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28/05/2015 | FRANCE | N°14LY03147

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 14LY03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 9 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1403193 du 24 septembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé

les décisions susmentionnées du préfet de la Savoie du 9 décembre 2013, enjoint audit préfet de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 9 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1403193 du 24 septembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions susmentionnées du préfet de la Savoie du 9 décembre 2013, enjoint audit préfet de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2014, le préfet de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1403193 du Tribunal administratif de Grenoble du 24 septembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- il résulte d'une " fiche pays " élaborée en liaison avec l'ambassade de France en Angola, que depuis 2006, et sans qu'il soit établi que, depuis lors, le niveau de soins ait diminué, les institutions angolaises sont à même de traiter les troubles mentaux et du comportement ; M. A... est, par conséquent, à même de trouver en Angola un traitement adapté à son état de santé ; il ne remplit donc pas les conditions de délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dès lors que M. A...n'établit pas être démuni de fortes attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où résident notamment ses deux enfants mineurs ainsi que sa soeur, la décision de refus de séjour assortie de l'obligation de quitter le territoire ne comporte pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de l'intéressé et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'une erreur de droit.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2015, M. A...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ou humanitaires exceptionnelles à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet de la Savoie n'apporte pas la preuve, par la production d'une " fiche pays " dont il n'est pas établi qu'elle aurait été élaborée en liaison avec les agents de l'ambassade de France en Angola, ni qu'ils auraient la qualité de médecin, que des possibilités de traitement existent dans ce pays et, à supposer que tel soit le cas, qu'il pourrait effectivement en bénéficier ;

- eu égard aux liens qu'il a tissés en France depuis 2006 et de la vie privée qu'il y a menée, et alors que ses enfants vivent avec leur mère, la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2015, du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.

1. Considérant que M. A..., de nationalité angolaise, qui déclare être entré en France irrégulièrement le 22 juin 2006, à l'âge de 41 ans, a présenté initialement deux demandes d'asile successives qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par des décisions des 26 octobre 2006 et 6 mars 2009, puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), par des décisions des 22 décembre 2008 et 9 juin 2010 ; qu'à la suite d'une décision de refus de titre de séjour du 23 janvier 2009, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, M. A... a fait l'objet, le 8 novembre 2010, d'une mesure de reconduite à la frontière, et a alors sollicité, en rétention, un second réexamen de sa demande d'asile, rejeté par une décision de l'OFPRA du 19 novembre 2010 puis par une décision de la CNDA du 28 octobre 2011 ; que M. A... a ensuite présenté, le 2 mai 2012, une demande de délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", qui a été rejetée par une décision du 17 octobre 2012 du préfet de la Savoie ; que sa demande tendant à l'annulation de cette décision a été rejetée par un jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2013, confirmé par un arrêt de la Cour de céans du 26 novembre 2013 ; que M. A... a enfin sollicité, le 7 mars 2013, un titre de séjour en raison de son état de santé ; que par une décision du 9 décembre 2013, le préfet de la Savoie, après avoir sollicité l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, a refusé de délivrer un titre à l'intéressé, par une décision du 9 décembre 2013, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ; que le préfet de la Savoie fait appel du jugement du 24 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé lesdites décisions préfectorales du 9 décembre 2013 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments, relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, qui l'ont conduit à considérer, nonobstant l'avis médical émis par ledit médecin de l'agence régionale de santé, que le demandeur ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé ;

4. Considérant que si le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, saisi par le préfet de la Savoie, a estimé, dans un avis du 21 octobre 2013, que le traitement approprié à l'état de santé de M. A..., dont il a jugé qu'il nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, était absent dans son pays d'origine, ledit préfet a estimé, toutefois, que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Angola et produit à cet égard, pour la première fois en appel, une " fiche d'information sur l'offre de soins en Angola " élaborée en liaison avec l'ambassade de France dans ce pays, mentionnant les traitements médicamenteux disponibles en Angola pour les pathologies " troubles mentaux et du comportement ", l'existence d'une offre de soins pour de telles pathologies, à Luanda, où existe en particulier, selon ladite fiche, un centre spécialisé public pour les maladies mentales ; que de tels éléments, nonobstant la circonstance que ladite fiche n'aurait pas été élaborée en liaison avec des agents de l'ambassade ayant la qualité de médecin, tendent à établir que ce pays dispose d'une offre de soins publique et privée couvrant de nombreuses pathologies et que des traitements et médicaments variés y sont dispensés et distribués ; que M. A..., qui au demeurant ne mentionne pas la pathologie dont il souffre, ne conteste pas le caractère actuel de la fiche produite par le préfet de la Savoie et n'établit pas, en l'absence de production de toute pièce médicale, être atteint d'une pathologie autre que celles pour lesquelles ladite fiche établit qu'une offre de soins existe en Angola ou suivre un traitement autre que ceux disponibles dans ce pays ; qu'il ne peut utilement soutenir que l'accès effectif aux soins lui serait financièrement difficile ; que, dans ces conditions, et compte tenu des éléments respectivement apportés par les deux parties, l'absence d'un traitement approprié en Angola ne ressort pas des pièces du dossier ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du préfet de la Savoie du 9 décembre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A... et, par voie de conséquence, les décisions du même jour dudit préfet portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de M. A..., les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ;

5. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le Tribunal administratif de Grenoble qu'en appel ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que M. A... fait valoir qu'il réside depuis 2006 en France, où il a tissé des liens et mené une vie familiale ; que toutefois, l'intéressé, qui est entré en France, selon ses déclarations, à l'âge de 41 ans, après avoir vécu en Angola, où résident toujours ses deux enfants, nonobstant la circonstance qu'il n'en aurait pas la garde après son divorce, ainsi qu'une soeur, y dispose ainsi d'attaches familiales ; qu'ainsi, le préfet de la Savoie n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale de M. A..., qui au demeurant ne produit aucun justificatif des liens dont il se prévaut, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision lui refusant un titre de séjour a été prise ; que ladite décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 9 décembre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A..., obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403193 du 24 septembre 2014 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

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N° 14LY03147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03147
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AZOUAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-28;14ly03147 ?
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