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09/01/2014 | FRANCE | N°13LY00130

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2014, 13LY00130


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C...B..., épouseD..., domiciliée... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206374 du 12 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'a

rrêté du 28 août 2012 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour portan...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C...B..., épouseD..., domiciliée... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206374 du 12 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2012 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation d'occuper un emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme D...soutient :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour :

- que, par les pièces qu'elle produit, elle établit sa résidence effective en France depuis son entrée régulière sur le territoire français le 12 octobre 2012 ; que le préfet a entaché son refus d'une erreur de fait et que le Tribunal a entaché son jugement d'une dénaturation des pièces ;

- que les conditions du regroupement familial sont remplies ; que seuls ses deux parents sont demeurés en Turquie ; que son frère, son époux ainsi que ses beaux-parents sont titulaires d'une carte de résident valable dix ans ; que sa belle-soeur et ses neveux sont de nationalité française ; que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouvent en France ; qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :

- que le refus attaqué viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- qu'en s'estimant tenu de lui refuser un titre de séjour au seul motif qu'elle relevait de la procédure du regroupement familial, le préfet a méconnu le caractère subsidiaire de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la règle de l'examen particulier, l'étendue de ses pouvoirs d'appréciation, ce qui entache sa décision d'une erreur de droit ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- que cette décision est insuffisamment motivée ;

- qu'elle est entachée d'illégalité compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ; qu'au regard des mêmes moyens que ceux soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée ;

- que le préfet s'est cru tenu d'assortir son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, alors que conjointe depuis neuf ans d'un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2015 et mère de deux enfants nés et scolarisés en France, elle établit la réalité et l'intensité de sa vie privée et familiale en France et son insertion dans la société française ; qu'elle doit être regardée comme justifiant de circonstances exceptionnelles et de garanties de représentation ;

- que cette décision est entachée d'erreur de droit et méconnaît tant les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celle de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

- que cette décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 et des stipulations de l'article 7 de la directive " retour " alors qu'elle justifie de circonstances propres rendant nécessaire une prolongation du délai de départ volontaire de trente jours accordé ;

- que la stabilité de ses liens matrimoniaux, la réalité de son insertion dans la société française, la scolarisation de leurs enfants dont elle assure la garde eu égard à l'activité professionnelle de son époux qui réside en France depuis plus de trente années à la date de la mesure attaquée justifient qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui fût accordé ;

- qu'en faisant une application automatique des dispositions de l'article L. 511-1 I et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision fixant le délai de départ volontaire d'un défaut d'examen particulier de sa situation et donc d'une erreur de droit ; que le préfet a omis d'exercer son pouvoir d'appréciation et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

- que cette décision est entachée d'erreur de droit, en l'absence d'examen particulier des circonstances propres au cas d'espèce ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale et est entachée d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2013 présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2013 par télécopie et régularisé le 31 mai 2013, présenté pour Mme D..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre qu'en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'autorité administrative en l'absence de dispositions expresses s'y opposant peut prendre à titre exceptionnel et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir une mesure gracieuse favorable à l'intéressé justifiée par la situation particulière dans laquelle le demandeur établirait se trouver ; que l'autorité compétente qui possède un pouvoir de régularisation en matière de délivrance de titre de séjour, ne peut se contenter de constater que l'étranger ne remplit pas les conditions posées par la réglementation sans commettre une erreur de droit pour méconnaissance de l'étendue de ses compétences ;

Vu l'ordonnance en date du 5 juin 2013 fixant la clôture de l'instruction au 21 juin 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire enregistré le 7 juin 2013, présenté pour Mme D..., qui persiste dans ses écritures ;

Elle fait valoir, en outre, que la demande déposée le 6 juin 2012 par son conjoint tendant à son admission au séjour à titre dérogatoire dans le cadre de la procédure du regroupement familial a fait l'objet d'un refus d'instruction par les services de l'OFII au motif qu'elle était déjà présente sur le territoire français alors qu'il n'est pas contesté que sa vie familiale est caractérisée par une installation durable en France ;

Vu les pièces produites le 11 juillet 2013 et le mémoire enregistré le 26 septembre 2013, présentés pour Mme D... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Terrade, rapporteur,

- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public,

- et les observations de Me Meziane, avocat de la requérante ;

1. Considérant que MmeD..., ressortissante turque née le 10 octobre 1985, relève appel du jugement du 12 décembre 2012 du Tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour rejeter, par l'arrêté litigieux du 28 août 2012, la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " présentée le 14 juin 2012 sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par Mme D..., le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée, qui déclare être entrée pour la dernière fois en France en octobre 2007 sous couvert d'un visa de court séjour valable six jours délivré par les autorités Tchèques en Turquie, ne justifiait pas d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis cette date ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

4. Considérant que MmeD..., entrée pour la première fois en France en 2005, s'est mariée le 22 décembre 2003 avec un compatriote, M. D..., présent en France depuis l'âge de quatre ans et titulaire d'une carte de résident en cours de validité, avec lequel elle a eu deux enfants nés en France les 27 mars 2005 et 1er janvier 2010 ; que la requérante fait valoir que son mari bénéficie d'un contrat à durée indéterminée en qualité de maître d'oeuvre depuis le 1er août 2012 et que son frère, marié avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, ainsi que ses beaux-parents et son beau-frère sont en France en situation régulière, et que sa belle-soeur et ses deux neveux sont de nationalité française ; que dans ces conditions, et alors même que l'intéressée entre dans la catégorie des étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel cette obligation sera exécutée d'office à l'expiration de ce délai porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2012 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, par application de ces dispositions, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à Mme D...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation d'occuper un emploi dans un délai de quinze jours ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 12 décembre 2012 et l'arrêté en date du 28 août 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Le préfet du Rhône délivrera un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, et dans l'attente, lui délivrera une autorisation provisoire de séjour avec autorisation d'occuper un emploi dans un délai de quinze jours.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C...B..., épouseD..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône. Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. A...et Mme Terrade, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.

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N° 13LY00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00130
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : MEZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-09;13ly00130 ?
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