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28/05/2015 | FRANCE | N°14LY00573

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 14LY00573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler la décision du 22 décembre 2010 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie a prononcé à son encontre une mesure de résiliation temporaire d'exercice sous convention, pour une durée de six mois, à compter du 15 janvier 2011, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur de la CPAM sur son recours préalable présenté le 16 février 2011 contre

ladite décision du 22 décembre 2010 ;

- de condamner la CPAM de la Savoie à lui ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler la décision du 22 décembre 2010 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie a prononcé à son encontre une mesure de résiliation temporaire d'exercice sous convention, pour une durée de six mois, à compter du 15 janvier 2011, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur de la CPAM sur son recours préalable présenté le 16 février 2011 contre ladite décision du 22 décembre 2010 ;

- de condamner la CPAM de la Savoie à lui verser une indemnité de 66 100 euros en réparation de son préjudice matériel et une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1100866-1103086 du 20 décembre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2014, Mme C...B..., domiciliée..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1100866-1103086 du 20 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 22 décembre 2010 du directeur de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie et, d'autre part, à la condamnation de ladite caisse à lui verser une indemnité totale de 71 100 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du 22 décembre 2010 et de prononcer la condamnation demandée, outre les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la CPAM de la Savoie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas respecté les stipulations de l'article 9 II de la convention liant ladite caisse à l'entreprise Etoile Taxi qu'elle exploite, qui prévoient le respect d'un délai d'un mois suivant la saisine de la commission locale de concertation des taxis, et c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ce délai avait été respecté, compte tenu de la saisine de cette commission par le directeur de la caisse le 4 octobre 2010, alors que cette date n'est pas certaine et que l'article 9 ne prévoit pas la saisine de cette commission par le directeur de la caisse mais seulement par l'entreprise ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré, d'une part, que la caisse n'était pas tenue de la mettre en demeure avant de prononcer la sanction, alors qu'il résulte de la jurisprudence que l'administration doit adresser une mise en demeure avant de notifier une sanction contractuelle, même si une clause contractuelle en a dispensé l'administration et, d'autre part, que la contestation de l'indu qui lui avait été notifié était sans incidence sur la régularité de la procédure de déconventionnement, alors que le problème de l'indu n'a pas été réglé ;

- la sanction a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, eu égard au délai de trois jours ouvrables francs seulement entre sa convocation devant la commission de concertation et la tenue de la réunion de cette commission, qui ne constitue pas un délai raisonnable pour préparer sa défense, à l'absence de connaissance des pièces communiquées à cette commission, à l'absence de communication à la commission des précisions et pièces qu'elle avait fournies, et eu égard à la présence parmi les membres de la commission d'une personne avec laquelle elle était en conflit, ce qui pose un problème de partialité, ladite personne ayant révélé ultérieurement à des tiers sa situation ;

- c'est à tort que la décision en litige a été notifiée à l'entreprise Etoile Taxi qui ne constitue qu'une enseigne et qui ne dispose pas des autorisations de stationnement ;

- la décision prononçant la sanction est insuffisamment motivée, en l'absence de précision sur les éléments de fait ayant conduit à la décision, se bornant à renvoyer à la décision du directeur de la caisse du 4 novembre 2010, non jointe et dont le directeur ne s'est pas approprié le contenu, visant quatre griefs sans précision ; de même, la caisse a renvoyé à l'avis de la commission locale de concertation, sans le joindre ni s'en approprier le contenu ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les stipulations du II de l'article 9 de la convention fixaient deux conditions alternatives susceptibles de fonder la mise en oeuvre d'une procédure de résiliation, alors qu'il s'agit de conditions cumulatives et qu'en l'espèce, la condition tenant à une condamnation pénale n'était pas remplie ;

- en l'absence de précision suffisante dans la convention sur les sanctions applicables en cas de non respect des dispositions conventionnelles, le principe de légalité des sanctions a été méconnu ; la loi est muette en ce qui concerne les sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre des entreprises de taxi ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que deux des quatre griefs retenus par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie étaient établis et suffisants pour justifier la sanction prononcée ;

- la décision, fondée sur de simples présomptions et non sur des faits établis, est entachée d'une erreur sur l'exactitude matérielle des faits, dès lors que, en premier lieu, tous les transports remboursés avaient été dûment effectués, nonobstant un changement de conducteur ponctuel, et alors que la caisse a reconnu ne pas être en mesure de quantifier avec précision les prestations exécutées par du personnel et/ou un véhicule non conventionné, en deuxième lieu, il n'y a pas eu volonté de frauder s'agissant de l'application de la tarification C, en troisième lieu elle n'avait pas saisi la modification résultant de la convention de 2009 s'agissant du temps d'attente et elle a reconnu son erreur sur la remise de 8,5 % pour les transports d'un montant inférieur à 25 euros ; le tribunal a retenu à juste titre que les griefs tirés, d'une part, de surcharges sur les prescriptions médicales et, d'autre part, de l'absence de signature des assurés sur les supports de facturation, n'étaient pas établis ;

