La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2014 | FRANCE | N°13LY01340

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 12 juin 2014, 13LY01340


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon sous le n°13LY01340, présentée pour la société Semerap, dont le siège est situé rue Richard Wagner, 63201 Riom Cedex ;

La société Semerap demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n°1201256 du 28 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de la convention de délégation du service public de l'assainissement conclue par la commune de Saint Eloy les Mines le 11 juin 2012, avec la société Lyonnai

se des Eaux ;

2) d'annuler ladite convention ;

3) de mettre à la charge de l...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon sous le n°13LY01340, présentée pour la société Semerap, dont le siège est situé rue Richard Wagner, 63201 Riom Cedex ;

La société Semerap demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n°1201256 du 28 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de la convention de délégation du service public de l'assainissement conclue par la commune de Saint Eloy les Mines le 11 juin 2012, avec la société Lyonnaise des Eaux ;

2) d'annuler ladite convention ;

3) de mettre à la charge de la commune de Saint Eloy les Mines la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Semerap soutient que la commune de Saint Eloy-les-Mines a commis une erreur manifeste d'appréciation dans le choix du délégataire et retenu une offre anormalement basse, en se fondant sur un compte d'exploitation erroné fourni par la société Lyonnaise des Eaux pour décider de lui attribuer une concession de service public d'assainissement ; que la société Lyonnaise des Eaux a en effet prévu un traitement de 800 m3 annuels de matière de vidange alors que l'installation de la station d'épuration de Saint-Eloy-les-Mines ne comporte qu'une fosse de matière de vidange d'une capacité réelle de 300 m3 annuel, volume indiqué dans l'inventaire des biens du service, du dossier de consultation pour l'attribution de cette DSP et respecté par l'ensemble des candidats ; que ce volume est contradictoire à la fois avec la capacité de la fosse mais aussi avec le volume à vidanger des assainissements autonomes de la commune, soit un volume de 240 m3 annuel ; qu'ainsi elle a présenté une recette fictive que ne pouvait ignorer la commune de saint Eloy les Mines sans d'ailleurs préciser les charges correspondantes ; que tout aussi fictivement la Société Lyonnaise des eaux a affecté une somme importante au renouvellement non programmé des équipements qui ne donne lieu à aucun reversement en fin de contrat à la commune à la différence des dotations pour investissements programmés ; que le compte prévisionnel mentionne une recette correspondant aux conventions du quartier des Viziers et du Sictom des Combrailles alors que cette recette figure déjà dans les produits d'exploitation ; qu'ainsi, le tarif de la société Lyonnaise des eaux s'établirait à 0,76 euros HT/ m3, (avec une part fixe par abonné de 23 euros HT) contre 0,70 euros HT/ m3 pour elle (avec une part fixe de 20 euros HT par abonné) ; que la commune aurait du écarter l'offre déficitaire de la société lyonnaise des eaux ;

Vu, enregistré le 14 octobre 2013, le mémoire présenté pour la commune de Saint Eloy les Mines qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la Semerap à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article l 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient qu'ayant la liberté de choisir son cocontractant, le contrôle du juge, en matière du choix du délégataire, est limité à l'erreur manifeste d'appréciation ; que le moyen tiré de l'offre anormalement basse, notion qui n'existe que dans le code des marchés publics, est inopérant ; que les charges présentées par la société Lyonnaise des eaux étaient supérieures à celles présentées par la Semerap ; que celle-ci se contente de critiquer les recettes et non pas les dépenses prévisionnelles ; que les différences entre les offres elles-mêmes ne sauraient montrer l'existence d'offres anormalement basses ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'il existait un risque grave d'inexécution de la concession ; que le juge de la contestation de la validité d'un contrat ne peut tenir compte des éléments relatifs au contrat précédent venu à échéance ; que la nouvelle convention n'est pas identique à la précédente ; que les estimations de la société Lyonnaise des Eaux sont comparables à celles de la Saur ; que le dépotage des effluents pour la station d'épuration peut provenir d'ailleurs ; que la capacité normale de l'installation était indiquée mais elle pouvait en traiter plus ; que l'application actuelle de la convention montre que c'est exactement le cas (980 m3 en 2012 et 1000 m3 du 1er au 30 septembre 2013) ; que les investissements non programmés de la société Lyonnaise des eaux sont supérieurs à ceux de la Semerap ; que l'économie générale de l'offre n'a pas été bouleversée par les recettes du quartier des Viziers et du Sictom des Combrailles, qu'elles soient ou non comprises dans le volume de 160 000 m3 ; que le coût de traitement des matières de vidange a été fixé par la commune à 17,85 euros/m3 et s'imposait à tous les candidats ; que si la société Semerap a présenté des tarifs plus bas pour l'assainissement non collectif, l'offre devait s'apprécier de façon globale ; qu'à supposer établies des irrégularités, celles-ci ne sauraient peser sur la validité du contrat, dès lors qu'il n'y aurait aucun impact direct entre celles-ci et le choix du délégataire et que la disparition de la convention en cause affecterait la continuité du service public ;

