La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2012 | FRANCE | N°11LY02924

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 11LY02924


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 13 décembre 2011 et régularisée le lendemain, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107232, du 1er décembre 2011, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a annulé sa décision du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mlle Faith A et a mis à sa charge la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice adm

inistrative ;

2°) de rejeter la demande présentées par Mlle A devant le Tribunal...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 13 décembre 2011 et régularisée le lendemain, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107232, du 1er décembre 2011, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a annulé sa décision du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mlle Faith A et a mis à sa charge la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentées par Mlle A devant le Tribunal administratif ;

Il soutient à titre principal, que l'interdiction de retour en litige n'a jamais été notifiée à Mlle B et ne fait donc pas grief à cette dernière dès lors qu'elle n'était pas exécutoire et que Mlle B n'a pas fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ; à titre subsidiaire, que l'interdiction de retour prise à l'encontre de Mlle B, qui est célibataire, sans enfant à charge, qui était entrée irrégulièrement sur le territoire français en usurpant l'identité d'un tiers, qui ne disposait pas d'un titre de séjour ni d'attaches familiales en France et qui a déclaré ne pas souhaiter rester dans ce pays, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ; qu'il n'est pas équitable qu'une somme de 500 euros ait été mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du CJA ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 9 mars 2012, présenté pour Mlle Faith A, élisant domicile chez Me Hassid, 61, cours de la liberté à Lyon (69003) ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DE LA SAVOIE ;

2°) d'annuler les décisions du 28 novembre 2011, par lesquelles le PREFET DE LA SAVOIE lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite et a décidé de son placement en rétention administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'elle entend reprendre l'ensemble des moyens qu'elle avait soulevés en première instance, et notamment l'insuffisance de motivation du refus de délai de départ volontaire qui ne comporte pas de motivation propre par rapport aux autres décisions ; qu'en outre, l'interdiction de retour, qui lui a été effectivement notifiée, n'est pas conforme à l'esprit de l'article 14 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dès lors qu'elle n'avait jusqu'alors jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement forcé dans l'espace Schengen ;

Vu la décision du 20 mars 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mlle A ;

Vu le courrier du 9 mai 2012 par lequel le Président de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité, pour tardiveté, des conclusions de l'appel incident formé par Mlle A, tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, la fixation du pays de renvoi et le placement en rétention administrative pris à son encontre le 28 novembre 2011 ;

Vu les observations, enregistrées à la Cour le 16 mai 2012, présentées pour Mlle A qui prend acte du caractère tardif de ses conclusions présentées devant la Cour, tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, la fixation du pays de renvoi et le placement en rétention administrative pris à son encontre le 28 novembre 2011 et demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, Mlle A a pris acte du caractère tardif de son appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande aux fins d'annulation des décisions du 28 novembre 2011, par lesquelles le PREFET DE LA SAVOIE lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a décidé de son placement en rétention administrative ; qu'il appartient donc uniquement à la Cour de se prononcer sur le bien-fondé de l'annulation de la décision du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour à son encontre ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un seul et même arrêté en date du 28 novembre 2011, le PREFET DE LA SAVOIE a fait obligation à Mlle A de quitter le territoire français, a refusé à cette dernière un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, en informant l'intéressée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ; qu'il ressort également des pièces du dossier que cet arrêté a été effectivement notifié à Mlle A par voie administrative le 28 novembre 2011 et qu'une copie de cet arrêté lui a été remise ; qu'ainsi, même si les deux procès-verbaux de notification ne portent pas mention expresse de la mesure d'interdiction de retour, dès lors que cette décision figure dans l'acte notifié, cette décision doit être regardée comme ayant été effectivement notifiée à Mlle A, contrairement à ce qu'allègue le PREFET DE LA SAVOIE ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ( ...) / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ; que s'il ressort des termes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans pouvoir se limiter à l'un ou plusieurs d'entre eux, la circonstance que l'étranger n'ait pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement ou que sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères, justifie légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour ;

Considérant que, par jugement n° 1107232, du 1er décembre 2011, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du PREFET DE LA SAVOIE du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mlle Faith A, ressortissante nigériane, au motif que l'intéressée, entrée pour la première fois en France au mois de novembre 2011, n'avait pas précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que la seule circonstance qu'elle avait été interpellée en possession d'un passeport appartenant à un tiers ne suffisait pas à établir que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public d'une gravité suffisante pour justifier une interdiction de retour ; que le premier juge a ainsi considéré que le PREFET DE LA SAVOIE a fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prononçant une mesure d'interdiction de retour d'un an à l'encontre de Mlle A ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mlle A, interpellée le 27 novembre 2011 en gare de Modane, dans un train en provenance de Turin en Italie et à destination de Paris, était entrée la veille sur le territoire français lorsque la mesure d'interdiction de retour a été prise à son encontre, le 28 novembre 2011 ; qu'il ressort des propres déclarations de Mlle A qu'elle était célibataire et sans enfant à charge et qu'elle ne souhaitait pas demeurer en France, où elle ne disposait d'aucune attache ; qu'enfin, lors de son interpellation, le 27 novembre 2011, elle a présenté aux services de police un passeport et un permis de séjour italien appartenant à un tiers dont elle avait, ainsi, usurpé l'identité ; qu'il résulte de ce qui précède, et alors même que Mlle A n'avait pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, que le PREFET DE LA SAVOIE a pu légalement, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de Mlle A une interdiction de retour d'une durée d'un an ; que le PREFET DE LA SAVOIE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour en litige ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle A tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant elle et dirigés contre cette mesure d'interdiction de retour ;

Considérant, d'une part, qu'en se bornant à alléguer qu'elle encourt un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour au Nigéria, où elle affirme être susceptible de subir un mariage forcé, Mlle A n'établit pas que la mesure d'interdiction de retour en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 et plus particulièrement, s'agissant de l'interdiction de retour, au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mlle A, qui ne soutient pas que ces dispositions seraient incompatibles avec les objectifs fixés à l'article 11 de la directive 2008/115/CE, ne saurait utilement invoquer directement les dispositions de cette directive à l'encontre d'une décision individuelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mlle Faith A ;

Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE ne saurait être regardé comme étant la partie perdante devant le Tribunal administratif ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que quelque somme que ce soit ait pu être légalement mise à la charge du PREFET DE LA SAVOIE au profit de Me Hassid, avocat de Mlle A, au titre des frais exposés par cette dernière en première instance et non compris dans les dépens ; que le PREFET DE LA SAVOIE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la somme de 500 euros a été mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Mlle A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en appel dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Hassid, avocat de Mlle A, au titre des frais exposés par cette dernière devant la Cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107232, du 1er décembre 2011, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a annulé la décision du PREFET DE LA SAVOIE du 28 novembre 2011 prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mlle Faith A et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à Me Hassid, avocat de Mlle A, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mlle A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Faith A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au PREFET DE LA SAVOIE.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012,

''

''

''

''

1

6

N° 11LY02924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02924
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;11ly02924 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award