- il existe une disproportion entre les faits reprochés et la sanction prononcée ;

- l'illégalité fautive de la sanction en litige a été à l'origine d'un préjudice financier, compte tenu de l'interruption de son activité durant la période de suspension de la convention, nonobstant le maintien de charges fixes, et d'un préjudice moral.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par une lettre du 9 avril 2015, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige relatif à l'application de la convention liant la CPAM, personne morale de droit privé, et une entreprise de taxi, conclue en application de la convention type, qui constitue un différend résultant de l'application des législations et réglementations de sécurité sociale au sens de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire.

Par un mémoire enregistré le 17 avril 2015, Mme C... B...maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que la juridiction administrative est bien compétente pour connaître du litige, portant sur une mesure de déconventionnement, qui constitue une sanction disciplinaire pouvant être contestée devant les tribunaux administratifs.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C...B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour trancher le litige, eu égard à la nature de droit privé des rapports entre la caisse et une entreprise de taxi, en application d'une convention de droit privé, dont la sanction résulte ;

- la résiliation est intervenue dans le respect de la procédure, du délai et des conditions de forme prévus par la convention ;

- le principe du contradictoire et des droits de la défense a été respecté ;

- la notification de la décision à l'enseigne commerciale est sans incidence sur sa légalité ;

- la décision est suffisamment motivée ;

- c'est à tort que la requérante soutient que la sanction prévue par l'article 9 de la convention suppose la réunion de deux conditions cumulatives, alors qu'il s'agit de conditions alternatives ;

- le dispositif de sanction est conforme à la loi et le moyen tiré du non respect de ce dispositif au principe de légalité est sans fondement ;

- la matérialité des faits est établie ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du Tribunal des conflits n° 3948 du 16 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.

1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle de facturation de l'entreprise " Etoile Taxi ", exploitée par Mme C...B..., portant sur la période correspondant aux 1er et 4ème trimestres de l'année 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, ayant constaté des irrégularités, fautes et abus, l'a informée, par une lettre du 4 novembre 2010, reçue le 8 novembre, accompagnée d'annexes explicatives, qu'était engagée une procédure de résiliation temporaire de la convention conclue en 2009, sur le fondement des dispositions de l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, avec ladite caisse ; qu'à la suite de la réunion de la commission locale de concertation des taxis du 1er décembre 2010, au cours de laquelle ont été entendues les observations de Mme C...B..., le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie a prononcé, par une décision du 22 décembre 2010, une décision de résiliation temporaire de ladite convention, pour une période de 6 mois à compter du 15 janvier 2011, aux motifs de la facturation de transports effectués par du personnel et/ou des véhicules non conventionnés, de surfacturations, de surcharges sur des prescriptions médicales et d'une absence de signature des assurés sur des supports de facturation ; que Mme C... B...fait appel du jugement du 20 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ladite décision du 22 décembre 2010 et à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie à l'indemniser des préjudices qu'elle impute à l'illégalité de cette décision ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. / Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale : " Les frais d'un transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conclue pour une durée au plus égale à cinq ans, conforme à une convention type établie par décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie après avis des organisations professionnelles nationales les plus représentatives du secteur, détermine, pour les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxis résultant de la réglementation des prix applicable à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais. (...) " ; que l'article L. 322-5-1 de ce code ajoute que : " L'assuré est dispensé de l'avance de ses frais pour la part garantie par les régimes obligatoires d'assurance maladie dès lors que le transport est réalisé par une entreprise de transports sanitaires conventionnée. " ;

4. Considérant qu'un litige relatif à une convention liant une caisse primaire d'assurance maladie, personne morale de droit privé, et une entreprise de taxi, conclue en application de la convention type relative à la dispense de l'avance des frais en matière de transport par taxi, constitue un différend résultant de l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, au sens de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, et relève en conséquence de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ;

5. Considérant que la décision en litige du 22 décembre 2010, par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie s'est borné à sanctionner le manquement par Mme C... B...à ses obligations résultant des stipulations de la convention la liant à ladite caisse, conclue en application de la convention type relative à la dispense de l'avance des frais en matière de transport par taxi, ne présente pas le caractère d'un acte administratif ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de rejeter la demande de Mme C... B...comme portée devant un ordre de juridiction incompétent à en connaître ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... B...tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100866-1103086 du 20 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme C... B...devant le Tribunal administratif de Grenoble sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

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N° 14LY00573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00573
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux - Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires - Compétence des juridictions judiciaires en matière de prestations de sécurité sociale.

Sécurité sociale - Relations avec les professions et les établissements sanitaires - Relations avec les professions de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BARATON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-28;14ly00573 ?
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