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26/05/2015 | FRANCE | N°14LY04080

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 mai 2015, 14LY04080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet du Rhône du 24 novembre 2014 qui a décidé sa remise aux autorités italiennes et la décision du 11 décembre 2014 par laquelle le préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1409661 du 15 décembre 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

I, Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2014,

sous le n° 14LY04080, le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1409661 du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet du Rhône du 24 novembre 2014 qui a décidé sa remise aux autorités italiennes et la décision du 11 décembre 2014 par laquelle le préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1409661 du 15 décembre 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

I, Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2014, sous le n° 14LY04080, le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1409661 du tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...tendant à l'annulation de ces décisions.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été introduite dans le délai d'appel ;

- contrairement à ce qui a été jugé, le droit à l'information des demandeurs d'une protection internationale prévu à l'article 4-1 du règlement (UE) du 26 juin 2013 a été respecté ; les brochures A et B ont été remises à Mme B...lors de sa deuxième visite dans ses services le 11 août 2014 comme l'atteste le formulaire de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile qui porte expressément la mention selon laquelle elle certifie sur l'honneur que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis ; en outre, dès cette date, elle a été informée que l'Italie serait très probablement compétente pour l'examen de sa demande d'asile ;

- elle a bénéficié d'un entretien individuel et confidentiel conformément à l'article 5-1 du règlement n° 604/2013 ;

- l'intéressée a été orientée vers la plate-forme Forum réfugiés, qui l'a informée de ses droits ;

- à supposer qu'elle n'ait pas été rendue destinataire d'une information complète, elle n'a pas été privée de son droit à l'information dès lors que le guide du demandeur d'asile, qui lui a été communiqué dès sa première convocation, comprend des informations sur la procédure dite Dublin ainsi que les critères d'appréciation de sa demande et les motifs entraînant la responsabilité d'un autre Etat pour l'examen d'une demande d'asile ; elle a eu un entretien individuel au cours duquel elle a reçu de nombreuses informations ;

- en tout état de cause, une insuffisance dans l'information n'est pas constitutive d'une méconnaissance grave et manifeste des obligations qu'implique le droit d'asile ;

- en ce qui concerne le bien-fondé des décisions du 24 novembre 2014 et du 11 décembre 2014, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la Cour sera conduite à faire droit aux conclusions tendant au rejet de la demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2015, Mme B...représentée par Me Paquet conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'OFPRA, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce qu'il lui soit enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions, en sa qualité de demandeur d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- son droit à l'information n'a pas été respecté ; elle n'a pas reçu les informations obligatoires prévues par l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ; elle n'a jamais reçu le formulaire A et le formulaire B lui a été remis tardivement ;

- ces formulaires ne lui ont pas été remis lors de l'introduction de sa demande d'asile ; elle n'a pas reçu les informations nécessaires lui permettant de faire valoir des éléments pertinents lors de l'entretien individuel ; aucun autre document ne permet une information conforme aux exigences de l'article 4 du règlement précité ;

- l'association Forum réfugiés ne remet pas ces brochures au demandeur d'asile ;

- cette absence d'information obligatoire et préalable qui constitue une garantie substantielle porte atteinte au droit d'asile des demandeurs d'asile ;

dans le cadre de l'effet dévolutif :

- la décision de réadmission du 24 novembre 2014 méconnaît les droits et garanties accordés aux demandeurs d'asile par l'article 4 et 5 du règlement n° 604/2013 en ce que, lors de l'entretien individuel, elle n'a pas bénéficié d'une entretien confidentiel et d'un interprète ; le résumé de l'entretien ne lui a pas été donné en temps utile ; préalablement à cet entretien, il n'y a pas eu de remise des formulaires A et B ;

- elle n'a pas reçu les informations concernant l'application du règlement EURODAC concomitamment à la prise d'empreinte du 11 août 2014 ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation des faits et d'insuffisance de motivation au regard de l'article 17-1 du règlement ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit en méconnaissance de l'article 26 du règlement n° 604/2013 et l'absence de fuite ; elle ne lui a pas été transmise dans une langue qu'elle était susceptible de comprendre ;

- cette décision méconnaît le droit d'asile et l'article 17 du règlement ; elle justifie d'une situation exceptionnelle puisqu'elle fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire italien à destination de son pays d'origine ; l'Italie doit faire face à un afflux de demandeurs d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, l'Italie ne s'étant pas expressément reconnue responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle craint pour sa vie en cas de retour en Italie ;

- elle excipe de l'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 9 octobre 2014 qui est entachée d'erreur de fait, d'un défaut d'examen complet et méconnaît les droits et garanties accordés aux demandeurs d'asile ; elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen de la possibilité d'assurer le traitement de sa demande d'asile en France ; elle méconnaît également l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2015.

II, Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2014, sous le n° 14LY04081, le préfet du Rhône demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1409661 du 15 décembre 2014, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet du Rhône du 24 novembre 2014 qui a décidé la remise de Mme B...aux autorités italiennes et la décision du 11 décembre 2014 par laquelle le préfet l'a assignée à résidence.

Il soutient que :

- il démontre l'existence d'un moyen sérieux dès lors qu'il a respecté le droit à l'information des demandeurs d'une protection internationale prévu à l'article 4 du règlement Dublin III ; les brochures A et B ont été remises à Mme B...lors de sa deuxième visite dans ses services le 11 août 2014 comme l'atteste le formulaire de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile qui porte expressément la mention selon laquelle elle " certifie sur l'honneur que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis " ; en outre, dès cette date, elle a été informée que l'Italie serait très probablement compétente pour l'examen de sa demande d'asile ;

- elle a bénéficié d'un entretien individuel et confidentiel conformément à l'article 5-1 du règlement n° 604/2013 ;

- l'intéressée a été orientée vers la plate-forme Forum réfugiés, qui l'a informée de ses droits ;

- à supposer qu'elle n'ait pas été rendue destinataire d'une information complète, elle n'a pas été privée de son droit à l'information dès lors que le guide du demandeur d'asile, qui lui a été communiqué dès sa première convocation, comprend des informations sur la procédure dite Dublin ainsi que les critères d'appréciation de sa demande et les motifs entraînant la responsabilité d'un autre Etat pour l'examen d'une demande d'asile ; elle a eu un entretien individuel au cours duquel elle a reçu de nombreuses informations ;

- elle a reçu les brochures lors de la notification du refus d'admission provisoire au séjour le 27 août 2014, soit moins d'un mois après le dépôt de sa demande d'asile ;

- en tout état de cause, une insuffisance dans l'information n'est pas constitutive d'une méconnaissance grave et manifeste des obligations qu'implique le droit d'asile ;

- le jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors que l'exécution des décisions de remise est soumise à un délai de six mois et sauf prorogation de ce délai, il lui appartiendra d'organiser l'éloignement de Mme B...avant le 13 mars 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2015, Mme B...représentée par Me Paquet conclut au rejet de la requête de sursis à exécution, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quarante huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'OFPRA, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce qu'il lui soit enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions, en sa qualité de demandeur d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il n'y a plus lieu d'accorder le sursis à exécution dans la mesure où la décision du 24 novembre 2014 n'est plus exécutoire ;

- son droit à l'information n'a pas été respecté ; elle n'a pas reçu les informations obligatoires prévues par l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ; elle n'a jamais reçu le formulaire A et le formulaire B lui a été remis tardivement ;

- ces formulaires ne lui ont pas été remis lors de l'introduction de sa demande d'asile, elle n'a pas reçu les informations nécessaires lui permettant de faire valoir des éléments pertinents lors de l'entretien individuel ; aucun autre document ne permet une information conforme aux exigences de l'article 4 du règlement précité ;

- l'association Forum réfugiés ne remet pas ces brochures au demandeur d'asile ;

- cette absence d'information obligatoire et préalable qui constitue une garantie substantielle porte atteinte au droit d'asile des demandeurs d'asile ;

dans le cadre de l'effet dévolutif :

- la décision de réadmission du 24 novembre 2014 méconnaît les droits et garanties accordées aux demandeurs d'asile par l'article 4 et 5 du règlement n° 604/2013 en ce que lors de l'entretien individuel elle n'a pas bénéficié d'un entretien confidentiel et d'un interprète ; le résumé de l'entretien ne lui a pas été donné en temps utile ; préalablement à cet entretien, il n'y a pas eu de remise des formulaires A et B ;

