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21/06/2012 | FRANCE | N°11LY01724

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 21 juin 2012, 11LY01724


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 juillet et 12 août 2011, présentés pour M. Frédéric A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900932 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 décembre 2008 du directeur délégué de l'ANPE de l'Isère le radiant pour six mois de la liste des demandeurs d'emploi ;

2°) d'annuler la décision de radiation du 10 décembre 2008 ;

Il soutient :

- que c

'est à tort que le Tribunal a estimé que la décision en litige était celle du directeur délégué de l'...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 juillet et 12 août 2011, présentés pour M. Frédéric A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900932 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 décembre 2008 du directeur délégué de l'ANPE de l'Isère le radiant pour six mois de la liste des demandeurs d'emploi ;

2°) d'annuler la décision de radiation du 10 décembre 2008 ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal a estimé que la décision en litige était celle du directeur délégué de l'ANPE le 26 décembre 2008 alors qu'il conteste celle de la directrice de l'agence de l'ANPE de Grenoble Alliance du 10 décembre 2008 ;

- que dans l'avis du 8 décembre 2008, il lui était indiqué qu'il disposait d'un délai de 15 jours pour présenter par écrit ses observations et prendre rendez-vous avec l'ANPE, assisté éventuellement d'un conseil ; qu'en édictant le 10 décembre 2008, jour même de réception de cet avis, la décision de radiation, l'ANPE n'a pas respecté le délai de 15 jours ainsi fixé ; que c'est à tort que le Tribunal a estimé que le non-respect de ce délai était sans incidence sur la légalité de la décision prise ; qu'à cet égard, le courrier qu'il a adressé, daté du 3 décembre 2008, ne peut pas être regardé comme répondant à l'avis de radiation contenu dans le courrier du 8 décembre 2008 ; que, par ce courrier, il s'agissait pour lui d'informer l'ANPE de ce qu'il avait été mis fin à son contrat d'accompagnement ; qu'en conséquence ce courrier du 3 décembre 2008 ne peut justifier l'absence de respect du délai de 15 jours ;

- que la décision litigieuse est entachée d'une absence de motivation dès lors, d'une part, qu'elle ne mentionne pas les motifs pour lesquels il a été mis fin à son contrat d'accompagnement et, d'autre part, qu'elle n'indique pas le motif pour lequel la durée de la radiation a été portée à la durée maximale, soit six mois, alors que les dispositions de l'article R. 5412-5 du code du travail prévoient une durée de radiation de 15 jours ; qu'en l'espèce c'est le Tribunal qui a mentionné le motif pour lequel la radiation a été prononcée pour une durée de six mois ; qu'il n'appartient pas au Tribunal de motiver a posteriori une décision pour l'estimer régulière ;

- que le motif pour lequel la radiation a été prononcée, à savoir qu'il n'aurait pas donné suite à une proposition d'une action de formation est entaché d'erreur de fait dès lors que c'est l'association Aksis, agissant sur délégation de l'ANPE, qui a mis fin à la mesure pour des motifs restés à ce jour inconnus ; que c'était en réalité pour un autre motif que celui indiqué dans la décision que la mesure de radiation a été prise ; que le véritable motif de la décision est le comportement qui lui est prêté ; que les allégations de la société Aksis sont contredites par le fait qu'il a trouvé deux emplois pendant la période d'accompagnement ;

- que la rupture anticipée du contrat d'accompagnement n'est pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d'emploi ; que le motif prévu à l'article L. 5412-1 du code du travail correspond au cas du demandeur d'emploi qui ne donne pas suite à une proposition de formation ou d'aide à la recherche d'emploi ; que le 3 décembre 2008 lui a été notifiée la rupture du contrat d'accompagnement ; que cette mesure ne peut donner lieu ensuite à une radiation fondée sur un refus de donner suite à une action de formation ; que, sur ce point, le Tribunal n'a pas répondu au moyen de légalité interne et que Pôle emploi ne s'est pas davantage justifié ;

- que Pôle emploi le présente comme un individu difficile, voire dangereux mais n'en justifie aucunement ;

- qu'il a été relaxé à la suite du dépôt d'une plainte à son encontre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2011, présenté pour Pôle emploi qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que, comme l'a relevé le Tribunal, M. A a fait valoir ses observations par lettre en date du 10 décembre 2008 ; que ce courrier a été rédigé postérieurement à la réception de l'avertissement du 8 décembre 2008 ; que, dans ces conditions, il a pu faire valoir ses observations dans le délai de 15 jours ;

- que c'est avec mauvaise foi que M. A prétend avoir été radié de la liste des demandeurs d'emploi sans motif apparent alors qu'il a refusé de signer la feuille de présence de son entretien chez Aksis le 8 décembre 2008 ;

- que contrairement à ce que soutient M. A, la décision de radiation en date du 26 décembre 2008 est suffisamment motivée ; que cette décision est l'aboutissement de la procédure qui a débuté le 3 décembre 2008 ; que la décision du 10 décembre 2008 prise par le directeur de l'agence locale de Grenoble Alliance rappelait à l'intéressé qu'un avertissement avant radiation lui avait été envoyé le 8 décembre 2008 en lui demandant de présenter ses observations ; que cette même décision était également suffisamment motivée en droit puisqu'elle rappelait que la radiation était prise au regard des articles L. 5412-1 et R. 5412- 1 à R. 5412-8 du code du travail ;

