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10/01/2013 | FRANCE | N°12LY00796

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2013, 12LY00796


Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2012, présentée pour M. A...C...domicilié..., complétée par un mémoire enregistré le 11 juin 2012 ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0905054 du 3 février 2012, en tant qu'il a limité à 3 730 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers à lui verser en réparation de la faute commise lors des soins qu'il a reçus dans cet établissement en mai 2006 ;

2°) à titre principal, d'ordonner une expertise à fin d'évaluer ses pr

éjudices et de lui allouer une provision de 4 000 euros et, à titre subsidiaire, de condam...

Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2012, présentée pour M. A...C...domicilié..., complétée par un mémoire enregistré le 11 juin 2012 ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0905054 du 3 février 2012, en tant qu'il a limité à 3 730 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers à lui verser en réparation de la faute commise lors des soins qu'il a reçus dans cet établissement en mai 2006 ;

2°) à titre principal, d'ordonner une expertise à fin d'évaluer ses préjudices et de lui allouer une provision de 4 000 euros et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser les sommes de 4 500 euros et 1 750 euros en réparation, respectivement, des souffrances endurées et de son préjudice esthétique permanent ;

3°) de lui donner acte de ses réserves pour le cas où son état viendrait à s'aggraver ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de la SHAM les dépens et une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- qu'une nouvelle expertise doit être ordonnée, dans la mesure où le rapport de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) est incomplet, comporte des erreurs et ne se prononce pas sur l'ensemble des postes de préjudices, dont notamment l'incapacité permanente partielle ;

- que l'indemnité allouée par les premiers juges est insuffisante ; qu'il a droit notamment à 4 500 euros et 1 750 euros en réparation, respectivement, des souffrances endurées et de son préjudice esthétique permanent ;

- qu'il a droit à une provision de 4 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure du 20 juillet 2012, adressée au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 août 2012, présenté pour le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la requête, qui reprend la demande de M. C...devant le tribunal administratif, est irrecevable ;

- qu'en tant qu'elle est dirigée contre la SHAM, personne morale de droit privé, assureur de l'hôpital, la requête doit être rejetée comme portée devant un juge incompétent pour en connaître ;

- que l'expert désigné par la CRCI s'est parfaitement acquitté de sa mission et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à la désignation d'un nouvel expert ;

- que l'indemnisation sollicitée par le requérant au titre des souffrances endurées, évaluées à 3,5/7 par l'expert, est excessive, l'indemnité habituellement retenue étant de l'ordre de 3 600 euros ;

- que s'agissant de la réparation du préjudice esthétique, évalué à 1/ 7, la somme allouée par les premiers juges est adaptée ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 décembre 2012, présenté pour la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) qui conclut au rejet des conclusions de la requête tendant à sa condamnation ;

Elle soutient que le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de ces conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de M. Clot, président ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C..., de nationalité polonaise, a été victime en France, le 29 avril 2009, d'un accident du travail qui lui a causé une fracture du métacarpe du majeur de la main gauche ; qu'il s'est présenté le 2 mai 2006 au service des urgences du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers où a été également diagnostiquée une luxation de l'interphalangiennne entre P1 et P2, et où il a été immédiatement opéré ; que la fracture a été réduite, qu'une broche trans P1-P2 a été posée et qu'il a quitté l'hôpital le 3 mai 2006 ; que le 6 juin 2006 l'intéressé est rentré en Pologne, où une arthrodèse de l'articulation inter-phalangienne du majeur a été pratiquée le 5 septembre 2006 ; que l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes estime que la déformation ancienne du majeur gauche que présentait M. C... a été à tort interprétée comme une luxation, ce qui rendait inutile la mise en place d'une broche ; qu'en réparation des conséquences de cette erreur de diagnostic, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers à payer à M. C... une indemnité de 3 730 euros ; que celui-ci fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit aux conclusions de sa demande, qui était également dirigée contre la société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur du centre hospitalier ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers :

2. Considérant que la requête susvisée de M. C..., qui ne consiste pas en la seule reproduction littérale de sa demande devant le tribunal administratif, répond aux exigences qu'impose l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non recevoir que lui oppose le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers ne peut être accueillie ;

Sur l'exception d'incompétence opposée aux conclusions de M. C... dirigées contre la société hospitalière d'assurances mutuelles :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances : " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. (...) " ;

4. Considérant que les services d'assurances ont été soumis aux dispositions du code des marchés publics par l'article 1er du décret du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services, dont les dispositions figurent désormais sur ce point à l'article 29 de ce code ; que l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 dispose que : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs " ; que, par suite, le contrat d'assurance passé entre le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et la société hospitalière d'assurances mutuelles présente le caractère d'un contrat administratif ; que l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, qui poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance, relève de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et la société hospitalière d'assurances mutuelles, la juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions de M. C... tendant à leur condamnation solidaire ;

Sur les conclusions de M. C... tendant à ce que soit ordonnée une expertise :

5. Considérant que l'expert désigné par la CRCI de Rhône-Alpes à la demande de M. C... décrit l'état de celui-ci, les soins qu'il a reçus au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et les séquelles dont il reste atteint ; qu'il indique également qu'une erreur de diagnostic a été commise dans cet établissement, et qu'il donne son avis sur les conséquences qu'elle a comportées ; que l'expert estime que l'erreur de diagnostic commise a provoqué notamment une incapacité temporaire totale du 29 juin au 3 septembre 2006 et non dès le 2 mai 2006, date de l'opération, l'incapacité temporaire du 2 mai au 28 juin 2006 étant imputable non à l'erreur de diagnostic, mais à l'accident ; qu'ainsi, la réalisation d'une nouvelle expertise est dépourvue d'utilité pour la solution du litige ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, qu'en conséquence de l'accident du travail dont il a été victime le 29 avril 2009, M. C...souffrait d'une fracture du col du troisième métacarpien du majeur gauche ; qu'il présentait par ailleurs une déformation en flessum de ce doigt, résultant d'une blessure datant de 1979, qui a été interprétée à tort comme une luxation ; que cette erreur de diagnostic a entraîné la mise en place d'une broche, puis son ablation ultérieure, alors qu'un tel traitement était dépourvu de toute nécessité ; que cette faute engage la responsabilité solidaire du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de la société hospitalière d'assurances mutuelles ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que le choix d'un traitement orthopédique de la fracture a présenté un caractère fautif ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que M.C..., qui a reçu des soins en Pologne, justifie avoir exposé, du fait de la faute commise par le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers, des frais de traduction d'un montant de 530 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...a subi, du fait de la faute commise, une période de déficit fonctionnel temporaire du 29 juin au 3 septembre 2006, en réparation de laquelle une somme de 800 euros doit lui être allouée ; que son préjudice esthétique permanent et les souffrances physiques qu'il a endurées sont évalués par l'expert à, respectivement, 1 et 2,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des indemnités dues à ce titre en les fixant à, respectivement, 800 euros et 2 400 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander que l'indemnité que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers à lui payer soit portée à 4 530 euros, et que cette somme soit mise à la charge, solidairement, dudit centre hospitalier et de la société hospitalière d'assurances mutuelles ;

Sur les dépens :

10. Considérant que la contribution pour l'aide juridique acquittée par M. C... doit être mise à la charge, solidairement, du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de la société hospitalière d'assurances mutuelles ;

Sur les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidairement du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de la société hospitalière d'assurances mutuelles le paiement à M. C...d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 3 730 euros que le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers a été condamné à payer à M. C...par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 février 2012 est portée à 4 530 euros, sous déduction de toute somme versée à titre de provision, et mise à la charge, solidairement, dudit centre hospitalier et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par M. C... est mise à la charge, solidairement, du centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Article 4 : Le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et la société hospitalière d'assurances mutuelles solidairement verseront à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse d'assurances sociales de la division de Lublin.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. B...etD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

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N° 12LY00796

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00796
Date de la décision : 10/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : LIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-10;12ly00796 ?
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