La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2012 | FRANCE | N°11LY02044

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2012, 11LY02044


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 août 2011, présentée pour Mme Diana A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102183 du Tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 25 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;



Elle soutient que son état de santé requiert non seulement un suivi, mais un traitement...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 août 2011, présentée pour Mme Diana A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102183 du Tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 25 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

Elle soutient que son état de santé requiert non seulement un suivi, mais un traitement médical et que l'accès effectif à un tel traitement médical est impossible dans son pays d'origine ; que notamment, elle ne peut pas bénéficier du traitement qui lui est nécessaire dans le pays dont elle est originaire en l'absence de prise en charge du coût du traitement médical ; que le jugement contesté est entaché d'erreurs de fait lorsqu'il évoque sa vie privée et familiale en France et que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que le jugement contesté ne comporte pas de motivation révélant un examen du moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 30 mars 2012, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que consécutivement à une nouvelle demande de délivrance de titre de séjour formulée par Mme A postérieurement aux décisions en litige, et suite à l'avis favorable émis par le médecin inspecteur de santé publique, il a accordé à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour valable six mois, renouvelée depuis ; que la requérante n'établit pas qu'elle suivait un traitement médical à la date de l'arrêté litigieux et, qu'en tout état de cause, la prise en charge financière d'un éventuel traitement médical était rendue possible en Moldavie par l'existence, dans ce pays, d'un système de sécurité sociale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante soit séparée du père de son enfant, lequel ne dispose d'aucun droit au séjour sur le territoire français ; qu'elle ne justifie pas de l'aboutissement de la procédure d'adoption dont elle affirme devoir bénéficier de la part d'un couple de Français ; que plusieurs des membres de sa famille vivent en Italie ; qu'elle a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales et ne peut donc être regardée comme intégrée dans la société française de façon satisfaisante ; qu'il n'a donc pas méconnu, par l'arrêté litigieux, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision en litige n'a pas pour effet d'éloigner la requérante de son enfant ; que, par suite, il n'a pas davantage méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la décision du 7 octobre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

Sur l'étendue du litige :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, le préfet du Rhône a accordé à Mme A, à la suite d'une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour, une autorisation provisoire de séjour valable du 16 septembre au 15 décembre 2011, renouvelée depuis pour une période de trois mois à deux reprises ; qu'il a, ainsi, implicitement mais nécessairement abrogé la mesure d'éloignement qu'il avait prise à l'encontre de l'intéressé, le 25 février 2011 ; que cette abrogation étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, les conclusions, présentées par Mme A, tendant à l'annulation de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ; qu'en revanche, la délivrance de ces autorisations provisoires de séjour ne rend pas sans objet les conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme A soutient que le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; qu'il ressort des mentions de la requête de première instance que ce moyen avait été effectivement soulevé à l'encontre de la décision refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour et les premiers juges, en ne statuant pas sur ce moyen, ont entaché leur jugement d'une omission à statuer ; que le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il convient d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme A tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour ;

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que la décision de refus de séjour contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et expose notamment les données de la situation privée et familiale de Mme A sur lesquelles le préfet du Rhône s'est appuyé ; que la circonstance qu'elle ne reprend pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation familiale de l'intéressée n'est pas de nature à faire regarder ladite décision comme insuffisamment motivée ; qu'il suit de là qu'elle est suffisamment motivée et qu'elle satisfait aux exigences de motivation posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité moldave, a sollicité, le 15 juin 2010, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté du 25 février 2011 par lequel le préfet du Rhône a refusé la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue au 11° de l'article L. 313-11 est fondé sur un avis médical rendu le 23 juin 2010 et sur la circonstance que Mme A, dont l'état de santé nécessite des soins de longue durée dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, pour contester cette décision, la requérante fait valoir que son état de santé exige une thérapeutique antivirale et que l'accès effectif à un tel traitement médical est impossible dans son pays d'origine, ce qui est confirmé par l'avis du médecin inspecteur de santé publique rendu le 23 juin 2010, qui indique qu'elle pourrait bénéficier d'un suivi, et non d'un traitement, dans le pays dont elle est originaire ; qu'il ressort des pièces médicales produites au dossier qu'à la date de la décision en litige, le 25 février 2011, Mme A avait achevé un premier traitement antiviral, son état de santé ne nécessitant alors qu'un suivi, et qu'elle a dû entreprendre un nouveau traitement antiviral en avril 2011, postérieurement à la date de la décision contestée ; que, par suite, lorsque le préfet du Rhône a refusé à Mme A la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé nécessitait une surveillance clinique et biologique qui pouvait être assurée en Moldavie mais n'exigeait pas une thérapeutique antivirale ; que Mme A n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de la requérante doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que Mme A, née le 15 mai 1980, fait valoir qu'elle réside en France depuis juin 2004, qu'elle est mère d'une enfant née le 5 octobre 2005 et scolarisée, que le père de son enfant, incarcéré sur le territoire français, ne sera libéré qu'en avril 2012, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de vendeuse et qu'elle a développé des liens personnels en France, notamment avec un couple de Français qui a entamé des démarches pour l'adopter en juillet 2010 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A a été condamnée à trois reprises, entre 2005 et 2009, à des peines d'emprisonnement pour vols en réunion et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, ce qui ne témoigne pas d'une bonne intégration au sein de la société française ; qu'elle n'établit pas que le père de son enfant, ressortissant arménien dont elle est séparée, entretienne des relations régulières avec celle-ci ; que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités compétentes ; que sa mère, veuve, et son frère résident en Italie ; que la naissance d'une enfant en France, de nationalité arménienne, même scolarisée en grande section de l'école maternelle, ne saurait ouvrir à elle seule un droit au séjour pour sa mère ; qu'ainsi, Mme A, qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et qui n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale ailleurs qu'en France, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ledit arrêté est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'à la date de la décision en litige, sa fille, née et scolarisée en France, avait toutes ses attaches personnelles dans ce pays et que le père de celle-ci était incarcéré sur le territoire français ; que, toutefois, comme il a été dit ci-dessus, Mme A n'établit pas que le père de son enfant, ressortissant arménien dont elle est séparée, entretienne des relations régulières avec celle-ci ; que, par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces produites au dossier qu'un retour de la requérante dans son pays d'origine en compagnie de son enfant aurait pour conséquence d'empêcher la poursuite par cette dernière d'une scolarité normale, compte tenu de son jeune âge et du caractère très récent de sa scolarisation en France ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 25 février 2011 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme A et dirigées contre la décision du préfet du Rhône du 25 février 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : Le jugement n° 1102183 du Tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2011 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A dirigées contre la décision du préfet du Rhône, du 25 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A, dirigées contre la décision du 25 février 2011 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Diana A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2012.

''

''

''

''

1

6

N° 11LY02044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02044
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LEGRAND-CASTELLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-24;11ly02044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award