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23/04/2013 | FRANCE | N°12LY02970

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 23 avril 2013, 12LY02970


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 décembre 2012 sous le n° 12LY2970, présentée pour la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, dont le siège est sis 20 avenue de la Paix à Strasbourg (67000), représentée par son dirigeant en exercice, par Me Guiheux ;

La société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1102106 du 4 octobre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés, en date du 13 juillet 2011, par lesquels le préfet de l'Yonne lui a refusé la d

livrance de permis de construire ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de faire in...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 décembre 2012 sous le n° 12LY2970, présentée pour la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, dont le siège est sis 20 avenue de la Paix à Strasbourg (67000), représentée par son dirigeant en exercice, par Me Guiheux ;

La société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1102106 du 4 octobre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés, en date du 13 juillet 2011, par lesquels le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance de permis de construire ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Yonne de statuer de nouveau sur ses demandes de permis de construire dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement, qui n'explique pas en quoi le projet serait susceptible de porter atteinte au paysage, est insuffisamment motivé ; que ses motifs sont entachés de contradictions, dès lors que, tout en reconnaissant que les éoliennes ne seront pas visibles depuis les lieux pittoresques d'Arcy-sur-Cure, ils énoncent que le projet porte atteinte au paysage formé par ce village et ses abords ; que, de même, le jugement relève une atteinte au site de Vézelay après avoir pourtant reconnu qu'il était situé à une distance de 16 kilomètres limitant l'impact visuel des éoliennes ; que la circonstance que de telles installations sont visibles dans un paysage de qualité ne suffit pas à justifier un refus de permis de construire ; que n'y suffit pas davantage le constat du caractère ouvert du paysage, lequel ne constitue pas un environnement figé, mais le fruit de l'histoire et de la main de l'homme ; qu'en l'espèce, même si le secteur est demeuré vierge de toute marque d'industrialisation, il ne forme nullement un ensemble paysager remarquable ; que le site d'implantation retenu se situe à l'écart de tout périmètre de protection et en dehors des zones de très forte sensibilité paysagère répertoriées par le guide départemental de l'éolien ; que la communauté de communes Entre Cure et Yonne a sollicité pour ces raisons, avec l'aval des communes d'Arcy-sur-Cure et de Précy-le-Sec, la création d'une zone de développement de l'éolien ; qu'en tout état de cause, l'impact des éoliennes sur ce paysage est limité ; que leur aspect contemporain n'est pas incompatible avec la préservation du patrimoine architectural ou paysager ; que le relief de la vallée de la Cure empêche une visibilité continue du parc éolien projeté, d'ailleurs situé en retrait du rebord du plateau, ce qui évite tout effet d'écrasement ; que l'effet des covisibilités avec les bourgs d'Arcy-sur-Cure et de Précy-le-Sec est atténué par la végétation ; que les éoliennes ne seront pas visibles de l'entrée de la grotte d'Arcy-sur-Cure ; que l'éloignement de la colline de Vézelay interdit de relever une atteinte à ce site ; que les éoliennes n'en seront d'ailleurs visibles que depuis le cimetière, situé à l'écart de l'itinéraire emprunté par les visiteurs ; que la situation est à cet égard la même qu'en ce qui concerne les parcs éoliens de Joux-la-Ville, qui ont été autorisés par le préfet de l'Yonne ; que le projet ne crée ni saturation visuelle ni effet de mitage, les parcs éoliens les plus proches étant situés à 15 et 25 kilomètres ;

Vu le jugement attaqué et les arrêtés contestés ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2013, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, concluant au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement attaqué est suffisamment motivé ; que si le site d'implantation des éoliennes projetées ne se situe pas en zone de niveau 1 (" très forte sensibilité "), selon le guide départemental de l'éolien, la zone d'étude de son impact paysager comprend quant à elle une zone de niveau 2 (" forte sensibilité ") et surtout deux sites de niveau 1, en l'occurrence la vallée de la Cure et la colline de Vézelay ; que le grand Vezelien fait l'objet d'un programme de restauration et de mise en valeur ; que les éoliennes, de grande hauteur et situées sur un plateau dominant ces sites, auront sur eux un impact significatif ; que les photomontages réalisés par la requérante minimisent cet impact ; que les effets stroboscopiques et l'éclairage clignotant de sécurité altéreront l'environnement naturel ; que l'existence d'une zone de développement de l'éolien est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés ; que le mitage du paysage résultant du cumul de parcs éoliens est avéré ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2013, présenté pour la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que le parc éolien sera peu perceptible depuis les abords du manoir de Chastenay et ne remettra pas en cause l'harmonie du paysage ; qu'il n'existera aucune visibilité entre cet ensemble et les éoliennes ; que l'étude d'impact est parfaitement complète ; que l'arrêté contesté n'est d'ailleurs pas motivé par sa prétendue insuffisance ; que le projet est sans incidence sur le site de la Côte Rocheuse et a un impact très limité sur la vallée de la Cure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2013 :

- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rochard, représentant le cabinet Volta avocats, avocat de la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy ;

1. Considérant que la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy relève appel du jugement, en date du 4 octobre 2012, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre deux arrêtés du préfet de l'Yonne du 13 juillet 2011 lui refusant la délivrance de permis de construire en vue de l'installation de huit éoliennes à Arcy-sur-Cure et de deux éoliennes à Précy-le-Sec ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des multiples photomontages contenus dans le volet paysager de l'étude d'impact réalisée par la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, dont l'administration ne démontre pas le caractère trompeur ou erroné, que les éoliennes projetées ne seraient pas visibles depuis l'entrée des grottes préhistoriques d'Arcy-sur-Cure, la chapelle Saint-Roch de Beugnon et la Côte Rocheuse de Saint-Moré, non plus qu'en même temps que ces sites ou monuments classés dont il est fait mention dans les arrêtés contestés ; que leur implantation en retrait par rapport au rebord du plateau qui domine la vallée de la Cure évite l'effet d'écrasement que pourrait provoquer leur hauteur importante, soit 150 mètres, et atténue ainsi l'impact visuel depuis le parc du manoir de Chastenay, monument classé situé dans cette vallée, à environ deux kilomètres, d'où n'en serait visible que la partie supérieure ; que les villages d'Arcy-sur-Cure et de Précy-le-Sec eux-mêmes, ainsi que leurs abords immédiats et ceux du parc éolien envisagé, quoique ayant conservé un aspect traditionnel et rural, ne présentent aucun caractère particulier auquel la construction de ce parc éolien serait susceptible de porter atteinte ; que, par ailleurs, si le préfet de l'Yonne a fondé ses décisions sur la nécessaire préservation des paysages emblématiques du site classé du Vézelien, et notamment de la colline de Vézelay, qui figure avec sa basilique romane sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité établie par l'organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), il ressort des pièces du dossier, y compris de celles produites par l'administration elle-même, que le parc éolien en cause, situé à 16 kilomètres de cette colline, serait à peine perceptible, de façon ponctuelle et partielle, depuis la basilique et les itinéraires fréquentés par les visiteurs, tandis qu'aucun autre secteur du Vézelien, dont le point le plus proche se situe à environ cinq kilomètres, ne serait sensiblement affecté par la présence des éoliennes ; qu'enfin, la circonstance que trois autres projets éoliens ont été autorisés à des distances variant de 13 à 25 kilomètres du secteur litigieux ne saurait par elle-même caractériser, compte tenu de l'importance de ces distances, un effet visuel de saturation ou une altération significative de la perception globale des " grands paysages du Morvan " ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet de l'Yonne, en se fondant sur de tels éléments pour rejeter les demandes de permis de construire de la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

4. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1, qu'aucun autre moyen n'est susceptible de justifier l'annulation des arrêtés contestés ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 octobre 2012 ainsi que des arrêtés du préfet de l'Yonne du 13 juillet 2011 lui refusant la délivrance de permis de construire ;

Sur les conclusions en injonction :

6. Considérant que l'annulation des arrêtés contestés implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de l'Yonne réexamine les demandes de permis de construire dont cette société l'a saisi ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'en reprendre l'instruction et d'y statuer par de nouvelles décisions dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1102106 du 4 octobre 2012 et les arrêtés du préfet de l'Yonne du 13 juillet 2011 refusant d'accorder des permis de construire à la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au préfet de l'Yonne de réexaminer les demandes de permis de construire de la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy et d'y statuer dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne d'Arcy-Précy, au ministre de l'égalité des territoires et du logement, à l'association de Défense des Sites des Vallées de l'Yonne et de la Cure et au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2013, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 23 avril 2013.

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N° 12LY02970

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02970
Date de la décision : 23/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-23;12ly02970 ?
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