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18/07/2013 | FRANCE | N°12LY02343

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 juillet 2013, 12LY02343


Vu le recours, enregistré le 31 août 2012,présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1100950 en date du 29 juin 2012 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a condamné l'Etat à indemniser M. C... A...dans la limite de 105 057,50 euros et à verser à l'intéressé la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il exclut dans ses motifs la préparation d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'exi

stence alors qu'il fait droit à la demande du requérant pour la totalité de...

Vu le recours, enregistré le 31 août 2012,présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1100950 en date du 29 juin 2012 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a condamné l'Etat à indemniser M. C... A...dans la limite de 105 057,50 euros et à verser à l'intéressé la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il exclut dans ses motifs la préparation d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence alors qu'il fait droit à la demande du requérant pour la totalité de la somme demandée ; la requête étant imprécise, elle devait être rejetée comme irrecevable ; les moyens en défense produits devant le Tribunal sont repris en appel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2012, présenté pour M. C...A..., qui conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de sa demande, à la condamnation de l'Etat à lui verser 95 057,50 euros au titre du préjudice financier et 10 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi que 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est sommaire et étant insuffisamment motivée est irrecevable ; la requête est irrecevable faute pour le signataire d'avoir une délégation du ministre ;

- la somme de 105 057,50 euros est une somme maximale ; son préjudice doit être calculé sur une base de 25 euros nets de l'heure tel qu'il a été évalué dans sa demande ; le chiffrage du préjudice était précis ;

- la requête d'appel ne précise pas les moyens de première instance que le ministre reprend en appel ;

- le jugement s'est basé sur le décret n° 2000-194 inapplicable en l'espèce ;

- il convient de calculer le préjudice sur la base du montant moyen de sa rémunération soit 25 euros par heure pour 3802,3 heures ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence sont établis du fait de la mauvaise volonté de l'administration à reconnaître sa faute et sa responsabilité obligeant à ce qu'il engage un recours juridictionnel ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2012, présenté pour le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que le signataire du recours disposait d'une délégation de signature ; le taux horaire à retenir serait celui du décret n° 2000-194 en absence de texte applicable ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour M. C...A...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'il n'est pas possible de retenir le taux horaire de 11,79 euros proposé par le ministre qui est proche du SMIC ; sa rémunération était bien supérieure ; l'absence de texte applicable résulte de l'inertie de l'administration ; le principe de la réparation intégrale du préjudice justifie une indemnisation à hauteur de sa rémunération ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mai 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre à titre principal que le préjudice financier n'est pas établi ; qu'à titre subsidiaire, la prescription quadriennale est opposable puisque la prescription était acquise au 1er janvier 1999 ; que le délai de prescription n'a pas été interrompu ; que le montant du préjudice moral demandé est trop élevé alors que rien n'indique qu'un tel préjudice ait été subi ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2013, présenté pour M. C...A...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que la délégation de signature du 26 septembre 2013 ne portait que sur des recours pour des contentieux financiers d'un montant inférieur à 40 000 euros ; que le taux moyen proposé est justifié par sa rémunération et par le travail effectué au lieu des repos compensateurs auxquels il avait droit ; que l'absence d'indemnisation constituerait un enrichissement sans cause de l'Etat ; qu'à titre subsidiaire, il demande 105 057,50 euros en réparation du préjudice moral causé ; qu'en absence de notification individuelle de la décision du 6 décembre 1994, la prescription ne pouvait courir ; qu'en tout état de cause, la prescription ne pouvait courir qu'à compter du 12 décembre 2008 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2013, présentée pour M.A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour le ministre de l'intérieur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu l'arrêté du 19 août 1997 portant règlement intérieur applicable aux personnels navigants du groupement d'hélicoptères ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lemaire , avocat de M. A...;

1. Considérant que M. C...A..., a exercé les fonctions de mécanicien sauveteur secouriste auprès de la direction de la sécurité civile sur la base de Clermont-Ferrand jusqu'au 24 juillet 2003 ; que par un courrier du 7 octobre 2009, il a demandé l'indemnisation des 487,59 jours de repos compensateurs accumulés antérieurement au 6 décembre 1994 illégalement annulés par l'arrêté du même jour du ministre de l'intérieur ; que, par lettre du 21 décembre 2009, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a répondu au requérant qu'" en l'absence de textes prévoyant une telle indemnité, une étude est en cours (...) afin de déterminer selon quelles modalités et sur quel fondement juridique il convient de procéder à cette indemnisation. " ; que M. A...a contesté la légalité de cette décision et demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'État à lui verser la somme de 105 057,50 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête ; que le ministre de l'intérieur fait appel du jugement n° 1100950 en date du 29 juin 2012 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a notamment condamné l'Etat à indemniser M. C...A...dans la limite de 105 057,50 euros ;

2. Considérant que le recours du ministre contient l'exposé des faits et moyens et l'énoncé des conclusions soumises au juge conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte de l'instruction que le recours est signé de M. B... D..., chef de bureau, ayant reçu régulièrement délégation pour former un tel recours ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par M. A...ne peuvent être accueillies ;

3. Considérant qu'un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif ; que, dès lors, M. A...pouvait, après avoir sollicité l'indemnisation des jours de repos compensateur non pris avant son départ à la retraite, chiffrer devant le juge de première instance le préjudice matériel et moral dont il estimait être victime ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à la demande de M. A...par le ministre ne peut être accueillie ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu l'indemnisation des jours de repos compensateurs non pris ; que par suite M. A...n'est pas fondé à en demander le paiement ;

5. Considérant que l'administration en annulant illégalement les jours de repos compensateur accumulés par le requérant au 6 décembre 1994 a commis une faute engageant sa responsabilité ;

6. Considérant, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance " ; qu'il en résulte que le délai de prescription ne court pas à l'encontre d'une victime qui n'est pas en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de la personne publique ; que le requérant n'a eu connaissance du fait générateur des préjudices subis qu'au 12 décembre 2008, date de la décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a considéré que l'arrêté ministériel susmentionné du 6 décembre 1994 était illégal ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre doit être écartée ;

7. Considérant que si M. A...invoque un préjudice financier correspondant à la valorisation des jours accumulés sur la base de son traitement mensuel lors de l'année 2008, l'absence de possibilité de prendre ces jours avant son départ effectif en retraite n'a pas donné lieu à une perte de revenu ; que par suite, le requérant n'établit pas le préjudice financier invoqué ;

8. Considérant que si M. A...invoque un préjudice moral qu'il évalue à 10 000 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 5 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...A...et le ministre de l'intérieur sont fondés à se plaindre que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a renvoyé à l'administration le soin de déterminer le montant des indemnités qui lui sont dues au titre de ses repos compensateurs dans la limite de 105 057,50 euros ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. C...A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1100950 du 29 juin 2012 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L'Etat versera 5 000 euros à M. C...A....

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02343
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL HUGLO LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-18;12ly02343 ?
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