Vu enregistré le 14 novembre 2013 le mémoire en réplique de la Semerap qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu, enregistré le 18 décembre 2013, le mémoire présenté par la société Lyonnaise des eaux et qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Semerap à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article l 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'il s'agit d'une offre de services et qu'il ne s'agit pas d'une vente à perte ; que l'interdiction de la vente à perte n'est pas applicable aux délégations de service public ; qu'elle présente un résultat brut de 3310 euros ; que la prévision de traiter 800 m3 de matière de vidange n'est pas irréaliste ; que la charge polluante issue des eaux usées est loin d'atteindre la capacité maximale de traitement de l'ouvrage ; que le dépotage de matières de vidange permet donc d'optimiser le fonctionnement de la station d'épuration ; que les effluents des habitants du quartier des Viziers ne sont pas les abonnés/ usagers visés par le volume de 160 000 m3 de même que les effluents non domestiques - les lixiviats - du Sictom des Combrailles ; que l'offre retenue, contenant un investissement non programmé de 4802 euros annuels supérieur à celui de la Semerap, prouve qu'il ne s'agit pas d'une offre anormalement basse ; que le prix du m3 du traitement des matières de vidange était fixé par la commune ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2014 pour la société Semerap qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens;

Vu le mémoire enregistré le 28 avril 2014 pour la commune de Saint Eloy les Mines non communiqué ;

Vu le mémoire enregistré le 20 mai 2014 pour la société Semerap non communiqué ;

Vu la décision du 16 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 5 mai 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2014 :

- le rapport de M. Gazagnes, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint Eloy les Mines ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 4 juin 2014, présentée pour la société Lyonnaise des Eaux ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 4 juin 2014, présentée pour la commune de Saint Eloy les Mines ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 5 juin 2014, présentée pour la société Semerap ;

1. Considérant que, par jugement en date du 28 mars 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de la Semerap tendant à l'annulation de la convention de délégation de service public d'assainissement signée par la commune de Saint Eloy les Mines et la Société Lyonnaise des Eaux en date du 11 juin 2012 ; que la Semerap relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ;

3. Considérant que la commune de Saint Eloy des Mines a lancé, par avis d'appel public à la concurrence publiés en juillet 2012, une procédure de dévolution d'une délégation de service public, ayant pour objet la gestion de l'assainissement collectif et non collectif pour une durée de douze ans ; que l'appel d'offres mentionnait que les candidats admis à déposer une offre seraient sélectionnés notamment sur leur capacité à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public ; que quatre sociétés, dont la société Semerap et la société Lyonnaise des eaux, ont été admises à présenter une offre puis à négocier ; que, dans le dernier état de son offre, la société Lyonnaise des eaux a présenté un compte d'exploitation mentionnant un total de charges de 178 465 euros HT, un total de recettes de 181 715 euros HT et un résultat bénéficiaire de 3 310 euros HT ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'équilibre de ce compte a été obtenu en tenant compte à tort, d'une recette d'exploitation de 11 275 euros correspondant au traitement d'effluents de deux autres collectivités, alors que les volumes correspondants devaient rester inclus dans l'assiette de facturation des eaux usées fixée globalement à 160 000 m³ dans le cadre de réponse fournis aux candidats dans le dossier ; que, par suite, la société Semerap est fondée à soutenir que l'offre de la société Lyonnaise des eaux était, pour ce motif, structurellement et manifestement déficitaire ; que ni la commune de Saint Eloy des Mines ni la société attributaire ne soutiennent ni même n'allèguent que les résultats de l'exploitation étaient amenés à s'équilibrer en cours de convention ; que, par suite, la société Semerap est fondée à soutenir que la commune de Saint Eloy des Mines a commis une erreur manifeste d'appréciation en choisissant la société Lyonnaise des Eaux comme délégataire ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Semerap est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

5. Considérant qu'il appartient au juge du contrat saisi par le candidat évincé, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient ainsi, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits du cocontractant, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

6. Considérant que le vice qui affecte le choix du délégataire a faussé les résultats de la consultation sans qu'il soit possible d'y remédier autrement qu'en annulant le contrat ; qu' il ne résulte pas de l'instruction que l'annulation de la convention du 11 juin 2012 porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants ; que, par contre, eu égard à la nécessité d'assurer la continuité du service public de distribution d'eau potable et aux délais de mise en oeuvre d'une procédure de choix d'un nouveau délégataire, il y a lieu de différer l'annulation au dernier jour du sixième mois suivant la notification du présent jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que la Semerap, qui n'est pas la partie perdante, ne peut être condamnée à verser à la commune de Saint Eloy les Mines et à la société Lyonnaise des Eaux, une somme quelconque en application de ces dispositions ; que la commune de Saint Eloy les Mines versera à la Semerap la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1201256 du Tribunal administratif de Clermont Ferrand en date du 28 mars 2013 est annulé.

Article 2 : Le contrat de délégation du service public d'assainissement de la commune de Saint Eloy les Mines signé le 11 juin 2012 avec la société Lyonnaise des eaux est annulé. Cette annulation prendra effet le dernier jour du sixième mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Saint Eloy les Mines versera à la société Semerap une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Semerap, à la commune de Saint- Eloy les Mines et à la société Lyonnaise des Eaux et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy de Dôme.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2014, où siégeaient :

- M. Wyss, président,

- M. Gazagnes, président assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 12 juin 2014.

''

''

''

''

2

N° 13LY01340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01340
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCP COLLET-DE ROCQUIGNY CHANTELOT-ROMENVILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-12;13ly01340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award