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02/06/2015 | FRANCE | N°14LY02991

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14LY02991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation des arrêtés en date du 29 octobre 2013 par lesquels le préfet de la Côte d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1303427, 1303430 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2014, M. et Mme A...B...demandent à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation des arrêtés en date du 29 octobre 2013 par lesquels le préfet de la Côte d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1303427, 1303430 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2014, M. et Mme A...B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 8 juillet 2014 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Côte d'Or du 29 octobre 2013 ;

3°) de faire injonction au préfet de la Côte d'Or, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de l'arrêt, de leur délivrer un titre de séjour ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; qu'il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de retour a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2015 le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2014.

Mme B...n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Picard.

1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants centrafricains nés respectivement en 1938 et en 1941 et entrés en France en août 2012, relèvent appel d'un jugement du tribunal administratif de Dijon du 8 juillet 2014 qui a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés en date du 29 octobre 2013, par lesquels le préfet de la Côte d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme les requérants l'ont eux mêmes indiqué dans leurs écritures, M. B...souffre d'importantes hémorragies digestives de nature chronique et que son épouse est atteinte d'une affection cardiovasculaire ; que dans ses avis émis les 4 janvier et 22 mai 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé des intéressés nécessitait des soins, qu'un défaut de prise en charge ne pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur ceux-ci au vu de l'existence d'un traitement approprié en République centrafricaine et qu'ils pouvaient s'y rendre sans risques ; que, malgré les carences du système sanitaire centrafricain, l'inégale répartition sur le territoire des structures médicales et la détérioration, sous l'effet de l'insécurité, des conditions d'accès aux soins, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'affirmer que, à la date à laquelle ont été pris les arrêtés litigieux, tout traitement de leurs affections aurait été impossible en République centrafricaine et que, en dépit des risques de rupture de stocks ou des difficultés d'approvisionnement, ils n'auraient pu y recevoir des médicaments adaptés à leur état de santé, identiques ou équivalents à ceux dont ils ont bénéficié en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les refus de séjour contestés procéderaient d'une erreur d'appréciation doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que si leurs six enfants, dont trois sont de nationalité française, et leurs neufs petits enfants résident en France, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont vécu la plus grande partie de leur vie en République centrafricaine et que, à la date des refus de séjour litigieux, ils n'étaient sur le territoire que depuis moins de deux ans, l'impossibilité pour eux de vivre séparés de leur famille proche n'étant pas avérée ; que, dans ces circonstances, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France de M. et MmeB..., il n'apparaît pas que, à leur date d'intervention, les refus de séjour contestés auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris et ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les obligations de quitter le territoire français prises à l'encontre des intéressés seraient sans base légale ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. " ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de documents émanant de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), de l'organisation " Médecins sans frontières " ou du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), mais également du ministère français des affaires étrangères, non sérieusement démentis par le préfet, que, à la date à laquelle ont été pris les arrêtés contestés, la situation en République centrafricaine, et en particulier à Bangui, se caractérisait par un climat de violence extrême marqué par de très nombreuses exactions commises par des groupes armés contre la population civile qui, par la suite, s'est considérablement aggravé, rendant alors extrêmement difficile, voire impossible, un accès effectif des intéressés au système de soins ; que, dans ces circonstances particulières, eu égard aux conséquences d'une exceptionnelle gravité susceptibles d'en résulter pour eux, ces derniers sont fondés à soutenir que les arrêtés contestés, en ce qu'ils fixent la République centrafricaine comme pays de renvoi, ont été pris en violation de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes d'annulation des décisions fixant le pays de renvoi ;

10. Considérant que le présent arrêt, qui prononce l'annulation des seules décisions fixant le pays de renvoi, n'implique pas nécessairement que le préfet délivre aux intéressés un titre de séjour ni qu'il réexamine leur situation ; que les conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 8 juillet 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme B...tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or du 29 octobre 2013, désignant la République centrafricaine comme pays à destination duquel ils peuvent être éloignés.

Article 2 : Les décisions du préfet de la Côte d'Or du 29 octobre 2013 désignant la République centrafricaine comme pays à destination duquel M. et Mme B...peuvent être éloignés sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré à l'issue de l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

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N° 14LY02991

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02991
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-02;14ly02991 ?
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