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11/06/2015 | FRANCE | N°14LY01282

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2015, 14LY01282


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mme D... B..., domiciliée..., par Maître Hassid, avocat ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307510 du 29 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 30 avril 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler pour ex

cès de pouvoir cet arrêté du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, ...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mme D... B..., domiciliée..., par Maître Hassid, avocat ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307510 du 29 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 30 avril 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de son renvoi, de l'assigner à résidence ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

La requérante soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour car elle justifie résider habituellement en France depuis 1995, soit depuis plus de dix ans ; elle est entachée d'une erreur de droit car le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que ce sont les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais qui étaient applicables ; les stipulations du paragraphe 42 de l'accord ne subordonnent pas l'admission au séjour d'un ressortissant sénégalais en qualité de salarié à l'existence de " motifs exceptionnels ou humanitaires " et font, dès lors obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-14 ; cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car elle est entrée en France et y réside depuis 1995, soit depuis dix-huit ans, elle y a été scolarisée de 5 à 16 ans, y est bien intégrée et n'a plus de contact avec son père qui réside au Sénégal ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour qui la fonde ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 511-4 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations ;

Vu l'ordonnance en date du 8 janvier 2015 fixant la clôture d'instruction au 27 février 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 13 mai 2015 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2015, présenté pour Mme B..., en réponse à la lettre du 13 mai 2015 qui lui a été adressée par la Cour, qui persiste dans ses précédentes écritures et soutient, en outre, que sa demande présentée devant le Tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 30 avril 2013 n'est pas tardive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel), en date du 20 mars 2014, accordant à Mme D... B...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et son avenant, signé à Dakar le 25 février 2008 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2015 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme D...B..., ressortissante sénégalaise, née le 27 mai 1990, est entrée en France le 1er octobre 1995, soit à l'âge de cinq ans, accompagnée de sa mère, MmeC..., conjointe d'un ressortissant français dont elle a divorcé en 1998 ; que la demande de regroupement familial présentée en sa faveur a été rejetée en 1999 ; que, par arrêté du 31 août 2010, le préfet du Rhône a pris à l'encontre de Mme B...un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de son renvoi ; que, par un arrêté du 30 avril 2013, le préfet du Rhône a rejeté, sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 29 janvier 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet tirée de l'irrecevabilité pour tardiveté de la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes du I. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français (...) " ;

3. Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé ; qu'en cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 30 avril 2013 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi, a été notifié à l'intéressée le 3 mai 2013 ; que le pli contenant cet arrêté, qui a été adressé à Mme B... chez " Mme C...E...A...4 impasse Catelin 69002 Lyon ", est revenu portant la mention " pli avisé et non réclamé " ; que si Mme B...a effectivement été avisée le 3 mai 2013 du dépôt de ce pli, aucune annotation ou tampon sur l'avis de réception produit au dossier ne précise la date à laquelle, à l'issue du délai de garde, ce pli a été retourné à la préfecture du Rhône de sorte que le respect du délai de garde de quinze jours prévu par la règlementation postale n'est pas établi ; que, par suite, alors même que ce pli aurait été envoyé à l'adresse indiquée par la requérante, seule connue par l'administration à la date de son envoi, il n'est pas établi que ce pli a été régulièrement notifié à MmeB... ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir invoquée par le préfet du Rhône tirée de la tardiveté de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ;

7. Considérant qu'il est constant que Mme B...est entrée en France à l'âge de cinq ans et y a fait toute sa scolarité jusqu'à l'âge de seize ans, soit jusqu'en juin 2006 ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces produites par la requérante, dont de nombreuses pièces nouvellement produites en appel, et, notamment, d'attestations d'hébergement au titre des périodes de juin 2007 à janvier 2008 et de mai à octobre 2009, d'une attestation d'un conseiller de la mission locale pour l'emploi attestant d'un suivi en vue d'une insertion professionnelle depuis le 22 janvier 2010, d'une facture attestant de soins suivis à l'hôpital en avril 2010, de quittances de loyers au titre d'octobre 2010, de janvier et août 2011, d'une inscription à pôle emploi le 26 octobre 2012, d'une facture de soins effectués à l'hôpital en janvier 2013, que la requérante établit avoir résidé habituellement en France depuis son entrée sur le territoire français le 1er octobre 1995 ; que les pièces produites établissent que la requérante dispose, en France outre la présence de sa mère, titulaire d'une carte de résident, de son réseau d'amis et de relations ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour en France de MmeB..., et alors même que son père résiderait dans son pays d'origine, les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ont porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elles ont été prises ; que Mme B...est, dès lors, fondée à soutenir que ces décisions ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, ces décisions doivent être annulées ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de son renvoi ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du préfet du Rhône implique nécessairement eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre à Mme B...le titre de séjour sollicité par la requérante dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à Mme B...une carte de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ; que les conclusions à fin d'astreinte présentées par Mme B...doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Hassid, avocate de Mme B...d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hassid renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Rhône du 30 avril 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à MmeB..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination, ainsi que le jugement n° 1307510 du 29 janvier 2014 du Tribunal administratif de Lyon, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Hassid, avocate de MmeB..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hassid renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2015.

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N° 14LY01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01282
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-11;14ly01282 ?
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