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10/03/2015 | FRANCE | N°13LY03140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mars 2015, 13LY03140


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 23 décembre 2013, présentés pour l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature ", dont le siège est 77, rue Jean-Claude Vivant à Villeurbanne (69100) ;

l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature " (UR-FRAPNA) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107861 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2011 par lequel le p

réfet du Rhône a autorisé M. B...A...à créer un plan d'eau au lieu-dit " Les Dîmes ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 23 décembre 2013, présentés pour l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature ", dont le siège est 77, rue Jean-Claude Vivant à Villeurbanne (69100) ;

l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature " (UR-FRAPNA) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107861 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2011 par lequel le préfet du Rhône a autorisé M. B...A...à créer un plan d'eau au lieu-dit " Les Dîmes " sur le territoire des communes de Bessenay et Brullioles ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif a considéré que le plan d'eau litigieux n'était pas situé dans un secteur qualifié de zone humide ; la surface réelle de la zone humide a été sous-évaluée par le pétitionnaire ; l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 211-1 du code de l'environnement et l'autorisation délivrée est incompatible avec la disposition 6B-6 du schéma directeur d'aménagement des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée-Corse, relative aux zones humides ; l'arrêté en litige aurait dû imposer une compensation de 200 % de la surface de la zone humide mise en eau ;

- le projet d'implantation autorisé par l'arrêté litigieux est incompatible avec le dernier alinéa de la disposition 6A-11 du même schéma directeur, relative à la création des petits plans d'eau ; au regard du critère de surface posé par le schéma directeur, le plan d'eau litigieux entre dans le champ d'application du principe d'interdiction de création de plan d'eau en lit mineur ; en visant les ouvrages soumis à déclaration, les auteurs du schéma directeur ont entendu définir, par référence, la taille des plans d'eau auxquels s'applique l'interdiction d'implantation en lit mineur, indépendamment de leurs autres caractéristiques pouvant par ailleurs emporter soumission à un régime d'autorisation ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le deuxième alinéa de la disposition 6B-6 du schéma directeur ; le projet, formant un obstacle insurmontable à toute continuité écologique, compromet les objectifs environnementaux sur le bassin versant, notamment sur le plan des équilibres quantitatifs, fixés par cette disposition et celles du 7° du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, ainsi que les éléments de la trame bleue, telle que définie au III de l'article L. 371-1 du code de l'environnement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 février 2014 à M.A..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il reprend à son compte les observations présentées en première instance par le préfet du Rhône ;

- le jugement n'est pas irrégulier, dès lors que le moyen sur lequel le tribunal administratif aurait omis de statuer, qui n'est pas d'ordre public, n'était pas soulevé par l'association ;

- la superficie de la zone humide a été déterminée, conformément aux dispositions de l'arrêté du 24 juin 2008, selon le critère tiré de la nature de la végétation ; la zone humide impactée présente une surface (360 m²) inférieure à celle à partir de laquelle une déclaration est exigée au titre de la rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ; la disposition 6B-6 du schéma directeur n'est donc pas applicable au cas d'espèce et aucune compensation de la surface ennoyée ne s'impose ; l'arrêté contesté a néanmoins pris en compte l'enjeu lié à la préservation des zones humides en imposant le réaménagement d'une zone humide d'au moins 300 m² située à proximité du cours d'eau ;

- le dernier alinéa de la disposition 6A-11 du schéma directeur ne s'applique qu'aux créations de plans d'eau soumis à déclaration alors que le projet litigieux est soumis dans sa globalité à autorisation ;

- l'arrêté contesté prévoit des mesures de nature à réduire les impacts du projet s'agissant du dispositif de restitution du débit réservé ; la disposition 6A-11 du schéma directeur n'est pas applicable au cours d'eau Le Glavaroux ; la retenue ne constitue pas un obstacle aux migrations des saumons et des écrevisses, qui ne sont pas présents à cet endroit ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2014, présenté pour l'association UR-FRAPNA, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que :

