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29/05/2012 | FRANCE | N°11LY02125

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 mai 2012, 11LY02125


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 29 août 2011, présentée par le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE ;

Le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101161 du 4 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 5 mai 2011, refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ali A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, lui a fait injonction de délivrer à l'intére

ssé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 29 août 2011, présentée par le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE ;

Le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101161 du 4 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 5 mai 2011, refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ali A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, lui a fait injonction de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet soutient que M. A avait uniquement présenté une demande tendant au renouvellement de son certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade et n'avait envisagé sa situation de salarié qu'à titre subsidiaire et que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas procédé à un examen particulier de la demande présentée par l'intéressé ; que M. A n'établit pas l'impossibilité pour lui de bénéficier de façon effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que, par suite, c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour avait méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 9 décembre 2011, présenté pour M. Ali A, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet n'avait pas procédé à un examen particulier de sa demande ; que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; qu'ayant vécu en Algérie les événements traumatisants qui sont à l'origine des troubles psychiatriques dont il souffre, il ne peut ainsi bénéficier de façon effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour avait méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que compte tenu de sa parfaite intégration, de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; que cette même décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision désignant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2012, présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2012 :

- le rapport de M. Moutte, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me Grenier, avocat de M. A ;

Considérant que M. Ali A, ressortissant algérien né le 17 janvier 1963, est entré en France le 11 octobre 2004 et a déposé une demande d'asile qui a été rejetée ; qu'il a toutefois obtenu en 2007 un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par les décisions en litige du 5 mai 2011, le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que M. A a déféré ces trois dernières décisions à la censure du tribunal administratif de Dijon, lequel, par jugement du 4 août 2011, a fait droit à sa demande, aux motifs que le préfet n'avait pas examiné la demande présentée pour l'obtention d'un certificat de séjour en qualité de salarié et que le refus de renouvellement de titre de séjour contesté avait méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE fait appel de ce jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté aux services de la préfecture de Saône-et-Loire une demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de ressortissant algérien dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale ; que si son avocat a indiqué de manière incidente dans un courrier du 23 mars 2011 au soutien de cette demande qu'il pourrait également se voir accorder un certificat de résidence comme salarié, une telle phrase, insérée au sein d'une correspondance dont l'objet était de confirmer la demande initialement présentée, ne saurait constituer une demande de titre de séjour que le préfet aurait dû examiner ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que le préfet s'était abstenu d'examiner la demande de M. A au titre des stipulations de l'accord franco-algérien relatives aux demandes de certificat de résidence en qualité de salarié ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique, devenu le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui est atteint de troubles psychiatriques sévères et bénéficie en France d'une prise en charge médicale consistant en un suivi régulier et en un traitement médicamenteux de longue durée, s'est vu délivrer, du 3 octobre 2007 au 2 octobre 2010, un certificat de résidence algérien en application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par la décision du 5 mai 2011, le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, après que le médecin inspecteur de santé publique, consulté, a estimé, le 20 décembre 2010, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, ni le certificat médical établi le 19 octobre 2010 par un médecin généraliste produit par M. A attestant que les troubles psychiatriques dont il souffre sont liés à des événements traumatisants qu'il a vécus en Algérie avant son entrée sur le territoire français en 2004 et indiquant qu'un retour dans ce pays constituerait un risque majeur de rechute, ni une ordonnance rédigée par un autre médecin omnipraticien ne sont de nature à établir que l'intéressé, qui était revenu une première fois en Algérie entre 2000 et 2004 après un séjour en France motivé selon lui par les risques encourus en Algérie et à qui la qualité de réfugié n'a pas été reconnue, n'établissent l'impossibilité, pour M. A, de bénéficier d'un traitement effectivement approprié dans ce pays ; que cette impossibilité n'est pas plus établie par deux certificats médicaux rédigés par les mêmes médecins les 17 et 19 mai 2011, d'ailleurs postérieurement à la décision attaquée ; qu'ainsi, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, c'est également à tort que les premiers juges ont annulé, pour ce motif, la décision du 5 mai 2011, par laquelle le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de M. A ;

Considérant que la décision de refus de titre de séjour comporte un énoncé suffisamment précis des éléments de fait et de droit la fondant et satisfait ainsi à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision disposant que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'obligation de quitter le territoire est inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que M. A, est entré sur le territoire français le 11 octobre 2004 mais a vécu l'essentiel de son existence en Algérie où réside son épouse ; qu'ainsi, et alors même qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée et qu'il a accompli des efforts en vue de son insertion, les décisions attaquées lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'eu égard à ces mêmes éléments, elles ne sont pas non plus entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation du requérant ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, l'obligation faite à M. A de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent de prononcer une obligation de quitter le territoire en raison de l'état de santé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait des risques le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine et qu'ainsi qu'il a déjà été exposé il ne pourrait y être soigné pour ses troubles psychiatriques ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 5 mai 2011, par lesquelles il a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, lui a fait injonction de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées sur le même fondement par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du 4 août 2011 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande de M. A devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat et de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A, au PREFET DE SAÔNE-ET-LOIRE et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 29 mai 2012.

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N° 11LY02125

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02125
Date de la décision : 29/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-29;11ly02125 ?
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