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27/06/2013 | FRANCE | N°11LY00608

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 11LY00608


Vu le recours, enregistré le 23 février 2011 au greffe de la Cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0800464, n° 0900619 et n° 0900620 du 19 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a déchargé M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004 ;

2°) de rétablir M.C..., en droits et pénalit

és, aux rôles desdites cotisations, pour un montant total de 1 996 euros ;

Le mi...

Vu le recours, enregistré le 23 février 2011 au greffe de la Cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0800464, n° 0900619 et n° 0900620 du 19 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a déchargé M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004 ;

2°) de rétablir M.C..., en droits et pénalités, aux rôles desdites cotisations, pour un montant total de 1 996 euros ;

Le ministre soutient :

- en ce qui concerne l'année 2003 : que M.C..., qui a opté pour la déduction de ses frais réels, ne peut en application des dispositions de l'article 83 du code général des impôts, bénéficier des déductions forfaitaires cumulées de 14 % et de 5 % sur ses rémunérations car il ne justifie pas de frais à hauteur de ce montant ; que M. C...ne peut être regardé comme ayant exercé ses fonctions dans des conditions analogues à celles d'un musicien professionnel et, par suite, comme entrant dans les prévisions de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 ; que c'est en conséquence à tort que le tribunal administratif a déchargé M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti à raison de la remise en cause des déductions pour frais professionnels de 14 % et de 5 % appliquées aux rémunérations perçues par M. C...du 1er juillet au 31 décembre 2003 en sa qualité de professeur de musique ;

- en ce qui concerne l'année 2004 : que l'administration n'a pas effectué de rehaussement relatif aux déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % car M. C...n'a appliqué ces déductions que sur les seuls revenus tirés de son activité artistique ; que le Tribunal administratif ne pouvait sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu assignés à M. C...pour 2004 en se fondant sur une inexacte application des déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % dès lors que ces dernières n'ont pas fait l'objet d'un redressement au titre de cette même année ; que M. C... n'était pas fondé à invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales le bénéfice de l'instruction 5 F-1-99 car il n'a fait l'objet d'aucun redressement au titre de l'année 2004 relatif à l'application de ces déductions ; que M. C...n'a fait valoir aucun moyen en première instance tendant à contester les redressements relatifs à des frais réels non justifiés et à des dépenses pour travaux non déductibles qui lui ont été notifiés au titre de l'année 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour M. C...; il conclut au rejet du recours du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'ainsi qu'en a jugé le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 316083 du 7 avril 2010, il ressort des termes mêmes de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 qu'il convient de pratiquer l'abattement sur la totalité de la rémunération perçue par l'artiste musicien, y compris les rémunérations qu'il a perçues au titre de son activité d'enseignement artistique et ce alors même que ces revenus présenteraient un caractère prépondérant ; qu'il ne conteste pas la remise en cause de dépenses de travaux considérées comme non déductibles par l'administration ; qu'il conteste le fait que, dans la proposition de rectification du 5 avril 2006, l'administration a réduit le montant des frais réels déduits au titre de l'année 2004 en considérant que les déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % ne pouvaient être appliquées que sur les rémunérations tirées de sa seule activité artistique ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 décembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son recours et soutient, en outre, en ce qui concerne l'année 2003, que la réponse ministérielle A...du 11 novembre 2002 est opposable au contribuable dès lors qu'elle a fait l'objet d'une publication au journal officiel avant la date du fait générateur de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2003 ; il fait valoir, en ce qui concerne l'année 2004, que l'administration n'a en aucun cas remis en cause les déductions de 14 % et de 5 % opérées par M. C...sur les revenus provenant de sa seule activité artistique ; qu'au surplus, ce dernier ne peut être regardé comme ayant exercé ses fonctions dans des conditions analogues à celles d'un musicien professionnel au titre de 2004 ;

Vu l'ordonnance en date du 26 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 13 mai 2013 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2013 :

