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18/12/2012 | FRANCE | N°12LY00986

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2012, 12LY00986


Vu la décision n° 340883 en date du 26 mars 2012 ainsi que les documents visés par celle-ci, enregistrés le 10 avril 2012 au greffe de la Cour sous le n° 12LY00986, par laquelle le Conseil d'Etat, à la requête de la société Casino Guichard Perrachon a, d'une part, annulé l'arrêt n° 08LY02891 du 15 avril 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé devant la Cour de céans le jugement de cette affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2008, présentée pour la société anonyme (SA) Casino Guichard Perrachon, dont le siège social es

t 1 esplanade de France à Saint-Etienne (42000) ;

La SA Casino Guichard P...

Vu la décision n° 340883 en date du 26 mars 2012 ainsi que les documents visés par celle-ci, enregistrés le 10 avril 2012 au greffe de la Cour sous le n° 12LY00986, par laquelle le Conseil d'Etat, à la requête de la société Casino Guichard Perrachon a, d'une part, annulé l'arrêt n° 08LY02891 du 15 avril 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé devant la Cour de céans le jugement de cette affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2008, présentée pour la société anonyme (SA) Casino Guichard Perrachon, dont le siège social est 1 esplanade de France à Saint-Etienne (42000) ;

La SA Casino Guichard Perrachon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601953, en date du 14 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle à cet impôt et de la contribution temporaire auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1998 ;

2°) de prononcer la décharge totale de ces impositions ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces impositions ;

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dans la mesure où la notification de redressement qui lui a été adressée est insuffisamment motivée en droit, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le tribunal administratif a fait une interprétation inexacte des articles 33 et 33 ter du code général des impôts ; la remise des immeubles à l'issue du bail à construction passé avec la société civile immobilière (SCI) Economiques Troyens Barberey doit être regardée comme correspondant à un complément de loyer imposable sur la base de la valeur vénale des immeubles ;

- l'instruction 5 D-2-07 du 23 mars 2004, paragraphe n° 31, et la jurisprudence confirment cette analyse ;

- l'article 33 ter du code général des impôts, qui prévoit une exonération du profit ainsi généré par la remise de l'immeuble, partielle ou totale selon la durée du bail, ne conditionne pas cette exonération par l'inscription au bilan de la construction ainsi reçue à son prix de revient ;

- le tribunal administratif a fait une appréciation inexacte de la notion de coût d'acquisition au sens de l'article 38 quinquies de l'annexe II au code général des impôts ; ce coût d'acquisition n'est pas le prix de revient chez le preneur ; l'administration n'établit pas qu'elle a procédé à une écriture irrégulière en inscrivant à l'actif la valeur vénale des immeubles ; c'est au contraire par une exacte application des règles comptables et fiscales qu'elle a procédé à cette inscription dans sa comptabilité ; cette inscription n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 38 du code général des impôts et le jugement ne précise d'ailleurs pas en quoi résiderait une telle incompatibilité ; elle ne saurait faire échec au bénéfice des dispositions fiscales plus favorables prévues à l'article 33 ter du code général des impôts ; la doctrine 4 G-3327, nos 4 à 7, du 25 mai 1998, et 4 A-213, n° 1, du 9 mars 2001, non invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, confirme cette analyse ;

- en tout état de cause, si erreur il y avait sur ce point, cette erreur ne serait pas délibérée et elle est en droit d'en demander la rectification ;

- le principe selon lequel le résultat imposable est déterminé d'après les résultats d'ensemble de l'entreprise doit s'effacer pour permettre l'application de l'article 33 ter du code général des impôts ;

- à titre subsidiaire, si les dispositions de l'article 33 ter n'étaient pas applicables, le supplément de loyer en cause aurait dû être imposé au titre de la période pendant laquelle le loyer avait couru ; le tribunal administratif ne pouvait pas invoquer à cet égard, sans se contredire, les dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de la SA Casino Guichard Perrachon ; il soutient que la notification de redressement est suffisamment motivée ; que les dispositions combinées des articles 33 ter du code général des impôts et 2 sexies de l'annexe III audit code impliquent que l'exonération d'imposition prévue ne peut porter que sur la base du prix de revient des immeubles ; que le tribunal administratif n'a donc commis aucune erreur d'interprétation en considérant que la société ne pouvait bénéficier que d'une exonération à hauteur, en base, du prix de revient des immeubles remis ; que la jurisprudence citée concerne des situations différentes ; que les dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts impliquent que les immobilisations sont comptabilisées à leur prix de revient ; que la remise des immeubles en fin de bail doit être regardée comme constitutive d'un supplément de loyer imposable au titre de l'année durant laquelle le bail s'est achevé ; qu'un étalement rétroactif de l'imposition n'est pas possible ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 mars 2010, présenté pour la SA Casino Guichard Perrachon, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, qualifié de " note en délibéré ", enregistré le 24 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mars 2010, présentée pour la SA Casino Guichard Perrachon ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2012, présenté pour la société Casino Guichard Perrachon, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient en outre que :

