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10/01/2013 | FRANCE | N°12LY00740

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2013, 12LY00740


Vu la requête enregistrée à la Cour le 19 mars 2012, présentée pour M. C...et Mme E...A..., agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de leur filleD..., domiciliés..., ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901443-0901444-0901445 du 20 janvier 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité le montant du préjudice de leur fille et leur propre préjudice à respectivement 9 000 euros et 1 000 euros chacun ;

2°) de faire droit à leur demande en mettant à la charge solidaire du centre hospitalier univ

ersitaire (CHU) de Grenoble et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (...

Vu la requête enregistrée à la Cour le 19 mars 2012, présentée pour M. C...et Mme E...A..., agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de leur filleD..., domiciliés..., ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901443-0901444-0901445 du 20 janvier 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité le montant du préjudice de leur fille et leur propre préjudice à respectivement 9 000 euros et 1 000 euros chacun ;

2°) de faire droit à leur demande en mettant à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) des indemnités portées respectivement à 33 500 euros pour leur fille D...et à 10 000 euros pour chacun des parents ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Grenoble et de la SHAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative des sommes de 3 000 euros et 3 000 euros respectivement en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille et à titre personnel, ainsi que les entiers dépens ;

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée du fait du sectionnement d'un doigt de leur enfant âgé de 4 mois en lui enlevant un pansement, de la nécrose et de l'amputation de la troisième phalange de ce doigt qui s'en sont suivies ;

- les souffrances endurées parD..., cotées par l'expert à 3/7, doivent être estimées à 10 000 euros ;

- le préjudice esthétique de l'enfant excède la cotation de 2/7 retenue par l'expert, justifiant une somme de 15 000 euros ;

- la durée d'incapacité temporaire partielle s'est prolongée jusqu'au 19 février 2008, date de consolidation, n'étant pas arrivée à son terme le 31 décembre 2006, d'autant que les problèmes de leur fille, en lien avec l'accident, se sont prolongés au-delà ;

- une somme de 4 000 euros est due à ce titre ;

- son déficit fonctionnel permanent justifie une indemnité de 8 500 euros ;

- une somme de 10 000 euros doit être versée à chacun de ses parents au titre des troubles exposés dans les conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 31 mai 2012, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère qui conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 619 euros lui soit versée à titre d'indemnité forfaitaire ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle expose que la responsabilité du CHU de Grenoble est engagée ;

Vu le courrier de la Cour en date du 10 juillet 2012 par lequel le président de la 6ème chambre, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, a mis le CHU de Grenoble et la SHAM en demeure de produire leurs observations ;

Vu le mémoire enregistré le 9 août 2012 présenté pour le CHU de Grenoble et la SHAM qui concluent à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné cette dernière ainsi qu'au rejet des conclusions de M. et Mme A...et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;

Ils exposent que :

- l'action directe engagée à l'encontre de la SHAM ne relève pas de la compétence du juge administratif ;

- il n'est pas démontré qu'au-delà des 3 mois retenus pas l'expert, les pertes de sommeil de l'enfant seraient liées à son état initial de telle sorte que l'indemnité de 4 000 euros accordée à ce titre n'est pas insuffisante ;

- les souffrances endurées n'ont pas été sous estimées ;

- la somme de 1 800 euros accordée au titre du préjudice esthétique n'apparait pas insuffisante ;

- il n'est pas démontré que le déménagement serait en lien avec l'accident ni que la somme de 1 000 euros à chacun des parents serait insuffisante ;

Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2012, présenté pour M. et MmeA..., qui concluent par les mêmes moyens aux mêmes fins que précédemment, soutenant en outre que :

- le juge administratif est compétent à l'égard de la SHAM ;

- la responsabilité du centre hospitalier n'est pas contestée ;

- les troubles du sommeil que leur fille a rencontrés au cours des deux années suivant son intervention sont en lien exclusif avec l'accident ;

- leur déménagement est en lien direct avec l'accident ;

Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2012 par laquelle, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la Cour a fixé au 12 octobre 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le décret n° 98-111 du 27 février 1998 ;

Vu l'arrêté du 3 décembre 2012 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de Monsieur Picard, premier conseiller ;

