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26/05/2015 | FRANCE | N°14LY02023

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 mai 2015, 14LY02023


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 juin 2014, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306898, du 19 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 26 novembre 2013 rejetant la demande d'admission au séjour de M. B...A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en applicatio

n des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 juin 2014, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306898, du 19 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 26 novembre 2013 rejetant la demande d'admission au séjour de M. B...A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M.A..., qui ne réside en France que depuis trois ans et neuf mois, a passé la majeure partie de son existence dans son pays d'origine ; il ne possède aucune attache familiale en France, à l'exception de sa mère, qui fait l'objet de la même mesure de police confirmée par le tribunal administratif de Grenoble, et de son frère mineur ; que rien ne faisant obstacle à ce que son père séjournant sous couvert d'une carte de séjour temporaire au titre du travail retourne dans son pays d'origine, l'unité familiale peut être préservée dans son pays d'origine ; il ne justifie pas, comparativement au lien qui l'unit à son pays d'origine, d'une intégration, notamment par sa scolarité, telle qu'elle lui ouvrirait un droit au séjour ; il ne fait état d'aucune circonstance humanitaire ou de motifs exceptionnels ; sa demande n'a pas été présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige n'est entaché d'aucune incompétence ;

- la demande de l'intéressé n'invoquait pas non plus les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il ne peut se prévaloir, étant démuni de visa de long séjour et faisant preuve d'absence de sérieux dans ses études ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré à la Cour par télécopie le 24 septembre 2014 et régularisé le même jour, présenté pour M. B...A..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'arrêté en litige porte à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, dès lors qu'il a pour effet d'interrompre sa scolarité ; qu'il est entré en France à l'âge de quinze ans, accompagné de ses parents et de son frère né en 2001 et que, régulièrement scolarisé au collège puis en lycée professionnel, il a obtenu en juillet 2012 un certificat d'aptitude professionnelle de serrurier métallier ; ses difficultés au cours d'un parcours honorable s'expliquent par l'éloignement entre le centre d'accueil de demandeurs d'asile où il était hébergé et son établissement ; élève de première puis de terminale, lui-même et sa famille font preuve d'intégration ; il a été apprécié au cours de ses stages et dans l'entreprise dans laquelle il a bénéficié au cours de l'été 2011 d'un contrat à durée déterminée ; son père, qui a obtenu une mesure d'introduction de salarié étranger, est titulaire d'une carte de séjour temporaire et prend en charge sa scolarité ; sa mère et son frère résident sur le territoire national ; majeur, il ne peut bénéficier d'une procédure de regroupement familial ;

- les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'inscrit en terminale, il suit depuis son entrée en France, il y a quatre ans, une scolarité régulière et sérieuse qui lui a permis d'obtenir un CAP ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1du code de justice administrative, par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Martin, président ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité kosovare, né en 1994, déclare être entré en France le 27 juin 2009 accompagné de ses parents et de son frère né en 2001 ; qu'il a fait l'objet, le 26 novembre 2013, de décisions du préfet de la Haute-Savoie portant refus de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que ledit préfet demande l'annulation du jugement en date du 19 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que pour annuler le refus de délivrance du titre de séjour susmentionné, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que cette décision portait, en raison de la scolarité de l'intéressé et eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle méconnaissait, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant que M. A...fait valoir la régularité et le caractère honorable de sa scolarité depuis son entrée en France ; que, toutefois, nonobstant l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle, son investissement dans les activités sportives et le redressement, opéré au cours du premier semestre de la classe de terminale, de ses résultats au demeurant non exempts d'appréciations défavorables sur son comportement, ses bulletins de note des années scolaires précédentes traduisent cependant une absence générale de sérieux et un fort absentéisme ; qu'ainsi, son parcours de formation ne suffit pas en dépit du bénéfice d'un contrat à durée déterminée pendant la période des congés scolaires de l'été 2011 à caractériser le niveau d'intégration qu'il revendique ; qu'il n'établit pas davantage détenir en France d'autres liens sociaux, privés ou familiaux en dehors de la présence de son père titulaire d'un titre de séjour salarié et de son frère né en 2001, sa mère faisant l'objet des mêmes mesures de police que lui ; que, célibataire et sans enfant, il ne conteste pas la présence d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses grands-parents et une de ses tantes ; qu'il n'est pas démontré qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, compte-tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A...en France et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il ne peut bénéficier de la procédure de regroupement familial, le rejet, par le préfet de la Haute-Savoie, de sa demande de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celles lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;

7. Considérant que pour les motifs précédemment énoncés, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en dernier lieu, que M. A...ne saurait utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée la méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il ne s'est pas prévalu à l'appui de sa demande ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute- Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 26 novembre 2013 refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M.A..., au titre des frais exposés devant la Cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306898, en date du 19 mai 2014, du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et les conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mai 2015.

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N° 14LY02023


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Jean-Paul MARTIN
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/05/2015
Date de l'import : 11/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY02023
Numéro NOR : CETATEXT000030664973 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-26;14ly02023 ?
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