La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/01/2013 | FRANCE | N°12LY01872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2013, 12LY01872


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2012, présentée pour le préfet du Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1202250 du 19 juin 2012 en tant qu'il a annulé sa décision du 5 mars 2012 désignant le pays à destination duquel M. Bashiya Clément A sera reconduit s'il n'obtempérait pas à la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français, qu'il lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et qu'il a mis à la charge de l'Etat le paiement à celui-ci de la somme de 1 000 e

uros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2012, présentée pour le préfet du Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1202250 du 19 juin 2012 en tant qu'il a annulé sa décision du 5 mars 2012 désignant le pays à destination duquel M. Bashiya Clément A sera reconduit s'il n'obtempérait pas à la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français, qu'il lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et qu'il a mis à la charge de l'Etat le paiement à celui-ci de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter les conclusions ci-dessus analysées de la demande de M. A devant le tribunal administratif ;

Il soutient que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé d'accorder le statut de réfugié à M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, faute pour lui de justifier des risques qu'il encourrait dans ce pays ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il a contesté en première instance l'authenticité des documents produits par l'intéressé, notamment la copie, dénuée de valeur probante, d'un avis de recherche ; que, dès lors, en décidant de renvoyer l'intéressé vers ce pays, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2012, présenté pour M. A, domicilié chez Forum Réfugiés, domiciliation n° 22151, BP 77412, à Lyon cedex 07 (69347), qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à Me Sabatier, avocat, d'une somme de 1 196 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle ;

Il soutient qu'en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il serait renvoyé s'il n'obtempérait pas à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il s'est estimé à tort, lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2012, présenté par le préfet du Rhône qui conclut aux mêmes fins que la requête par les même moyens ;

Il soutient en outre que les vérifications qu'il a effectuées confirment l'absence de valeur probante des pièces produites par M. A ;

Vu la décision du 30 octobre 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012, le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 14 août 2009 ; que le 5 mars 2012, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a décidé qu'il serait reconduit dans le pays dont il possède la nationalité ; que le préfet fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette dernière décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

3. Considérant que M. A a fait valoir devant le tribunal administratif qu'en raison de son activité professionnelle de photographe indépendant et de sa qualité de militant au sein du mouvement de l'Union pour la démocratie et le progrès social, il a été détenu de façon arbitraire et a été victime de violences en République démocratique du Congo ; qu'à l'appui de ses allégations, il produit la copie d'un avis de recherche émanant de la police nationale congolaise, du 22 août 2011, enjoignant de l'appréhender en raison de poursuites dont il fait l'objet pour atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat, et un jugement du Tribunal de grande instance de Kinshasa du 5 octobre 2011 le condamnant à quinze ans de travaux forcés ; que toutefois, ces deux documents, qui ne présentent aucune garantie d'authenticité, sont dépourvus de valeur probante ; que l'attestation du président de la section Rhône-Alpes de l'Union pour la démocratie et le progrès social du 3 février 2010 faisant état de l'activité de M. A au sein de cette organisation, ne permet pas de justifier de la réalité des risques personnels et actuels qu'il encourrait en cas de retour dans le pays dont il possède la nationalité ; qu'au demeurant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé d'accorder le statut de réfugié à M. A par des décisions des 31 décembre 2009, 18 mai 2011, 16 novembre 2011 et 25 avril 2012 ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance, par le préfet du Rhône, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; que, pour demander l'annulation de cette décision, l'intéressé se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions du 5 mars 2012 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme Denis, directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, signataire de la décision en litige, avait reçu délégation par arrêté du préfet du Rhône du 6 janvier 2012, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 12 janvier 2012, à l'effet de signer cette décision ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et liberté d'autrui " ;

7. Considérant que M. A soutient qu'il souffre de problèmes de santé, notamment d'hypertension artérielle, de douleurs articulaires cervicales et de troubles digestifs, nécessitant des soins et un suivi médical en France et que depuis son arrivée sur le territoire national, en 2009, il a tissé des liens durables ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement qui lui est nécessaire ne pourrait pas se poursuivre en République Démocratique du Congo ; que l'intéressé qui se trouvait en France depuis moins de trois ans à la date de la décision en litige, n'est pas dépourvu d'attache familiale dans ce pays, où résident son épouse, ses cinq enfants et sa soeur ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, que, comme il vient d'être dit, la décision refusant à M. A un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que selon le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour " ; que le refus de titre de séjour opposé à M. A le 5 mars 2012 est suffisamment motivé ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que M. A n'établit pas que, compte tenu de son état de santé, un défaut de prise en charge en France entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

11. Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour opposé à M. A, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 5 mars 2012 désignant le pays à destination duquel M. A pourra être reconduit et qu'il lui a enjoint de réexaminer sa situation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. A à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 19 juin 2012 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A dirigées contre la décision du préfet du Rhône du 5 mars 2012 fixant le pays de destination, à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bashiya Clément A et au ministre de l'intérieur. Il en sera adressé copie au préfet du Rhône et, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2013.

''

''

''

''

1

2

N° 12LY01872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01872
Date de la décision : 03/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Travail et emploi. Politiques de l'emploi. Indemnisation des travailleurs privés d'emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-03;12ly01872 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award