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21/07/2015 | FRANCE | N°14LY00081

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juillet 2015, 14LY00081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy à lui verser les sommes de 52 404 euros et de 80 000 euros, outre intérêts légaux et capitalisation, en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral que lui ont causé divers agissements fautifs dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions et de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ

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Par un jugement n° 1202708 du 8 novembre 2013, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy à lui verser les sommes de 52 404 euros et de 80 000 euros, outre intérêts légaux et capitalisation, en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral que lui ont causé divers agissements fautifs dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions et de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202708 du 8 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 14 janvier 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 24 septembre et 4 novembre 2014, Mme E...demande à la Cour :

1°) de condamner la commune d'Annecy à lui verser une somme de 52 404 euros et une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle aurait subis, outre capitalisation des intérêts échus à compter de la demande préalable ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a engagé sa responsabilité pour faute, dès lors que, à titre principal, elle a été victime d'une sanction disciplinaire déguisée n'ayant pas été précédée de la procédure afférente, notamment la communication du dossier et la possibilité d'être assistée, en ce que plus de la moitié de ses missions principales lui ont été retirées à la suite du recrutement précipité d'un agent contractuel, placé en position de véritable directeur financier, sans que cette réduction de ses responsabilités ne se justifie par les nécessités du service ; cette mesure est entachée de détournement de pouvoir ; elle a subi une situation humiliante en se trouvant placée sous la supervision d'un agent contractuel, dont le recrutement est intervenu de manière illégale, dès lors qu'il existait un cadre d'emplois de fonctionnaires susceptible d'assurer les fonctions correspondantes et qu'elle occupait les fonctions qui lui ont été transférées ; son employeur a commis une faute en réduisant de manière importante ses activités ; son éviction s'assimile à une mutation vers un poste de moindre qualification et manifeste la volonté de sa hiérarchie de l'inciter à quitter ses fonctions ; l'élément intentionnel de la sanction déguisée est démontré ; le titulaire du poste de responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion créé dans le cadre de la réorganisation est également devenu, après qu'elle a quitté ses fonctions, directeur des finances ; le poste qu'elle occupait a ainsi été rétabli dans son intégralité, sans doublon, après son départ ; les premiers juges ne précisent pas pour quel motif la diminution de ses attributions aurait été justifiée par l'intérêt du service ;

- la faute de la commune est également engagée, à titre subsidiaire, en ce qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de faits de harcèlement moral réprimés par le premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; elle a été systématiquement mise à l'écart et sa hiérarchie a délibérément traité directement avec des agents placés sous son autorité hiérarchique ; le directeur général des services a laissé supposer qu'elle s'était montrée négligente dans la gestion de la dette ; elle a été privée de plusieurs de ses missions ; elle a été victime de suspicion et de discrédit ; elle a été contrainte de quitter son poste, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; elle a été privée d'une évaluation professionnelle dans sa démarche de mobilité ; il lui a été interdit de conduire un recrutement ; le tribunal administratif a méconnu la jurisprudence " Montaut " du Conseil d'Etat selon laquelle il appartient à l'administration de démontrer l'absence de harcèlement moral ;

- elle a été contrainte de quitter ses fonctions à Annecy alors que son installation dans cette commune a entraîné des frais additionnels et une perte de revenus pour son époux et qu'elle a dû renoncer à une mobilité au centre communal d'action sociale de Grenoble en février 2007 ; la perte de revenu de son époux à la suite de l'installation de sa famille à Annecy et les charges supplémentaires qu'a entraîné ce déménagement s'élèvent à 52 404 euros ; son niveau et ses conditions de vie se sont dégradés après son départ d'Annecy, où elle bénéficiait d'avantages matériels plus importants, départ qui n'est pas dicté par des considérations familiales ;

- elle a, en outre, subi un préjudice moral en raison de son éviction injustifiée, dont le montant s'élève à 80 000 euros, correspondant aux salaires des deux cadres recrutés par la commune pour exercer une partie de ses fonctions, augmenté du coût de l'audit de la direction des finances et diminué de son salaire brut, au cours des huit mois qui se sont déroulés entre l'annonce des décisions affectant ses attributions, le 9 décembre 2008, et son départ de la ville d'Annecy, le 12 août 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 décembre 2014, la commune d'Annecy, représentée par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires publiques, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante se borne à critiquer l'opportunité de la réorganisation des services décidée courant 2009 suite au départ à la retraite du directeur général adjoint en charge des services fonctionnels ; dans ce cadre, a été décidé le recrutement d'un attaché territorial chargé de la prospective financière et du contrôle de gestion, poste directement rattaché à la direction générale des services, par transformation du poste de directeur général adjoint des services fonctionnels ; cette réorganisation, intervenue dans l'intérêt du service, et ce recrutement ont été soumis à l'avis du comité technique paritaire (CTP) ; la réorganisation des services n'a eu ni pour objet, ni pour effet de modifier les prérogatives et les missions conférées à la directrice des finances, laquelle a seulement été amenée à travailler avec le nouveau responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion alors qu'elle travaillait précédemment, selon les mêmes conditions, avec l'ancien directeur général adjoint des services fonctionnels ; le contrôle de gestion, de nature transversale, a été développé en sus et non à la place de la gestion budgétaire et financière ; les missions opérationnelles sont demeurées à la charge de la seule direction des finances ; cette dernière ne dispose pas d'un monopole en matière de conseil aux élus ; le poste de directeur des finances était soumis au directeur général adjoint en charge des services opérationnels et l'est resté après la création du poste de responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion, lequel est rattaché directement à la direction générale des services ;

