Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, présentée pour la société Henkel Technologies France dont le siège social est 161 rue de Silly à Boulogne-Billancourt (91200) ;
La société Henkel Technologies France demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200399 du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 22 décembre 2011, par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a retiré sa décision rejetant tacitement son recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail refusant de l'autoriser à licencier M. A...et lui a accordé l'autorisation de licencier ce salarié ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que contrairement à ce que soutenait M.A..., la décision par laquelle le ministre a retiré sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique qu'elle a formé contre la décision de l'inspecteur du travail, intervenue dans le délai de recours contentieux et prise pour un motif tiré de son illégalité, n'est entachée d'aucune illégalité ;
- que la décision du ministre n'est entachée d'aucune illégalité en ce qu'elle mentionne que M. A...était ancien délégué syndical dès lors que son recours hiérarchique mentionnait que l'intéressé était titulaire du mandat de délégué syndical ;
- que sa demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique dont l'existence ne peut pas être remise en cause ;
- qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement ;
- qu'il n'existe aucun lien entre les mandats dont M. A...était titulaire et la demande d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet, qui repose sur un motif économique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 23 avril et 22 mai 2013, présentés pour M. B... A... qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Henkel Technologies France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la décision par laquelle le ministre a retiré sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique est entachée d'illégalité dès lors que la décision de l'inspecteur du travail n'est pas illégale ;
- que la décision du ministre du travail est entachée d'une erreur en ce qu'elle mentionne qu'il était ancien délégué syndical, alors qu'il était encore titulaire de ce mandat ;
- que la demande d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet n'est pas justifiée par un motif économique, mais résulte du choix stratégique du groupe dont fait partie la société Henkel Technologies France ;
- que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
- qu'il existe un lien entre les mandats dont il est titulaire et la demande d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui conclut à l'annulation du jugement n° 1200399 du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 22 décembre 2011 et au rejet de la demande de M. A...;
Il soutient :
- que M. A...n'était plus titulaire du mandat de délégué syndical à la date de sa décision ;
- qu'en raison de l'illégalité dont était entachée la décision de l'inspecteur du travail, le retrait de sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique n'est entaché d'aucune illégalité ;
- que la réalité du motif économique est avérée dès lors que, pour sauvegarder sa compétitivité, la société avait décidé la fermeture du site, effective depuis le 1er avril 2011 ;
- que la société Henkel Technologies France a satisfait à son obligation de reclassement dès lors que les propositions de postes qu'elle a faites étaient sérieuses ;
- qu'il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement dont M. A... a fait l'objet et les mandats dont il était titulaire ;
Vu l'ordonnance du 9 septembre 2013 fixant au 4 octobre 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2013, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
1. Considérant que par décision du 23 mai 2011, l'inspecteur du travail a refusé à la société Henkel Technologies France l'autorisation de licencier pour motif économique M. A... élu et représentant syndical au comité d'établissement de Cosne-sur-Loire, élu au comité central d'entreprise, délégué du personnel et délégué syndical ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, le 22 décembre 2011, retiré sa décision rejetant tacitement ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licencier ce salarié ; que la société Henkel Technologies France fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du ministre ;
2. Considérant que les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions qu'il exerce normalement, ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif à caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié ; que dans le cas où la demande est présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles qui ont leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Henkel Technologies France, spécialisée dans l'assemblage et le traitement de surface, appartient à la branche " technologies industrielles " du groupe Henkel ; qu'elle comporte un site de production à Villefranche-sur-Saône, un centre de distribution à Verneuil, un bureau commercial à Toulouse, un site administratif et commercial à Serris, ainsi que deux laboratoires à Cosne-sur-Loire auxquels le poste de travail de M. A...est rattaché ; qu'elle a mis en oeuvre un plan social en 2007 puis a fermé en 2009 le site de production de Cosne-sur-Loire et certains laboratoires de chimie qui y étaient associés ; qu'à l'appui de sa demande tendant à être autorisée à licencier M.A..., la société Henkel Technologies France a produit un document intitulé " Projet de transfert des activités de gestion support technique clients MPT et du laboratoire d'analyse du site de Cosne-sur-Loire " du 3 septembre 2010 ; que ce document, qui expose les raisons ayant présidé à la fermeture de ces laboratoires, précise que les activités pour la branche automobile (AT), dont les marges brutes sont très faibles, doivent être développées en " low cost ", alors que les activités de la branche technologie industrielle générale (AG), dont les marges sont élevées, peuvent être traitées par des services locaux et que les activités du laboratoire analytique, considérées comme non stratégiques, peuvent être sous-traitées ; que ce même document ajoute que, si la branche technologie industrielle pour la France connaît une baisse du chiffre d'affaires en 2009 par rapport à l'année 2008, contribuant à une baisse importante de la marge pour l'ensemble des activités de Henkel France, les résultats économiques devraient être positifs en 2010 et se redresser, notamment pour la branche AT ; qu'aucun des éléments de nature économique dont fait état ce document, ni aucune autre pièce du dossier, ne permet d'établir que la fermeture des laboratoires situés à Cosne-sur-Loire répondait à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la branche d'activité " technologie industrielle " au niveau du groupe Henkel ; que, par suite, la société requérante n'établit pas la réalité, à la date de la décision en litige, d'un motif économique propre à justifier le licenciement de M. A...;
4. Considérant, enfin, que la circonstance que l'inspecteur du travail a pu précédemment autoriser la société requérante à licencier pour motif économique d'autres salariés reste, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Henkel Technologies France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Henkel Technologie France le paiement à M.A..., au titre de ces dispositions, d'une somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Henkel Technologies France est rejetée.
Article 2 : La société Henkel Technologies France versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Henkel Technologies France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.
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N° 13LY00433 2