de la somme de 61 008,87 euros, outre intérêts, en paiement de travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitant dans le cadre de l'opération de construction d'un centre nautique couvert.

Par un jugement n° 1301431 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions de la commune de Morzine-Avoriaz présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 décembre 2015 et 17 juin 2016, la société Spurgin Leonhart, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 octobre 2015 ;

2°) de condamner la commune de Morzine-Avoriaz à lui payer la somme de 61 008,87 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2011 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Morzine-Avoriaz une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens ;

4°) de rejeter les conclusions de la commune de Morzine-Avoriaz.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne pouvait être agréée en qualité de sous-traitant au motif qu'elle n'aurait eu qu'un rôle de fournisseur, dès lors que sa prestation n'était pas limitée à la simple fourniture de produits mais qu'elle a participé directement à l'exécution de travaux publics, avec des " prémurs " dessinés, conçus, adaptés et mis en oeuvre exclusivement pour ce chantier ;

- la commune a commis une faute en ne respectant pas les termes de la délégation de paiement, qui l'engageait à son égard, alors même qu'elle ne pourrait se prévaloir du droit à paiement direct institué par la loi du 31 décembre 1975 ;

- la collectivité a également commis une faute en s'abstenant de régulariser la situation d'un sous-traitant dont elle savait qu'il intervenait sur le chantier.

Par un mémoire enregistré le 28 avril 2016, la commune de Morzine-Avoriaz, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Spurgin Leonhart une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante qui avait seulement la qualité de fournisseur ne peut se prévaloir de la loi n° 75-1334 ; le document signé le 22 septembre 2010 ne saurait donc lui ouvrir droit à un paiement direct ;

- en toute hypothèse, la société Spurgin Leonhart n'a pas été agréée en qualité de sous-traitant et ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage n'ont pas davantage été agréées, en absence de demande du titulaire du marché et compte tenu des carences entachant le document du 22 septembre 2010 qui ne peut être regardé comme un acte spécial au sens de l'article 114 du code des marchés publics ;

- le moyen tiré de ce que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en tant qu'elle n'aurait pas respecté la " délégation de paiement " conclue le 22 septembre 2010, qui repose sur une prétendue responsabilité contractuelle, relève d'une cause juridique nouvelle en appel ; en toute hypothèse, ce document n'a créé aucun lien contractuel entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,

- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Morzine-Avoriaz a, en août 2010, confié à la société PALA SAS la réalisation du lot " gros oeuvre " d'une opération de construction d'un centre nautique couvert ; que la société Spurgin Leonhart relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire dirigée à l'encontre de la commune, présentée en se prévalant de la qualité de sous-traitant pour ce lot ;

Sur les conclusions relatives à l'inexécution de la délégation de paiement :

2. Considérant que la société requérante invoque, pour la première fois en appel, une faute de la commune tenant à l'" inexécution de ses obligations au titre de la délégation de paiement ", signée par le maître d'ouvrage, l'entreprise principale et la société Spurgin Leonhart ; qu'elle soutient que, par ce document, la commune s'est nécessairement engagée à son égard ; qu'elle doit, dans ces conditions, être regardée comme invoquant la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage ; qu'ainsi que le fait valoir la commune de Morzine-Avoriaz, ces conclusions relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel et sont, pour ce motif, irrecevables ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur le droit à paiement direct :

3. Considérant que la requérante conteste l'appréciation portée par les premiers juges sur son droit à paiement direct, en qualité de sous-traitant ; qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu de rejeter ces conclusions, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 5 du jugement ;

Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, (...) pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette loi : " En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution " ; qu'aux termes de l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés " ; que le maître d'ouvrage qui, ayant eu connaissance d'une sous-traitance irrégulière, s'abstient de toute mesure propre à y mettre fin conformément à ces dispositions, commet une faute de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant que la société Spurgin Leonhart soutient que la commune de Morzine-Avoriaz a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard en négligeant, alors qu'elle avait connaissance de son intervention sur le chantier du centre nautique, de mettre en demeure l'entreprise principale de satisfaire à ses obligations à son égard afin qu'elle puisse bénéficier des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ;

6. Considérant toutefois que le fait que la commune ait signé, en septembre 2010, une délégation de paiement au profit de la société Spurgin Leonhart ne suffit pas à prouver que le maître d'ouvrage aurait été informé des conditions exactes de son intervention ou de la nature exacte des liens l'unissant à l'entrepreneur principal, dès lors qu'elle est expressément désignée dans ce document en qualité de fournisseur ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune maître d'ouvrage aurait entretenu, pendant l'exécution des travaux, des relations directes et caractérisées avec la société requérante, les documents dont cette dernière se prévaut établissant seulement ses contacts avec les maîtres d'oeuvre ; que c'est seulement à partir de septembre 2011, après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société PALA SAS, qu'elle s'est manifestée auprès de la commune en revendiquant la qualité de sous-traitant ; que, cependant, il résulte de l'instruction que son intervention était achevée à cette date et que la commune ne pouvait plus, dans ces conditions, l'accepter en qualité de sous-traitant, ce qui privait d'effet utile toute demande de régularisation que la collectivité aurait pu ensuite adresser à l'entreprise principale ; que, dans ces conditions, la commune de Morzine-Avoriaz n'a pas commis de faute à l'égard de la société requérante de nature à engager sa responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Spurgin Leonhart n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Morzine-Avoriaz, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Spurgin Leonhart et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, au même titre, par la commune ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Spurgin Leonhart est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Morzine-Avoriaz tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Spurgin Leonhart et à la commune de Morzine-Avoriaz.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2016.

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N° 15LY03878


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : ALEXANDRE-LEVY-KAHN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 06/10/2016
Date de l'import : 22/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15LY03878
Numéro NOR : CETATEXT000033255420 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-06;15ly03878 ?
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