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21/04/2015 | FRANCE | N°14LY00316

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 14LY00316


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour la commune de Saint-Victor-La-Rivière, représentée par son maire ;

la commune de Saint-Victor-La-Rivière demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300494 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, sur déféré du préfet du Puy-de-Dôme, la délibération du 27 décembre 2012 par laquelle son conseil municipal a procédé à la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants droit de la section de commune du Breuil ;

2°) de rejeter l

e déféré du préfet du Puy-de-Dôme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour la commune de Saint-Victor-La-Rivière, représentée par son maire ;

la commune de Saint-Victor-La-Rivière demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300494 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, sur déféré du préfet du Puy-de-Dôme, la délibération du 27 décembre 2012 par laquelle son conseil municipal a procédé à la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants droit de la section de commune du Breuil ;

2°) de rejeter le déféré du préfet du Puy-de-Dôme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités locales n'interdisent pas le partage des revenus entre ayants droit de section ;

- le partage du produit de biens de la section de commune entre les ayants-droit résulte d'un usage local qui est établi depuis de nombreuses années ;

- il convient de se référer aux dispositions de l'article 542 du Code civil qui prévoit que les ayants droit disposent d'un droit acquis sur les produits de la section quelle que soit leur nature ; cet article autorise donc le partage des revenus en espèces ;

- le tribunal administratif s'est livré à une mauvaise appréciation des faits en écartant au cas d'espèce l'application des dispositions de l'article L. 243-3 du code forestier qui permet la distribution aux ayants droit du produit des ventes d'affouage ;

- la délibération en litige a réparti entre les affouagistes de la section une somme qui correspond au produit de la vente de la coupe de bois qui appartient à la section ; dès lors, le conseil municipal n'a fait qu'exercer son pouvoir souverain au regard de l'article L. 243-3 précité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 1er avril 2014 au préfet du Puy-de-Dôme, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 1er avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 16 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- les ayants droit affouagistes disposent uniquement d'un droit de jouissance ;

- le partage en espèces du revenu tiré de l'affouage est prohibé par les articles L. 2411-10 et L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales ; cet état du droit n'a été modifié ni par la jurisprudence, ni par l'article L. 145-3 du code forestier ;

- une simple coupe de bois destinée à la vente ne peut être considérée comme un affouage tel qu'il est défini dans le code forestier ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2014, présenté pour la commune de Saint-Victor-La-Rivière qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- le Conseil d'Etat a jugé que le conseil municipal a la faculté de répartir le produit de la vente entre les titulaires de l'affouage ;

- la délibération prévoyait expressément la répartition des coupes affouagistes aux ayants droit ; aucun élément ne permet de la remettre en cause ;

Vu l'ordonnance du 20 mai 2014 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

il soutient, en outre, que :

- la délibération contestée ne satisfait pas aux conditions de l'affouage telles qu'elles sont définies par le code forestier ; une délibération définissant les formes et les quantités de l'affouage ainsi que le mode de partage aurait dû être adressée à l'Office national des forêts préalablement au lancement de la procédure ;

- le bois d'affouage destiné à satisfaire des besoins ruraux ou domestiques est constitué essentiellement de feuillus et de ligneux de seconde qualité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; le conseil municipal de la commune a validé des coupes de bois destinées à des professionnels et non des coupes affouagères destinées aux besoins ruraux ou domestiques des ayants droit de la section ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code forestier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Victor-La-Rivière ;

1. Considérant que par une délibération du 27 décembre 2012, le conseil municipal de Saint-Victor-La-Rivière a procédé à la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants-droit de la section de commune du Breuil ; que le préfet du Puy-de-Dôme a déféré cette délibération au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que la commune de Saint-Victor-La-Rivière relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette délibération ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / (...) L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 243-1 du code forestier : " Pour chaque coupe des bois et forêts appartenant à des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de consommation rurale et domestique.ces bénéficiaires ne peuvent vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature / L'Office national des forêts délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 243-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 243-2 du même code : " S'il n'y a titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par foyer, dont le chef de famille a son domicile réel et fixe dans la commune avant la date de publication du rôle de l'affouage ; / 2° Ou bien moitié par foyer et moitié par habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / (...) ; / 3° Ou bien par habitant ayant son domicile réel et fixe dans la commune avant la date mentionnée au 1°./ Chaque année, avant une date fixée par décret, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 243-3 du même code : " Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit du budget communal ou des titulaires du droit d'affouage. Dans ce dernier cas, la vente a lieu (...) par les soins de l'Office national des forêts. " ; qu'aux termes de l'article R. 243-2 dudit code : " Les communes font connaître à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (...). " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus qu'une section de commune est une personne morale de droit public qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ; que, si les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits ; qu'ainsi, la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif ne peut les redistribuer entre ses ayants droit, à l'exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l'affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage ; que le partage de l'affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction de la consommation rurale et domestique des bénéficiaires de l'affouage, bois de chauffage, de construction ou de réparation ; qu'ainsi, le conseil municipal, après avoir fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l'affouage, quantité portée à la connaissance de l'Office national des forêts chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l'affouage aux ayants droit de la section de commune ;

5. Considérant que par une délibération du 27 décembre 2012, le conseil municipal de Saint-Victor-La-Rivière a décidé, à la demande des bénéficiaires, de répartir le produit des coupes de bois qui s'élève à la somme de 11 000 euros, somme calculée à partir des ventes de bois de l'année, après déduction des impôts fonciers et de charges diverses, entre les ayants droit de la section du Breuil inscrits au rôle définitif 2012 ; qu'il n'est pas contesté par la commune que si des délibérations antérieures du 10 avril et du 14 novembre 2012 ont fixé la liste des ayants droit, elles n'ont pas déterminé les modalités du partage ; qu'en outre, un courrier et une fiche de l'Office national des forêts, produits pour la première fois en appel, précisent que les coupes qui ont été effectuées sur la section du Breuil et vendues en bloc à des professionnels de la filière bois, n'ont pas été préalablement marquées en tant que coupes destinées à l'affouage ; qu'ainsi, comme le soutient le préfet du Puy-de-Dôme, et même si la délibération attaquée fait référence à l'attribution de l'affouage destiné au bois de chauffage, le conseil municipal n'avait préalablement fixé ni le mode de partage, ni la quantité de bois destinée à l'affouage ; que, par suite, la délibération litigieuse ne peut être regardée que comme ayant partagé des revenus d'une coupe de bois et non d'une coupe délivrée pour l'affouage ; que, dès lors, le conseil municipal de Saint-Victor-La-Rivière ne pouvait procéder au partage de ces revenus ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Victor-La-Rivière, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a pour ce motif annulé sa délibération du 27 décembre 2012 ; que par voie de conséquence, ses conclusions de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Victor-La-Rivière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Victor-La-Rivière et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

MmeDèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2015.

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N° 14LY00316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00316
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-21;14ly00316 ?
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