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29/11/2012 | FRANCE | N°12LY00797

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12LY00797


Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2012, présentée pour M. Karim A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0900286 du 20 janvier 2012 en tant qu'il a limité à 23 840 euros la somme que le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices résultant de l'infection qu'il a contractée dans cet établissement en juillet 2005 ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches à

lui verser la somme de 342 882,37 euros ;

3°) de condamner ledit centre hospitalier ...

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2012, présentée pour M. Karim A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0900286 du 20 janvier 2012 en tant qu'il a limité à 23 840 euros la somme que le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices résultant de l'infection qu'il a contractée dans cet établissement en juillet 2005 ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches à lui verser la somme de 342 882,37 euros ;

3°) de condamner ledit centre hospitalier aux dépens ;

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu la responsabilité du centre hospitalier dès lors que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère à l'infection ; que ses préjudices doivent être indemnisés à hauteur de 300 000 euros au titre des pertes de revenus, 7 382,37 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence résultant d'un déficit fonctionnel temporaire, 5 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant d'un déficit fonctionnel permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et 4 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2012, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit aux conclusions de son recours subrogatoire dirigé contre le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches ;

Il soutient que M. A ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il retient la responsabilité du centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches, mais se borne à demander sa réformation s'agissant de l'évaluation de ses préjudices ; que, sur ce point, il s'en remet à la sagesse de la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2012, présenté pour le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches qui conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saint-Etienne et des conclusions de M. A et de l'ONIAM devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 50 % et à ce que l'évaluation des préjudices résultant du jugement attaqué soit confirmée ;

Il soutient :

- que le Tribunal ne pouvait statuer sur les conclusions de M. A sans savoir s'il avait déjà bénéficié d'une indemnité au titre de l'accident de la route dont il a été victime ; qu'il appartient donc à M. A d'apporter la preuve qu'il n'a pas déjà été indemnisé à ce titre ; qu'à défaut sa requête ne pourra qu'être rejetée ;

- que c'est à tort que le Tribunal a considéré que M. A avait été victime d'une infection nosocomiale susceptible d'engager sa responsabilité ; que, dès lors que M. A a été victime de graves fractures ouvertes accompagnées de plaies, le Tribunal aurait dû en conclure que l'infection avait une cause extérieure à l'hôpital ; que contrairement à ce qu'a affirmé le Tribunal, les experts n'ont pas constaté que la plaie initiale ne présentait aucune souillure ; que ces derniers ont seulement émis l'hypothèse selon laquelle la plaie d'origine ne devait présenter aucune souillure ; que cette affirmation est peu vraisemblable ; que le délai d'apparition de l'infection, contrairement à ce qu'ont estimé les experts, n'est pas un élément déterminant pour la qualification de son caractère nosocomial ; que le germe qui a été identifié est présent dans l'environnement ; que, dès lors, sa présence est tout à fait compatible avec l'hypothèse d'une contamination de la blessure par des germes telluriques ;

- à titre subsidiaire, qu'une partie du préjudice est imputable à la faute de la victime ; qu'il résulte en effet des constatations des experts que M. A, une fois revenu à Saint-Étienne, a négligé de se faire suivre régulièrement par les médecins alors que des instructions en ce sens lui avaient été données par le centre hospitalier ; qu'il a attendu un mois avant de se présenter au centre hospitalier et a attendu encore un mois avant de consulter un chirurgien orthopédiste ; que l'infection a donc pu se développer alors qu'elle aurait pu être jugulée plus tôt ; qu'il est également établi que M. A a de lui-même retiré le plâtre qui avait été posé après la rupture du fixateur externe ; que, de ce fait, les fractures n'ont pu se consolider ; qu'une partie de l'incapacité permanente partielle est donc imputable à l'action inopportune du patient ; que, compte tenu de l'importance des fautes de la victime, il ne devrait pas supporter plus de 50 % du préjudice ;

- qu'en évaluant le préjudice de M. A au titre de l'incapacité temporaire totale et de l'incapacité temporaire partielle à la somme de 19 500 euros, le Tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante ; qu'il en va de même s'agissant des autres chefs de préjudice qu'il invoque ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'un accident de la circulation survenu dans la nuit du 28 au 29 juillet 2005, M. A, qui souffrait notamment d'une fracture ouverte des deux os de l'avant-bras gauche, a été opéré en urgence au centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches ; que postérieurement à cette prise en charge, un foyer purulent s'est développé sur le site opératoire, nécessitant une nouvelle intervention, réalisée le 6 décembre 2005, qui a mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes a été saisie par M. A ; qu'à la suite de l'avis qu'elle a rendu le 8 novembre 2006 et du refus de l'assureur du centre hospitalier d'indemniser M. A, celui-ci a conclu avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) un protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle aux termes duquel il a perçu de l'Office la somme de 2 160 euros ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier à verser à M. A, à la CPAM et à l'ONIAM les sommes de, respectivement, 23 840 euros, 13 895 euros et 2 160 euros ; que M. A fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux conclusions de sa demande ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches en demande l'annulation ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ;