- que M. A ne peut pas reprocher à la décision litigieuse de n'avoir pas expressément indiqué le motif pour lequel la radiation était prononcée pour une durée de six mois dès lors que la décision de radiation faisait référence à l'article R. 5412-5 du code du travail qui prévoit la possibilité de porter la période de radiation de deux à six mois lorsque les manquements sont répétés ; qu'à cet égard il n'est pas exigé que Pôle emploi reprenne l'historique des manquements du demandeur d'emploi ; qu'il suffit que ceux-ci existent, comme a pu le constater le Tribunal ; que, d'ailleurs, M. A ne conteste pas les deux mesures de radiation précédentes ;

- que les faits qui sont à l'origine de la mesure de radiation ont trait à un refus de poursuivre la prestation d'aide à la recherche d'emploi ; que cela est confirmé par les courriers en date des 3 et 10 décembre 2008 par lesquels M. A a cherché à justifier son refus de poursuivre la prestation en cause par le fait qu'il pouvait justifier de deux contrats de travail à durée déterminée ; que, dans ces conditions, M. A ne peut pas sérieusement affirmer que la décision litigieuse a été prise du fait de son comportement ; qu'à cet égard la procédure pénale qui a conduit à sa relaxe des fins de la poursuite concernant la menace proférée à l'encontre de M. B ne saurait être utilisée par M. A pour masquer le véritable motif de la décision litigieuse ;

- que contrairement à ce qu'il soutient, M. A a bien refusé de poursuivre la session d'aide à la recherche d'emploi comme le démontre la lettre du prestataire, Aksis, en date du 15 décembre 2008 ; que c'est ce motif qui a été retenu pour sanctionner l'intéressé ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2012, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2012, présenté pour Pôle emploi qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les lettres en date du 23 mars 2012 par lesquelles les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 2012, présenté pour Pôle emploi qui transmet à la Cour une décision du 6 avril 2012 statuant sur le recours de M. A contre la décision du 10 décembre 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2012, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête ; il demande en outre que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient en outre que Pôle emploi devra indiquer en quoi les pièces qu'il a communiquées à la Cour devraient justifier de la compétence de l'ANPE pour prendre la décision contestée ; que la décision de Pôle emploi du 6 avril 2012 doit être regardée comme une régularisation de la décision entachée d'incompétence prise par l'ANPE le 26 décembre 2008 ; que cette incompétence est insusceptible d'être régularisée en raison, d'une part, du délai qui s'est écoulé depuis les faits reprochés de radiation et, d'autre part, de l'intervention du jugement du tribunal administratif ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2012, présenté pour Pôle emploi qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'aucune règle ni aucun principe ne s'opposait à la régularisation de la décision prise le 26 décembre 2008 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 octobre 2011 accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

Considérant que, par décision du 10 décembre 2008, la directrice de l'agence Grenoble Alliance de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) a prononcé la radiation de M. A de la liste des demandeurs d'emploi pour six mois à compter du 8 décembre 2008 ; que, sur recours de l'intéressé, cette décision a été confirmée par le directeur délégué de l'ANPE de l'Isère le 26 décembre 2008 ; que M. A fait appel du jugement du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que le recours préalable prévu par les dispositions de l'article R. 5412-8 du code du travail ayant un caractère obligatoire, la décision prise sur ce recours se substitue à la décision initiale ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Grenoble a regardé la demande de M. A comme dirigée non contre la décision du 10 décembre 2008, mais contre celle du 26 décembre 2008 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 5412-1 du code du travail : " Est radiée de la liste des demandeurs d'emploi, dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, la personne qui : (...) 3° (...) sans motif légitime : (...) b) Refuse de suivre une action de formation ou d'aide à la recherche d'emploi proposée par l'un des services ou organismes mentionnés à l'article L. 5311-2 et s'inscrivant dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5412-5 du même code : " La radiation de la liste des demandeurs d'emploi entraîne l'impossibilité d'obtenir une nouvelle inscription : / 1° Pendant une période de quinze jours lorsque sont constatés pour la première fois les manquements mentionnés au 1° et aux b, e et f du 3° de l'article L. 5412-1. En cas de manquements répétés, cette période peut être portée à une durée comprise entre un et six mois consécutifs (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5412-7 de ce code : "La décision de radiation du demandeur d'emploi intervient après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations écrites. / La décision, notifiée à l'intéressé, est motivée. Elle indique la durée de la radiation. " ;

Considérant, d'autre part, que l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public impose la motivation des décisions qui infligent une sanction ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la radiation de la liste des demandeurs d'emploi est prononcée pour un motif mentionné notamment au b du 3° de l'article L. 5412-1 du code du travail, cette sanction doit comporter l'indication des manquements répétés reprochés à l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la radiation de M. A de la liste des demandeurs d'emploi pour une durée de six mois a été décidée en raison de son refus de suivre une action de formation ; que toutefois, la décision du 26 décembre 2008 lui infligeant cette sanction se borne à mentionner que " les éléments apportés, notamment le fait que le prestataire Aksis aurait mis fin à [son] accompagnement sans motif apparent, ne permettent pas de réserver une suite favorable à [son] recours ", sans indiquer les faits constituant des manquements répétés de l'intéressé à ses obligations ; que, dès lors, cette décision est insuffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Considérant que M. A n'allègue pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 7 octobre 2011 ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Pôle emploi une somme au titre des frais que cet organisme a exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2011 et la décision du directeur délégué de l'ANPE de l'Isère le 26 décembre 2008 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A et de Pôle emploi tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Frédéric A et à Pôle emploi.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2012.

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N° 11LY01724 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01724
Date de la décision : 21/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-11-02 Travail et emploi. Service public de l'emploi. Radiation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP RICARD MOISSENET GUILLERMET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-21;11ly01724 ?
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