- et les conclusions de Monsieur Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un jugement en date du 20 janvier 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement le CHU de Grenoble ainsi que son assureur, la SHAM, à verser à M. et MmeA..., d'une part en leur qualité de représentants légaux de leur filleD..., une somme de 9 000 euros en réparation des préjudices personnels que cette dernière, alors âgée de 4 mois, a subis du fait de l'amputation accidentelle d'une partie d'un doigt lors de son hospitalisation à compter du 5 octobre 2006, d'autre part au titre du préjudice propre né des troubles auxquels cette situation les a exposés dans les conditions de leur existence, une indemnité de 1 000 euros chacun et par ailleurs à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère une somme de 1 857 euros en remboursement des débours encourus ; que M. et Mme A... ont relevé appel de ce jugement, jugeant que les sommes allouées sont insuffisantes et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a sollicité l'allocation d'une somme de 619 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ; qu'incidemment le CHU de Grenoble ainsi que la SHAM concluent à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions dirigées contre cette dernière, demandant pour le surplus le rejet de la requête ;

2. Considérant d'une part, qu'en application des dispositions combinées de l'article 1er du décret susvisé du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics, dont les dispositions figurent désormais sur ce point à l 'article 29 de ce code, et de l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 qui dispose que " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs " un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions du code des marchés publics en application de son article 2, notamment par un centre hospitalier universitaire, présente le caractère d'un contrat administratif ; que d'autre part si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'elle relève par suite de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; que dans ces conditions, compte tenu du caractère administratif du contrat d'assurance conclu entre le CHU de Grenoble et la SHAM, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le juge judiciaire aurait été saisi de ce litige avant la date d'entrée en vigueur de la loi susvisée du 11 décembre 2001, les conclusions présentées par M. et Mme A...contre la SHAM relèvent, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, de la compétence de la juridiction administrative ;

3. Considérant que du fait de l'amputation fautive dont elle a été victime, la jeune D...s'est trouvée en période d'incapacité temporaire totale entre les 6 et 7 octobre 2006, en période d'incapacité temporaire partielle au-delà de cette dernière date jusqu'au 19 février 2008, date de sa consolidation, l'expert ayant fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 3% ; que selon l'expert, cette faute a entraîné pour l'enfant des troubles du sommeil, justifiant une incapacité partielle au taux de 50% jusqu'au 31 décembre 2006 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, qu'au-delà cette date, la persistance de ces troubles aurait conservé un lien direct avec la faute initiale commise par l'établissement hospitalier ; que par ailleurs l'enfant a éprouvé des souffrances physiques et psychologiques et conservé un préjudice esthétique dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils doivent être fixés respectivement à 3 et à 2 sur une échelle de 7 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en accordant à ce titre aux parents de la jeuneD..., agissant pour son compte, une indemnité globale de 9 000 euros, le Tribunal se serait livré à une appréciation insuffisante de ses préjudices personnels ;

4. Considérant en revanche que si rien ne permet de dire que l'état de leur fille consécutif à la faute commise par le centre hospitalier aurait contraint les époux A...à déménager, il résulte de l'instruction que cette faute les a exposés à des troubles dans les conditions de leur existence dont il sera fait une juste appréciation en portant à 2 000 euros l'indemnité allouée à ce titre à chacun d'entre eux ; qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont seulement fondés à demander que l'indemnité que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a mise à la charge solidaire du CHU de Grenoble et de la SHAM en réparation de leurs préjudices propres soit portée à 2 000 euros chacun ; qu'il en résulte également que le CHU de Grenoble et la SHAM ne sont pas fondés à contester la condamnation prononcée par les premiers juges ;

6. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a droit à l'indemnité forfaitaire prévue par l'arrêté du 3 décembre 2012 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale qui, compte tenu du montant de l'indemnité de 1 857, 23 euros qu'elle a obtenue, doit être fixée à 619 euros ;

7. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge solidaire du CHU de Grenoble et de la SHAM la contribution pour l'aide juridique acquittée par M. et MmeA... ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHU de Grenoble et de la SHAM le paiement à M. et Mme A...de la somme de 1 500 euros qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 1 000 euros que, par l'article 2 du jugement du 20 janvier 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement le CHU de Grenoble et la SHAM à verser à chacun des épouxA..., est portée à 2 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 janvier 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHU de Grenoble et la SHAM sont condamnés solidairement à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère la somme de 619 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par M. et Mme A...est mise à la charge solidaire du CHU de Grenoble et de la SHAM.

Article 5 : Le CHU de Grenoble et la SHAM verseront solidairement à M. et Mme A...la somme de 1 500 euros qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeA..., au CHU de Grenoble, à la SHAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Picard et M. Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

Le rapporteur,

V.-M. PicardLe président,

Ph. Seillet

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 12LY00740

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00740
Date de la décision : 10/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-10;12ly00740 ?
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