3. Considérant qu'à la suite de l'accident de la route dont il a été victime, M. A a été pris en charge au service des urgences du centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches où a été pratiquée une ostéosynthèse du radius par plaque vissée et une stabilisation du cubitus par broche ; qu'à l'occasion de l'ablation de la broche cubitale effectuée le 6 décembre 2005 a été mise en évidence une infection par staphylocoque doré et que le même germe a été retrouvé le 6 janvier 2006 lors de l'enlèvement de la plaque mise sur le radius ; que les deux experts désignés par la CRCI de Rhône-Alpes, ayant constaté que le germe infectieux à l'origine des dommages subis par M. A a été isolé d'un écoulement de la plaie en rapport avec le site opératoire, en ont déduit que la cause la plus vraisemblable de cette infection était liée à l'opération ; que si le centre hospitalier soutient que la cause de l'infection serait liée à la blessure ouverte causée par l'accident dont a été victime l'intéressé, cette explication ne correspond pas aux constatations des experts qui indiquent que la lésion externe causée par l'accident ne communiquait pas avec les os fracturés et que le staphylocoque doré responsable de l'infection est une bactérie " généralement localisée à l'état saprophyte, au niveau du revêtement cutané de l'homme et n'est jamais d'origine tellurique " ; que, dès lors, il résulte de l'instruction que c'est à l'occasion du geste chirurgical que le germe a pénétré dans l'os et est devenu pathogène et que l'infection doit donc être qualifiée de nosocomiale ;

4. Considérant que le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve du caractère d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de l'infection contractée ;

5. Considérant que le centre hospitalier fait valoir, il est vrai, que M. A a négligé de se faire suivre régulièrement par des médecins après l'intervention qu'il a subie fin juillet 2005 et qu'il a de lui-même retiré le plâtre qui avait été posé après la rupture du fixateur externe ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces négligences auraient aggravé l'état de M. A à la suite de l'infection dont il a été victime ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le centre hospitalier intercommunal du pays de Mont-Blanc Sallanches est entièrement responsable des conséquences dommageables de l'infection contractée par M. A dans cet établissement ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

7. Considérant que pour refuser d'indemniser M. A de pertes de revenu, le Tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé " qui se borne à demander une somme forfaitaire et à produire un unique contrat de travail en tant que commis de cuisine pour la période du 27 juin au 28 août 2005, n'établit pas que l'infection lui a causé une perte de revenus avant consolidation dès lors que la période de consolidation normale de sa fracture est de quatre mois, que ses revenus antérieurs moyens sont inconnus et qu'il est, au surplus, non contesté qu'il a été incarcéré 15 à 17 mois entre 2006 et 2007 ; que, s'agissant des pertes de revenus futures, l'expert précise que M. A n'est pas inapte à l'exercice d'une activité professionnelle et qu'il est d'ailleurs en cours d'orientation par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire " ; que M. A se bornant devant la Cour à reprendre l'argumentation qu'il a développée devant les premiers juges, il y a lieu, par adoption des motifs précités, de rejeter cette partie de ses conclusions ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, en conséquence de l'infection dont il a été atteint, a subi un déficit fonctionnel du 29 septembre 2005 au 14 mai 2008, date de la consolidation de son état de santé ; que ce déficit fonctionnel a été total pendant 24 jours et limité à 50 % pour le reste de la période ; que cette infection a également provoqué un déficit fonctionnel permanent de 15 % correspondant à la perte de la pronosupination du poignet non dominant ; que l'intéressé a subi des souffrances physiques, classées au niveau de 3,5 sur une échelle de 1 à 7, ainsi qu'un préjudice esthétique temporaire et permanent évalués à, respectivement, 1 et 3 sur 7 ; qu'il ne justifie d'aucun préjudice d'agrément ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de M. A en les évaluant à la somme globale de 31 000 euros ; que, compte tenu de la somme de 2 160 euros que lui a versée l'ONIAM dans le cadre de la procédure amiable évoquée au point 1 ci-dessus, l'indemnité qui lui est due s'élève à 28 840 euros ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A, qui a été victime d'un accident de la circulation, aurait bénéficié d'une indemnité qui réparerait les préjudices résultant de l'infection nosocomiale qu'il a contractée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble, a limité à 23 840 euros la somme que le centre hospitalier intercommunal de Mont-Blanc Sallanches a été condamné à lui verser ; que le centre hospitalier intercommunal de Mont-Blanc Sallanches n'est pas fondé à demander l'annulation de ce jugement ;

Sur les dépens :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la contribution pour l'aide juridique acquittée par M. A doit être mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Mont-Blanc Sallanches ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 23 840 euros que le centre hospitalier de Mont-Blanc Sallanches a été condamné à verser à M. A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 janvier 2012 est portée à 28 840 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 janvier 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique est mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Mont-Blanc Sallanches.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Karim A, au centre hospitalier intercommunal de Mont-Blanc Sallanches, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2012.

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N° 12LY00797


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CAUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/11/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12LY00797
Numéro NOR : CETATEXT000026726112 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-29;12ly00797 ?
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