- le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision du 26 mars 2012, que l'exonération d'imposition prévue à l'article 33 ter du code général des impôts est soumise à l'unique condition de remise des constructions à l'issue d'une durée de bail au moins égale à trente ans et ne peut être soumise à la condition non prévue que les biens fussent comptabilisés à leur prix de revient ;

- la limitation du montant de l'exonération d'imposition au prix de revient des constructions remises qu'a retenue le Conseil d'Etat dans cette décision du 26 mars 2012 est en contradiction avec le principe de non-imposition de la remise au bailleur de ces constructions prévue au II de l'article 33 ter du code général des impôts que cette même décision a rappelé dans son 4ème considérant ;

- en vertu de l'article 33 ter du code général des impôts, elle est exonérée d'imposition sur la valeur des constructions reçues du locataire à la fin du bail à construction de trente ans inscrites à son bilan pour leur valeur vénale, cet article ne prévoyant pas le maintien de l'imposition pour le solde constitué par la différence entre la valeur vénale inscrite en produit et le prix de revient qui serait seul susceptible de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 33 ter ;

- la limite au prix de revient ne concerne que les revenus imposables visés au I de l'article 33 ter du code général des impôts et non l'exonération prévue au II de cet article ;

- le prix de revient ayant une importance relativement faible par rapport à la valeur vénale compte tenu de la durée du bail de construction, la limitation du montant de l'exonération d'imposition au prix de revient conduirait à imposer plus fortement le contribuable lorsque le bail a une durée égale ou supérieure à trente ans par rapport à celui qui a conclu un bail à construction inférieur à trente ans ;

- la doctrine administrative 5 D 123 du 10 mars 1999 n° 15, qu'elle invoque sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, prévoit que, concernant le dispositif prévu à l'article 33 ter, la remise des constructions ne donne lieu à aucune imposition lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le Conseil d'Etat a, dans sa décision du 26 mars 2012 interprété les dispositions des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts et 2 sexies de l'annexe III audit code et a ainsi jugé que la remise des constructions n'entraîne aucune imposition si le bail à construction a été au moins égal à trente ans, que l'exonération est au plus égale au prix de revient des constructions et que le fait que la société ait comptabilisé à son actif les biens reçus à leur valeur vénale n'est pas de nature à l'empêcher de bénéficier de la déduction qui sera limitée au prix de revient des bâtiments ;

- il n'y a pas aucune contradiction dans la motivation de la décision du Conseil d'Etat ;

- la position du Conseil d'Etat n'entraîne pas d'imposition supérieure selon que le bail serait de 29 ou 30 ans et l'existence d'un revenu imposable plus important résulte du choix de la société d'avoir comptabilisé les constructions pour leur valeur vénale ;

- la doctrine administrative 5 D 123 n° 15 ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont a fait état le Conseil d'Etat dans sa décision du 26 mars 2012 ;

- la société, à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas de la valeur du prix de revient des constructions reçues et ne peut bénéficier du dégrèvement total auquel elle prétend ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2012, présenté pour la société Casino Guichard Perrachon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- l'avis du conseil national des commissaires aux comptes publié au bulletin CNCC n° 121 de mars 2001 a précisé que les constructions entrant dans le patrimoine du bailleur doivent être comptabilisées soit directement pour leur valeur vénale soit indirectement par la valeur des loyers du terrain pendant la durée du bail ; elle est tenue d'inscrire comptablement les constructions pour leur valeur vénale excluant toutes possibilités de prendre une décision de gestion ;

- l'article 33 ter du code général des impôts déroge en droit comptable en prenant une valeur différente de la valeur comptable de la construction, obligeant le contribuable à procéder à une rectification extracomptable sur le tableau 2058 A de détermination du résultat fiscal ;

- si l'exonération d'impôt doit être imitée au montant du loyer correspondant au prix de revient des constructions chez le locataire, le texte ne prévoit pas expressément l'imposition de la différence entre la valeur vénale et le prix de revient, et l'augmentation de l'actif net ne saurait constituer un profit imposable compte tenu que l'article 33 ter exonère totalement l'imposition ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- la société ne peut utilement soutenir que la jurisprudence ne s'est pas prononcée sur la limite à hauteur du prix de revient de l'exonération prévue à l'article 33 ter du code général des impôts ;