- le rapport de Mme Mear, présidente ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C...E..., parallèlement à ses fonctions d'enseignant de musique, notamment au conservatoire de musique de Dijon, une activité d'artiste musicien ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de ses déclarations d'impôt sur le revenu, il a fait l'objet de rectifications au titre de la période du 1er juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004 ; qu'il a opté, au titre de l'année 2003, pour la déduction de ses frais professionnels réels et a déduit de l'ensemble de ses rémunérations imposables dans la catégorie des traitements et salaires, les déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % prévues par l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 ; que l'administration a remis en cause, au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003, une partie de ces déductions en estimant qu'elles ne pouvaient s'appliquer qu'aux seules rémunérations perçues en qualité d'artiste musicien au motif que M. C...exerçait, à titre principal, une activité d'enseignant ; qu'au titre de l'année 2004, l'administration a procédé à la réintégration de frais réels de transport non justifiés et de dépenses de travaux d'installation d'un chauffage central non déductibles ; que, par jugement n° 0800464, n° 0900619 et n° 0900620 du 19 octobre 2010, le Tribunal administratif de Dijon a déchargé M. D... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet 2003 au 31 décembre 2003 et de l'année 2004 ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relève appel de ce jugement ;

En ce qui concerne l'année 2003 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi ; qu'elles instituent, en revanche, un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit ;

3. Considérant que ces dispositions ne permettent de se prévaloir d'une interprétation de la loi fiscale que dans son dernier état formellement accepté par l'administration à la date du fait générateur de l'imposition en litige ; qu'un redevable n'est donc pas fondé à se prévaloir de l'interprétation initialement admise par l'administration dans un premier acte lorsque cette interprétation a été complétée ou modifiée par un deuxième acte, et ce nonobstant l'annulation ultérieure de ce second acte ; qu'il a également la faculté d'opposer à l'administration l'interprétation formellement admise dans un acte, quand bien même un autre acte, exprimant la même interprétation a été annulé pour excès de pouvoir ;

4. Considérant qu'à la date du fait générateur de l'imposition litigieuse, soit au 31 décembre 2003, l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 avait été rapportée sur certains points, d'une part, par la réponse ministérielle du 11 novembre 2002 à la question de M.A..., député, et, d'autre part, par l'instruction 5 F-16-03 du 22 octobre 2003 reprenant le contenu de cette réponse ministérielle ; que l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 ne pouvait donc plus être opposée à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à la date du 31 décembre 2003 s'agissant des modalités d'application des déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % aux professeurs de musique exerçant parallèlement à leur activité d'enseignement une activité d'artiste musicien pour laquelle ils sont spécifiquement rémunérés ; qu'à cette même date, l'interprétation formellement admise par l'administration, qui était ainsi seule invocable, résultait de la réponse ministérielle du 11 novembre 2002, dont les dispositions publiées étaient opposables, et de l'instruction 5 F-16-03 du 22 octobre 2003 et ce, nonobstant l'annulation de cette dernière instruction par l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 mars 2006, n° 262982, Syndicat national des enseignants et artistes ;

En ce qui concerne l'année 2004 :

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales qu'un redevable ne peut opposer à l'administration l'interprétation qu'elle a donnée d'un texte fiscal que pour contester le rehaussement d'une imposition antérieure ; qu'en l'absence de rehaussement d'imposition relatif aux modalités d'application des déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % applicables aux professeurs de musique exerçant parallèlement à leur activité d'enseignement une activité d'artiste musicien pour laquelle ils sont spécifiquement rémunérés, un redevable ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour se prévaloir d'une interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration et, dès lors, de l'instruction 5 F-1-99 ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à tort que pour décharger M. D...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004, le Tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur la doctrine administrative énoncée par l'instruction 5 F-1-99 ;

7. Considérant, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif et devant la Cour ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...) ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (...). " ; que M.C..., qui a opté pour la déduction de frais réels, ne justifie pas de frais d'un montant supérieur au montant retenu par l'administration ;

9. Considérant que M.C..., se borne à contester les modalités d'application des déductions forfaitaires de 14 % et de 5 % au titre de ses frais professionnels au titre de la période litigieuse ; qu'il ne conteste pas les autres rehaussements effectués par l'administration au titre de cette même période ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a déchargé M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004, et des pénalités y afférentes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et de rétablir l'intéressé dans les rôles desdites impositions au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. C...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0800464, n° 0900619 et n° 0900620 du Tribunal administratif de Dijon en date du 19 octobre 2010 est annulé.

Article 2 : M. C...est rétabli, en droits et pénalités, aux rôles des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 2 juillet au 31 décembre 2003 et de l'année 2004.

Article 3 : Les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 6 juin 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Mear, présidente,

M. Reynoird, premier conseiller,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013.

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N° 11LY00608


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-07-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères. Déductions pour frais professionnels. Frais réels.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : FISCALEX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 27/06/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY00608
Numéro NOR : CETATEXT000027812424 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-27;11ly00608 ?
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