- Mme E...ne justifie pas avoir subi un déclassement ; sa position statutaire, fonctionnelle et financière est restée identique, en dehors de sa promotion à un grade supérieur ;

- aucun agissement fautif ne saurait lui être reproché ; Mme E...ne produit pas d'élément ni de justificatif de nature à laisser supposer qu'elle aurait été victime de harcèlement moral ; Mme E...a quitté ses fonctions de son propre chef ; des désaccords sur les modalités d'organisation et de gestion du service ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;

- à titre surabondant, les faits allégués sont dépourvus de lien avec les préjudices dont il est demandé réparation ; le préjudice matériel n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ; un logement à loyer modéré a été mis à disposition de MmeE..., laquelle a choisi de s'installer à Annecy, puis à Valence, et à laquelle il revient d'assumer les conséquences financières de ses choix ; les modalités de recrutement de son époux ne sont pas imputables à la commune ; la mutation, sur sa demande, de la requérante à Valence résulte de son choix de se rapprocher de la région grenobloise et ne résulte pas de fautes qu'aurait commise la ville d'Annecy ; il résulte des dires mêmes de Mme E...qu'elle a exercé ses fonctions à Annecy dans les meilleures conditions relationnelles ; elle ne justifie d'aucun préjudice moral ; ses demandes s'apparentent à une démarche dilatoire et abusive ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel,

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant Mme D...épouseE..., et de MeC..., représentant la commune d'Annecy.

1. Considérant que Mme A...D...épouseE..., attachée territoriale principale, titulaire d'un doctorat en sciences économiques, a travaillé pour la commune et la communauté d'agglomération de Grenoble entre 1998 et 2006, puis a occupé les fonctions de directrice des finances de la commune d'Annecy, du 1er juin 2006 au 12 août 2009 ; qu'elle exerce depuis cette date les fonctions de directrice des finances de la commune de Valence ; que, par courrier du 6 février 2012, elle a saisi la commune d'Annecy d'une demande préalable d'indemnisation ; qu'après rejet de sa demande le 16 mars 2012, Mme E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy à lui verser les sommes de 52 404 euros et de 80 000 euros, outre intérêts légaux et capitalisation, en réparation des préjudices matériel et moral que lui auraient causé divers agissements fautifs dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif du 8 novembre 2013 ayant rejeté sa demande ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, lors d'une réunion des chefs de service le 9 décembre 2008, la direction générale des services a annoncé une nouvelle organisation des services, à la suite du départ à la retraite de l'ancien directeur général adjoint chargé des services fonctionnels, et le recrutement d'un agent de catégorie A en qualité de responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion, dont la fiche de poste a été publiée dans la " Gazette des Communes " du 16 février 2009 ; que, si Mme E...soutient que ce recrutement a eu pour effet de lui retirer la moitié de ses missions principales et pour objet de l'évincer de ses fonctions, la contraignant à présenter sa candidature, retenue le 6 mai 2009, à un autre poste, il ne résulte pas de l'instruction, toutefois, que le recrutement d'un agent contractuel en qualité de responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion, d'ailleurs intervenu postérieurement au départ de MmeE..., le 12 août 2009, aurait entraîné une modification des fonctions de cette dernière, dès lors qu'elle a continué à occuper son poste de directrice des finances, emploi qu'ont vocation à exercer les agents appartenant à son cadre d'emplois, qu'elle n'a été privée d'aucun élément de sa rémunération ni d'aucun des avantages liés à sa fonction et qu'aucune critique ne lui a été adressée par sa hiérarchie sur sa manière de servir ; que, par ailleurs, contrairement à ce qu'allègue MmeE..., la réorganisation des services n'a pas eu pour effet de placer la direction des finances, dont il n'est pas établi que le périmètre aurait été restreint après le recrutement du responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion sous la supervision de ce dernier, lequel, directement rattaché au directeur général des services, n'exerce pas d'autorité hiérarchique sur les directeurs généraux adjoints ; qu'enfin, à supposer même que ce recrutement serait illégalement intervenu, ce que ne démontre pas MmeE..., cette dernière n'établit pas qu'il l'aurait lésée ; qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que la réorganisation interne et le recrutement du responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion seraient intervenus pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et révéleraient l'intention de la commune d'Annecy d'infliger à Mme E...une sanction déguisée ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...). " ; que, s'il résulte de l'instruction que l'annonce de la réorganisation des services faite le 9 décembre 2008 par le directeur général des services a donné lieu, faute d'avoir été précédée d'une concertation et de consultations, à une pétition des cadres de la commune d'Annecy, et s'il résulte de l'instruction qu'en 2007, la création d'un poste de responsable du contrôle de gestion rattaché à la directrice des finances avait été envisagée, il est constant que la réorganisation et le recrutement d'un responsable de la prospective financière et du contrôle de gestion ont été adoptés par le comité technique paritaire dans sa séance du 25 mars 2009, sans donner lieu à d'autres récriminations ; que MmeE..., qui a été promue attachée principale le 1er juillet 2008 et dont les compétences étaient reconnues par sa hiérarchie, ne produit aucun élément permettant de laisser présumer que ses conditions de travail se seraient dégradées, qu'elle aurait été progressivement évincée de l'exercice de ses fonctions par sa hiérarchie, que cette dernière lui aurait fait subir des brimades et lui aurait sans justification refusé le versement d'une indemnité ; que, dans ces conditions, Mme E...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'Annecy tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...épouse E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Annecy tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse E...et à la commune d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, premier conseiller,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2015.

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N° 14LY00081


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-03-01 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Personnels civils de la défense.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : ANCEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/07/2015
Date de l'import : 11/08/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY00081
Numéro NOR : CETATEXT000030960941 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-21;14ly00081 ?
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