- la réponse du Conseil national des commissaires aux comptes dont se prévaut la société ne constitue pas un avis ayant valeur normative en matière comptable, a été rédigée plus de deux années après les écritures comptables et les liasses fiscales en cause, et ne saurait faire obstacle à l'application des règles fiscales ;

- la mission d'organisation administrative a, le 17 décembre 1998, précisé que les constructions doivent être inscrites à l'actif du bilan pour une valeur déterminée en fonction de leur prix de revient, dans les conditions prévues à l'article 2 sexies de l'annexe III au code général des impôts, l'absence de liberté de gestion alléguée par la société manquant en fait ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2012, présenté pour la société Casino Guichard Perrachon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Economiques Troyens et Docks Réunis, aux droits de laquelle vient la société anonyme Casino Guichard Perrachon, a consenti, le 9 octobre 1969, à la société civile immobilière (SCI) Economiques Troyens-Barberey, un bail à construction sur un terrain dont elle était propriétaire, pour une durée de trente ans, à compter rétroactivement du 1er novembre 1968, à charge pour cette dernière d'y construire un bâtiment à usage de supermarché et des emplacements de stationnement ; que ce bail, qui a fait l'objet le 30 novembre 1972 d'un avenant prévoyant l'agrandissement du supermarché, stipulait que les constructions et aménagements réalisés par le preneur devaient revenir, sans indemnité, au bailleur, au terme du bail ou en cas de résiliation amiable de celui-ci, et que le preneur serait exempté de paiement de tout loyer ; que le 1er novembre 1998, à l'expiration de ce bail de trente ans, les constructions édifiées par la SCI Economiques Troyens-Barberey ont été remises gratuitement à la SA Casino Guichard Perrachon laquelle a alors constaté, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 1998, un produit exceptionnel de 32 700 000 francs (5 671 103,41 euros) correspondant à la valeur vénale des constructions ainsi réalisées sur ce terrain, qu'elle a annulé fiscalement par la constatation extra-comptable d'une déduction de même montant opérée sur le fondement des dispositions du II de l'article 33 ter du code général des impôts ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur les exercices correspondant aux années 1996, 1997 et 1998, l'administration a notifié à la SA Casino Guichard Perrachon, le 15 décembre 2000, des redressements portant notamment sur la remise en cause de la déduction extra-comptable opérée par la contribuable au motif que les constructions qui lui ont été remises à la fin du bail auraient dû être évaluées à leur prix de revient ; que, par un jugement du 14 octobre 2008, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution additionnelle à cet impôt et à la contribution temporaire auxquelles elle a été en conséquence assujettie au titre de l'exercice 1998 ; que, par arrêt du 15 avril 2010, la Cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de la société Casino Guichard Perrachon tendant à l'annulation dudit jugement et à la décharge de ces impositions résultant de ce redressement ; que, par la décision susmentionnée, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en ce que la Cour de céans a commis une erreur de droit en jugeant qu'elle avait nécessairement jugé que le bénéfice de l'exonération d'imposition prévue par les dispositions du II de l'article 33 ter du code général des impôts était soumis non seulement à la condition de durée du bail à construction mentionnée par ce texte, mais aussi à la condition, non prévue, que les biens remis fussent comptabilisés à leur prix de revient ; que, par la même décision, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que la société requérante reprend en appel le moyen déjà invoqué en première instance, relatif à l'insuffisance de motivation de la notification de redressement qui lui a été adressée par l'administration, au regard des exigences des dispositions alors applicables de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, le Tribunal administratif de Lyon aurait commis une erreur en écartant ce moyen ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail. / (...) Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 251-2 du même code : " Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 251-5 dudit code : " Le prix du bail peut consister, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates et dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 33 ter du même code, relatif au bail à construction, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L 251-5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze années ou exercices suivants. (...) / II. Les dispositions du I s'appliquent également aux constructions revenant sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail. / Toutefois, la remise de ces constructions ne donne lieu à aucune imposition lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans. Si la durée du bail est inférieure à trente ans, l'imposition est due sur une valeur réduite en fonction de la durée du bail dans des conditions fixées par décret " ; qu'aux termes de l'article 2 sexies de l'annexe III audit code : " Lorsque la durée d'un bail à construction est comprise entre dix-huit et trente ans, le revenu brut foncier correspondant à la valeur des constructions remises sans indemnité au bailleur en fin de bail est égal au prix de revient de ces constructions, sous déduction d'une décote égale à 8 % par année de bail au-delà de la dix-huitième " ;