- elle n'a pas reçu les informations concernant l'application du règlement EURODAC concomitamment à la prise d'empreinte du 11 août 2014 ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation des faits et d'insuffisance de motivation au regard de l'article 17-1 du règlement ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit en méconnaissance de l'article 26 du règlement n° 604/2013 et l'absence de fuite ; elle ne lui a pas été transmise dans une langue qu'elle était susceptible de comprendre ;

- cette décision méconnaît le droit d'asile et l'article 17 du règlement ; elle justifie d'une situation exceptionnelle puisqu'elle fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire italien à destination de son pays d'origine ; l'Italie doit faire face à un afflux de demandeurs d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, l'Italie ne s'étant pas expressément reconnue responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, elle craint pour sa vie en cas de retour en Italie ;

- elle excipe de l'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 9 octobre 2014 qui est entachée d'erreur de fait et d'un défaut d'examen complet et méconnaît les droits et garanties accordés aux demandeurs d'asile ; elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen de la possibilité d'assurer le traitement de sa demande d'asile en France ; elle méconnaît également l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courret,

- et les observations de Me Paquet, représentant MmeB....

1. Considérant que les requêtes susvisées du préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeB..., de nationalité nigériane, née le 21 août 1985, est entrée irrégulièrement en France ; qu'elle a sollicité son admission au statut de réfugié en France le 4 août 2014 ; que le préfet du Rhône, après avoir, par une décision du 9 octobre 2014, refusé de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et, après accord des autorités italiennes, par une décision du 24 novembre 2014, a ordonné sa remise aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence par une décision du 11 décembre 2014 ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement du 15 décembre 2014 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 24 novembre et du 11 décembre 2014 et demande le sursis à exécution dudit jugement ;

Sur la requête au fond n° 14LY04080 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur(...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la natures desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

4. Considérant que les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé d'une garantie ; que la délivrance par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de reprise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ;

5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ; que, dans un premier temps, seul le préfet est en mesure d'apporter des éléments relatifs à la délivrance d'une information écrite au demandeur ;

6. Considérant que le préfet du Rhône fait valoir que Mme B...a été destinataire des informations prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'elle a reçu, lors du dépôt de sa demande d'asile le 4 août 2014, le guide du demandeur d'asile, qu'elle a ensuite été orientée vers la plate-forme Forum réfugiés qui a pu lui délivrer l'ensemble des informations nécessaires et qu'enfin, elle a reçu les deux brochures le 11 août 2014 lors de l'enregistrement de sa demande d'asile ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du résumé de l'entretien individuel du 11 août 2014 qui mentionne " qu'elle est informée de la procédure Dublin ", alors que Mme B...fait valoir qu'elle a reçu la brochure B, que la brochure A lui aurait été remise ; que seule la remise des deux brochures, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' " qui constitue la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, et figurant en annexe au règlement du 30 janvier 2014 susvisé, permet aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement du 26 juin 2013 ; que, de ce fait, l'ensemble des informations essentielles n'ont pas été portées à la connaissance de Mme B... ; que la circonstance qu'elle a reçu lors du dépôt de sa demande d'asile, le 4 août 2014, le guide du demandeur d'asile, qu'elle a été orientée vers la plate-forme Forum réfugiés et que le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile comporte la mention selon laquelle l'intéressée certifie sur l'honneur que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis, ne suffit pas à établir qu'elle aurait bénéficié de l'ensemble des informations correspondant à sa situation de demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, cette omission était de nature à priver effectivement l'intéressée de la garantie prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ; qu'il est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 24 novembre 2014 qui a décidé la remise de Mme B...aux autorités italiennes et la décision du 11 décembre 2014 par laquelle il l'a assignée à résidence ;

Sur la requête à fin de sursis à exécution n° 14LY04081 :

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1409661, rendu le 15 décembre 2014 par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, la requête n° 14LY04081 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que l'annulation de la décision ordonnant la remise de Mme B...aux autorités italiennes, sur le fondement d'un vice de procédure, et, par voie de conséquence, de la décision portant assignation à résidence, implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme B...dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Paquet, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 14LY04080 du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Paquet une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet du Rhône enregistrée à la Cour sous le n° 14LY04081.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mai 2015.

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Nos 14LY04080, 14LY04081


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/05/2015
Date de l'import : 11/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY04080
Numéro NOR : CETATEXT000030664983 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-26;14ly04080 ?
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