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29/11/2012 | FRANCE | N°12LY00799

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12LY00799


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 mars 2012, présentée pour Mme Zejnije , veuve , domiciliée ... ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102101-1102102, du 17 février 2012, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier, du 12 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire national ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet d

e l'Allier de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de 15 jours à compter de ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 mars 2012, présentée pour Mme Zejnije , veuve , domiciliée ... ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102101-1102102, du 17 février 2012, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier, du 12 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire national ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, le préfet de l'Allier a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences que la décision emporte sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 29 juin 2012, présenté par le préfet de l'Allier, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision en litige est dûment motivée ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences que sa décision emporte sur la situation personnelle de Mme ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 1er août 2012, présenté pour Mme , qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 6 avril 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

1. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le moyen ci-après énoncé justifiant, à lui seul, l'annulation de la décision contestée ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , ressortissante kosovare née le 25 juillet 1968, est arrivée en France avec son époux et leurs deux enfants mineurs, respectivement nés en 1994 et 1997, le 12 avril 2010 ; qu'elle et son conjoint ont tout d'abord sollicité leur admission au séjour en France en qualité de demandeurs d'asile mais qu'après le rejet de leurs demandes, ils ont présenté au préfet de l'Allier, par courrier très circonstancié du 4 avril 2011, une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en invoquant l'état de santé de leur fils aîné ; que les intéressés ne pouvaient pas utilement se prévaloir de l'état de santé de leur enfant au soutien d'une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, laquelle ne peut se justifier qu'au regard de l'état de santé du seul demandeur dudit titre de séjour ; que, toutefois, le préfet de l'Allier a pris en compte cet élément de fait en procédant à l'examen de l'ensemble de la situation personnelle des époux au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, suite au décès de M. , survenu le 6 octobre 2011, seule la situation de Mme est soumise à l'appréciation de la Cour de céans ; qu'il ressort des mentions de l'arrêté contesté que, pour refuser à Mme la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Allier a notamment estimé qu'il n'était pas établi que le fils aîné de Mme , arrivé en France à l'âge de quinze ans, ne pourrait pas avoir accès, au Kosovo, à un traitement approprié pour l'affection de nature épileptique dont il serait atteint et dont le caractère récent n'était pas démontré ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, dans sa demande du 4 avril 2011, Mme indiquait notamment que son fils avait rencontré des problèmes de santé et de développement dès sa naissance et que, faute de moyens financiers suffisants et de structures médicales aptes à lui procurer des soins adaptés, elle n'avait pas été en mesure de faire suivre son enfant et de lui faire prodiguer des soins adéquats ; qu'elle précisait que, depuis sa prise en charge médicale pluridisciplinaire en France, l'état de santé et notamment les capacités physiques, voire les facultés de son fils s'étaient grandement améliorés et que cette prise en charge ne pourrait pas se poursuivre au Kosovo, en l'absence de possibilité de financement et par manque de personnel formé pour prendre soin des enfants polyhandicapés ; qu'enfin, elle soulignait que le médecin traitant et le pédiatre qui suivaient son fils suspectaient une maladie épileptique mais ajoutait " ... pour le moment nous ne savons rien encore ..." ; que le conseiller médical de l'agence régionale de santé d'Auvergne, qui a été consulté par le préfet de l'Allier sur l'état de santé de l'enfant de Mme , a considéré, le 15 juin 2011, que l'état de santé de cet enfant nécessitait une prise en charge médicale de longue durée, dont le défaut pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourrait pas être effectivement réalisée au Kosovo ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, par courrier du 9 août 2011, le préfet de l'Allier lui-même avait affirmé à Mme que consécutivement au rejet de sa demande d'asile, il lui appartenait de quitter le territoire français mais qu'après qu'elle aurait regagné son pays d'origine et eu égard à la maladie de nature épileptique dont semblait souffrir son fils, il s'engageait à examiner avec bienveillance, à titre exceptionnel et humanitaire, une éventuelle demande de soins pour son fils ; qu'enfin, Mme affirme, dans ses écritures devant la Cour, que la pathologie de son fils s'apparenterait à une forme d'autisme liée à une méningite infantile ; qu'il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances toutes particulières de l'espèce, et eu égard à l'état de santé du fils de Mme et à la prise en charge médicale pluridisciplinaire mise en place en France, en refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à Mme , le préfet de l'Allier a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée et de son enfant mineur ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier, du 12 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire national ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

5. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 12 août 2011 du préfet de l'Allier, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de l'Allier délivre le titre sollicité à la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mme une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que Mme a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit au profit de la SCP Borie et associés, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102101-1102102, du 17 février 2012, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier, du 12 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire national.

Article 2 : Les décision du 12 août 2011, par lesquelles le préfet de l'Allier a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme et l'a obligée à quitter le territoire national sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Allier de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à Mme , dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Zejnije , au préfet de l'Allier et au ministre de l'Intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Seillet, président assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2012,

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N° 12LY00799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00799
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP BORIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-29;12ly00799 ?
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