5. Considérant, en premier lieu, que, pour contester à titre principal le redressement litigieux, la société se borne à soutenir qu'elle a droit à bénéficier de l'exonération d'imposition prévue au II de l'article 33 ter du code général des impôts pour la valeur des constructions reçues du locataire à la fin du bail à construction de trente ans inscrites à son bilan pour leur valeur vénale, et non dans la limite du prix de revient de ces constructions ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts que, lorsque le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou partie, dans la remise au bailleur des constructions érigées sur son terrain par le preneur, le revenu foncier ou le bénéfice qui en résulte pour le bailleur doit être calculé d'après le prix de revient des biens qui lui ont été remis à l'expiration du bail ; que ce revenu ou ce bénéfice, que le bailleur peut répartir sur l'année au cours de laquelle les constructions ont été remises ainsi que sur les quatorze années suivantes, est par ailleurs réduit par application d'une décote de 8 % du prix de revient par année de bail au-delà de la dix-huitième année, lorsque la durée du bail à construction est comprise entre dix-huit ans et trente ans ; que, dans cette hypothèse et contrairement à ce qu'allègue la requérante, il résulte de ces mêmes dispositions, et notamment du II de l'article 33 ter, que le bailleur peut prétendre au bénéfice de l'exonération d'imposition dans la limite du prix de revient des constructions qui lui ont été remises, et non à hauteur de la valeur vénale des biens que le bailleur aurait éventuellement inscrite à l'actif de son bilan ainsi que le demande la requérante ;

7. Considérant que, dès lors que seules sont en cause les modalités de calcul de la base d'imposition susceptible de faire l'objet de l'exonération d'imposition prévue par les dispositions susmentionnées de l'article 33 ter du code général des impôts, la SA Casino Guichard Perrachon ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer des moyens relatifs à la régularité des inscriptions comptables auxquelles elle avait procédé en l'espèce ; que, notamment, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir ni de la circonstance que ces constructions ont été comptabilisées à leur valeur vénale en vertu de règles comptables, ni de l'avis du conseil national des commissaires aux comptes qui a été publié au bulletin CNCC n° 121 de mars 2001, pour faire obstacle à l'application des dispositions fiscales précitées qui limitent l'exonération d'imposition au prix de revient de ces constructions et ne permettent pas de déduire, au titre de l'exonération d'imposition prévue au II dudit article 33 ter du code général des impôts, du résultat de la société la valeur vénale de ces constructions au lieu de leur prix de revient ;

8. Considérant qu'il s'ensuit que c'est par une exacte application des dispositions précitées du code général des impôts que l'administration a estimé que la société requérante ne pouvait déduire de son résultat de l'exercice 1998 le montant correspondant à la valeur vénale des constructions qui lui ont été remises en fin de bail, au lieu du prix de revient desdites constructions, la société requérante ne contestant pas le montant du prix de revient à retenir ;

9. Considérant, en second lieu, que la valeur des biens remis à l'issue d'un bail à construction doit, même si elle doit être assimilée à un complément du prix de ce bail, être en principe imposée l'année de la remise, c'est-à-dire l'année même durant laquelle le bail vient à expiration, sous réserve d'une possibilité pour le contribuable d'en demander l'étalement sur l'année ou l'exercice en question et les quatorze années ou exercices suivants ; qu'ainsi, et alors d'ailleurs qu'est en cause dans le présent litige le mode de calcul de l'exonération d'imposition prévu par l'article 33 ter du code général des impôts, la société requérante ne peut pas, en tout état de cause, demander à titre subsidiaire, au cas où les dispositions dudit article 33 ter ne seraient pas applicables, la réduction des impositions litigieuses motif pris de ce que le " supplément de loyer " dont il s'agit aurait dû être imposé au titre de la période pendant laquelle le loyer avait couru ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

10. Considérant que la SA Casino Guichard Perrachon ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une instruction 5 D-2-07, du 23 mars 2004, paragraphe n° 31, qui est postérieure à l'année d'imposition en litige et ne concerne, en tout état de cause, que l'impôt sur le revenu ; qu'elle ne peut, pas davantage, se prévaloir utilement de la doctrine 5 D 123 du 10 mars 1999, paragraphe 15, dès lors que celle-ci ne rajoute rien à la loi fiscale et ne peut être ainsi regardée comme comportant "interprétation de la loi fiscale" au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Casino Guichard Perrachon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Casino Guichard Perrachon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Casino Guichard Perrachon et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

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