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12/07/2012 | FRANCE | N°11LY01716

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 11LY01716


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour Mme Fabienne OUARTI née C, domiciliée ..., Mlle Ingrid C, domiciliée ..., M. Lionel C, domiciliée ... et Mme Martine C, domiciliée ..., agissant pour le compte de M. Pierre D, décédé ;

Les consorts C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902903 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 octobre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre a autorisé le licenciement

de M. Pierre D pour motif économique ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cett...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour Mme Fabienne OUARTI née C, domiciliée ..., Mlle Ingrid C, domiciliée ..., M. Lionel C, domiciliée ... et Mme Martine C, domiciliée ..., agissant pour le compte de M. Pierre D, décédé ;

Les consorts C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902903 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 octobre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre a autorisé le licenciement de M. Pierre D pour motif économique ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le seul objectif poursuivi au moment du rachat de la société Lithotech pour laquelle travaillait M. D était de récupérer des contrats rentables, notamment avec la Poste, que le groupe Paragon s'est empressé de transférer dans une autre société ;

- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas suffisamment motivée en ce qu'elle se borne à renvoyer à la fermeture du site et à la suppression du poste de M. D sans préciser la situation économique, notamment en termes de problèmes de mutation technologique ou de sauvegarde de compétitivité, du secteur d'activité du groupe, c'est-à-dire l'imprimerie ;

- elle est également insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait aucune référence à l'obligation de recherche de reclassement externe prévue par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 ;

- le motif économique devait être apprécié au niveau du groupe et non de la seule société Paragon Transaction ;

- le groupe, dont les résultats entre 2007 et 2009 ont été bénéficiaires, ne connaît aucune difficulté économique ;

- l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en proposant seulement une mutation sans rechercher par la suite le reclassement interne de l'intéressé ;

- les recherches de reclassement ont été insuffisantes, n'étant pas étendues au groupe ;

- la société Paragon se contente d'indiquer qu'elle a proposé trois postes au sein du groupe ;

- elle n'a pas actualisé ses offres de reclassement entre les propositions faites en juin 2009 et son licenciement en octobre 2009 ;

- le produit de cession des actifs de l'établissement de Rognac n'a pas été affecté au plan social ni n'a financé l'effort de reclassement ;

- faute d'avoir saisi la commission paritaire prévue par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, la décision de l'inspecteur du travail est irrégulière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 septembre 2011, présenté pour la société Paragon Transaction, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- les recours exercés devant le Tribunal sont irrecevables faute pour les demandeurs d'avoir produit dans le délai de recours les pièces énumérées dans la demande initiale ;

- la décision en litige expose les éléments de fait et de droit sur lesquels elle repose ;

- le groupe développe deux grands secteurs d'activité, l'activité " transaction " (imprimerie offset en continu) qui relève de la société Paragon Transaction et l'activité " identification ", qui relève de la société Paragon Identification, faisant l'objet de marchés totalement distincts ;

- le site de Rognac intervenait au sein de la société Paragon Transaction ;

- les résultats de cette société, à laquelle appartenait Paragon Lithotec Services, montraient des pertes ;

- le résultat du groupe a été divisé par quatre entre 2008 et 2009 ;

- la société Paragon Transaction ne pouvait absorber les pertes de PLS ;

- des postes correspondant à son niveau de formation ont été proposés à l'intéressé dans l'ensemble du groupe ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;

Il déclare s'en remettre aux observations présentées en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2012, présenté pour la société Paragon Transaction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cazelles, avocat de la société Paragon Transaction ;

Considérant que par une décision du 13 octobre 2009 l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre a autorisé la société Paragon Transaction à licencier pour motif économique M. Pierre D, conducteur de machine à imprimer simple sur le site de Rognac et titulaire du mandat de membre titulaire du comité d'établissement de Cosne-sur-Loire ; que M. D a saisi de cette décision le Tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 12 mai 2011, a rejeté sa demande tendant à son annulation ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la demande devant le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-5 du code de justice administrative : " Les copies, produites en exécution de l'article R. 412-2, des pièces jointes à l'appui des requêtes et mémoires sont notifiées aux parties dans les mêmes conditions que les requêtes et mémoires (...) " ; que la demande de M. D tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2009, qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre suivant, n'était pas tardive ; que si, à l'exception de la décision attaquée, M. D n'a produit la plupart des pièces visées dans cette demande qu'ultérieurement, lors du dépôt au Tribunal le 13 février 2010 d'un mémoire complémentaire, cette seule circonstance est demeurée sans incidence sur la recevabilité de sa demande ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la société Paragon Transaction à la demande de M. D devant le Tribunal ne peut être accueillie ;

Sur la légalité de la décision en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) " ; que la décision en litige mentionne " la fermeture du site de Rognac où travaillait M. Pierre D et la suppression subséquente de son poste " ainsi que " les propositions de reclassement faites au salarié par l'entreprise " ; qu'elle ne précise pas, même succinctement, les raisons d'ordre économique à l'origine de la fermeture du site et de la suppression de l'emploi de M. D, ni en quoi ont pu consister les efforts entrepris pour son reclassement ; qu'ainsi, comme le soutiennent les requérants, cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;

Considérant, en second lieu, que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue d'apprécier les difficultés économiques de cette dernière au regard des sociétés du groupe auquel elle appartient, et qui oeuvrent dans le même secteur d'activité qu'elle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Paragon Transaction dont dépendait le site de Rognac où travaillait M. D, qui exerce une activité de production d'imprimés de gestion pour les entreprises selon un procédé de fabrication dit " d'imprimerie offset en continu ", oeuvre dans le même secteur d'activité qu'une autre société du groupe Paragon dont elle fait partie, située au Royaume-Uni, dans laquelle un emploi de reclassement lui avait d'ailleurs été proposé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des documents produits par la société Paragon Transaction à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement de M. D, ni de la décision en litige, que l'administration aurait, comme elle y était tenue, fait porter son examen sur l'ensemble de la situation économique et financière de ce secteur d'activité ; qu'elle s'est, au contraire, bornée à prendre en considération la seule situation de la société Paragon Transaction ; que, dès lors, les requérants sont également fondés à soutenir que la décision en litige procède d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts C sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Paragon Transaction le paiement à chacun des requérants d'une somme de 375 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 12 mai 2011 est annulé.

Article 2 : La décision du 13 octobre 2009 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre est annulée.

Article 3 : La société Paragon Transaction versera à Mme Fabienne OUARTI née C, Mlle Ingrid C, M. Lionel C et Mme Martine C une somme de 375 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fabienne OUARTI née C, Mlle Ingrid C, M. Lionel C et Mme Martine C, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Paragon Transaction.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.

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N° 11LY01716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01716
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;11ly01716 ?
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