- sa requête comporte une erreur matérielle en ce qu'elle a entendu soutenir que le tribunal administratif avait omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le deuxième alinéa de la disposition 6A-11, et non 6B-6, du schéma directeur ; ce moyen a été dûment soulevé en première instance, dans un mémoire enregistré le 21 juin 2013 ; le défendeur ne démontre pas que le cours d'eau du Glavaroux ne serait pas identifié comme un secteur d'intérêt patrimonial ; la tête de bassin versant d'un cours d'eau est réputé comme étant importante pour la préservation de la biodiversité ; celle du Glavaroux constitue ainsi un élément essentiel de la trame bleue ;

- dès lors qu'une zone entre dans le champ du I de l'article L. 211-1 1 et de l'article R. 211-108 du code de l'environnement, elle doit être qualifiée de zone humide, même si sa surface est inférieure à 1 000 m² ;

- le troisième alinéa de la disposition 6B-6 du schéma directeur n'est pas restreint aux projets soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la seule rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature, mais au titre de l'ensemble des rubriques de cette nomenclature ;

- le seul critère de la végétation ne suffit pas à définir et à délimiter une zone humide ; le pétitionnaire devait prendre en compte l'ensemble des critères réglementaires pour identifier les zones humides détruites par son projet, qu'il convenait de compenser ; le caractère hydromorphe des sols a été reconnu par l'étude géologique ;

Vu l'ordonnance en date du 4 juin 2014 fixant la clôture d'instruction au 26 septembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le schéma directeur d'aménagement des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée-Corse 2010-2015, approuvé par le préfet coordonnateur de bassin le 20 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2015 :

- le rapport de M. Martin, président ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de M.A... ;

1. Considérant que, par un arrêté en date du 9 novembre 2011, le préfet du Rhône a autorisé M. B...A..., exploitant agricole, à créer un plan d'eau d'une superficie de 3 600 m² (0,36 ha) et d'un volume de 13 700 m3 au lieudit " Les Dîmes ", sur le territoire des communes de Bessenay et Brullioles, alimenté par prélèvement dans le ruisseau du Glavaroux, aux fins d'accroître sa capacité d'irrigation de 10 hectares de cerisiers ; que l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature " (UR-FRAPNA) relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatible ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. " ; que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée-Corse, dans l'un de ses objectifs intitulé " Disposition 6A-11 Encadrer la création des petits plans d'eau ", observe que l'augmentation du nombre de petits plans d'eau constatée depuis plusieurs décennies n'a pas été sans conséquence sur la qualité des milieux aquatiques ; qu'en conséquence, le schéma prescrit notamment que : " (...) les projets de création de plans d'eau soumis à déclaration doivent être conçus en dehors du lit mineur des cours d'eau en se conformant aux prescriptions réglementaires correspondantes (arrêtés ministériels du 27 août 1999 fixant des prescriptions générales concernant d'une part la création des plans d'eau et d'autre part leur vidanges). " ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le plan d'eau autorisé est implanté dans le lit mineur du ruisseau du Glavaroux et présente une superficie inférieure à 3 ha le faisant relever de la déclaration au regard de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités instituée par l'article L. 214-1 du code de l'environnement (rubrique 3.2.3.0.) ; que toutefois, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la seule circonstance que ce plan d'eau ait globalement relevé du régime d'autorisation à raison de ce qu'il comportait la création d'une digue et impliquait un prélèvement important sur le cours d'eau, ne lui a pas fait perdre, au regard des objectifs poursuivis par le schéma directeur, sa qualité de petit plan d'eau définie par référence à sa seule superficie ; que, par suite, comme le soutient l'association requérante, la création du plan d'eau en litige est incompatible, dans l'un de ses objectifs essentiels, avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée-Corse ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l'association UR-FRAPNA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2011 par lequel le préfet du Rhône a autorisé M. A...à créer un plan d'eau ;

4. Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à l'association UR-FRAPNA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107861 du 26 septembre 2013 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône en date du 9 novembre 2011 autorisant M. A... à créer un plan d'eau au lieu-dit " Les Dîmes " sur le territoire des communes de Bessenay et Brullioles est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature " une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature ", au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à M. B...A....

Délibéré après l'audience du 17 février 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2015.

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N° 13LY03140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03140
Date de la décision : 10/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Eaux - Ouvrages - Établissement des ouvrages - Retenues d'eau.

Eaux - Gestion de la ressource en eau - Schémas directeurs et schémas d'aménagement et de gestion des eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-03-10;13ly03140 ?
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