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12/07/2012 | FRANCE | N°11LY01530

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 11LY01530


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ibrahima A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007217, du 22 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempé

rer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'a...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ibrahima A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007217, du 22 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou subsidiairement, en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français, une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation, ou en cas d'annulation de la seule décision fixant le pays de destination, de l'assigner à résidence, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis médical transmis par le préfet du Rhône n'a pas été signé par une autorité compétente ; que seul un médecin de l'agence régionale de santé pouvait signer un tel document ; que le préfet du Rhône a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du médecin-inspecteur de santé publique ; que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et son traitement n'étant pas disponible dans son pays d'origine ; qu'il justifie de l'impossibilité de bénéficier de façon effective de ses traitements, soins et suivis appropriés dans son pays d'origine ; que son traitement médical reste inchangé ; qu'il y a en Guinée-Conakry de graves difficultés et des carences dans la prise en charge des personnes souffrant de diabète ; qu'il ne pourra pas effectivement bénéficier de soins ; que son traitement n'est pas disponible : que le préfet du Rhône ne produit qu'une fiche pays du 25 octobre 2006 et qui ne figurait pas au dossier administratif lors de sa consultation en décembre 2010 ; que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la durée de sa présence en France, de son intégration et de la faiblesse des liens qu'il a conservés avec sa famille dans son pays ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, en raison de l'illégalité, soulevée par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour ; que ladite décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code précité ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne précitée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité, soulevée par voie d'exception, des deux décisions précédentes ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée, en raison tant de l'absence de soins disponibles dans son pays d'origine que des risques de mauvais traitements et tortures qu'il encourt ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2012, présenté pour le préfet du Rhône ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'y a pas de vice de procédure, que Mme McKenzie était à la date de la décision médecin-inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé ; que le préfet du Rhône ne s'est pas estimé lié par l'avis du médecin-inspecteur de santé publique ; qu'il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la pathologie de M. A peut être soignée dans son pays d'origine ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ; que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 février 2012, présenté pour M. A ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du 13 mai 2011 accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé ;

Vu le décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 tirant les conséquences, au niveau réglementaire, de l'intervention de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le décret du 1er avril 2010 portant nomination des directeurs généraux des agences régionales de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller;

- les conclusions de M. Monnier, rapporteur public;

- et les observations de Me Jean-Philippe Petit avocat de M. A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 publiée au journal officiel de la République française le 25 février 2010 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; que, par décret n° 2010-336 du 31 mars 2010, publié au journal officiel de la République française le 1er avril 2010, les agences régionales de santé ont été créées à compter de la date de publication de ce décret et que, par décret du 1er avril 2010, publié le lendemain au journal officiel de la République française, les directeurs généraux des agences régionales de santé ont été nommés ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 31 août 2010 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise au vu d'un avis médical émis le 23 avril 2010, qui a été signé par le docteur Anne-Marie McKenzie, en sa qualité de médecin-inspecteur de santé publique auprès de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes ; qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des écritures du préfet du Rhône qu'à la date de cet avis, le docteur McKenzie eût été nommé médecin de l'agence régionale de santé de la région Rhône-Alpes et désigné par le directeur général de cette agence pour émettre des avis sur les demandes de titre de séjour présentées sur le fondement du 11° des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée doit être regardée comme ayant été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et donc comme étant illégale ; que les décisions du 31 août 2010 faisant obligation à M. A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait renvoyé à l'expiration de ce délai, doivent être annulées par voie de conséquence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule, pour vice de procédure, la décision portant refus de titre de séjour du 31 août 2010 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, n'implique pas nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité au requérant ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Petit, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Petit, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007217, du 22 février 2011, du Tribunal administratif de Lyon, ensemble les décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera la somme de mille euros à Me Petit, avocat de M. A, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ibrahima A, au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.

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N° 11LY01530


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 12/07/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY01530
Numéro NOR : CETATEXT000026228462 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;11ly01530 ?
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