Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2011, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES INFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM) qui demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0700189 du 30 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoie la somme de 58 439 euros correspondant aux dépenses de santé exposées au profit de Mme A ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par la CPAM de la Haute-Savoie devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la CPAM de la Haute-Savoie à lui rembourser la somme de 58 439 euros augmentée des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la CPAM de la Haute-Savoie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités en ce qu'il a été rendu en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ; que les premiers juges auraient dû faire droit à sa demande de réouverture de l'instruction dès lors qu'il invoquait la circonstance de droit nouvelle qu'a constitué l'entrée en vigueur de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- que c'est à tort que les premiers juges ont relevé d'office la possibilité d'une substitution de plein droit de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang (EFS) alors qu'aucunes conclusions n'étaient dirigées contre l'ONIAM ;
- que la substitution de l'ONIAM à l'EFS doit se limiter aux victimes directes et ne doit pas s'étendre aux tiers payeurs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 mai 2011, présenté pour la CPAM de la Haute-Savoie qui conclut au rejet de la requête, à la capitalisation des intérêts échus de la somme de 58 439 euros, à la condamnation de l'ONIAM à lui payer la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et à la mise à la charge de l'ONIAM d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'aucune violation du principe du contradictoire ou des droits de la défense ne saurait être retenue dès lors que le Tribunal a tenu compte des mémoires de l'ONIAM enregistrés les 6 et 13 décembre 2010 ;
- que lorsqu'il se trouve substitué à l'EFS, l'ONIAM ne se présente pas en qualité de payeur au titre de la solidarité nationale, mais comme responsable de la contamination ; que, par voie de conséquence, son recours subrogatoire est recevable à l'encontre de l'ONIAM ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2011, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre qu'il revient à la CPAM de la Haute-Savoie de démontrer que les créances dont elle sollicite le remboursement sont liées à la contamination hépatique C par voie post-transfusionnelles de Mme A ; que la CPAM de la Haute-Savoie ne démontre pas l'imputabilité des indemnités journalières - évaluées par le Tribunal à 14 123,06 euros - à la contamination de Mme A par le VHC ; que l'expert n'a retenu comme période d'incapacité de travail liée à la contamination que la journée du 10 janvier 2000 et la période du 6 mars 2000 au 9 mars 2000 soit 5 jours ; qu'au cours de cette période, les indemnités journalières versées à Mme A étant de 24,75 euros par jour, le montant total des indemnités journalières imputables à la contamination par le VHC est de 223,75 euros ; que, dans ces conditions, le jugement attaqué devra être réformé et que le montant des débours de la CPAM de la Haute-Savoie mis à la charge de l'ONIAM sera réduit à de plus justes proportions sans pouvoir dépasser la somme de 44 439,93 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, et notamment son article 67 ;
Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;
Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;
Vu l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Vu l'arrêté du 29 novembre 2011 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Michaud, avocat de la CPAM de la Haute-Savoie ;
Considérant que Mme A, hospitalisée du 10 septembre au 22 novembre 1976 au centre hospitalier de Chambéry, a reçu lors de cette hospitalisation trente quatre lots de sang ou de produits dérivés du sang ; qu'en raison d'une fatigue persistante, il a été demandé en 1993 une sérologie de l'hépatite C qui s'est révélée positive ; que, par ordonnance de référé du 11 septembre 2001, le président du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a désigné M. Guyot en qualité d'expert ; que ce dernier a rendu son rapport le 14 octobre 2002, avant que cette juridiction ne se déclare incompétente ; que l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES INFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM) fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoie la somme de 58 439 euros correspondant aux dépenses de santé qu'elle a exposées au profit de Mme A ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'ONIAM est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 " ; que toutefois, aux termes des dispositions transitoires figurant au IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;
Considérant que dans le litige qui opposait Mme A et la CPAM de la Haute-Savoie à l'Etablissement français du sang (EFS) devant le Tribunal administratif de Grenoble, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2009 par une ordonnance du 26 novembre 2009 ; que l'ONIAM ne s'est trouvé de plein droit substitué à l'EFS que le 1er juin 2010, à la suite de l'intervention des décrets du 11 mars 2010 susvisés ; que cette circonstance de droit, postérieure à la clôture de l'instruction, a été invoquée par l'ONIAM par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 6 décembre 2010 ; qu'en statuant sur les conclusions de la CPAM de la Haute-Savoie le 30 décembre 2010, sans avoir rouvert l'instruction, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, l'ONIAM est fondé à en demander, dans cette mesure, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la CPAM de la Haute-Savoie devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la substitution de l'ONIAM à l'EFS et sa portée :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, applicable au présent litige : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;
Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n' était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ;
Considérant qu'en l'espèce, selon le rapport de l'expert, tous les éléments disponibles indiquent que le sang et les dérivés du sang reçus en 1976 sont à l'origine de l'hépatite C de Mme A ; que, dès lors, en application du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 susvisée, il appartient à l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la contamination de Mme A, d'indemniser la CPAM de la Haute-Savoie de ses débours qui sont imputables à cette contamination ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'en ce qui concerne les dépenses de santé, la CPAM de la Haute-Savoie justifie de dépenses d'hospitalisation et de frais médicaux imputables à la contamination par le VHC de Mme A s'élevant à, respectivement, 324,04 euros et 37 859,10 euros ;
Considérant qu'en ce qui concerne les pertes de revenus, si l'ONIAM fait valoir que la période d'incapacité de travail imputable à la contamination de Mme A n'a concerné que la journée du 10 janvier 2000 et la période du 6 mars au 9 mars 2000, il ressort cependant du rapport d'expertise que les arrêts de travail de l'intéressée ont porté sur la période du 1er décembre 1999 au 3 juillet 2001 et qu'elle a été ensuite licenciée pour inaptitude ; que, dès lors, la caisse a droit au remboursement des indemnités journalières qu'elles a versées du 1er décembre 1999 au 30 juin 2001, soit 14 123,06 euros, et d'une fraction de 10 %, imputable à la contamination, des arrérages de la rente d'invalidité qui a été ensuite payée à la victime, jusqu'au 30 janvier 2008, soit 6 133,04 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CPAM de la Haute-Savoie est fondée à demander la condamnation de l'ONIAM à lui payer la somme de 58 439 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que, comme elle le demande, la CPAM de la Haute-Savoie a droit aux intérêts de la somme de 58 439 euros à compter du 16 mars 2007, date d'enregistrement de son mémoire au greffe du Tribunal administratif de Grenoble ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 24 mai 2011 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande, conformément à l'article 1154 du code civil, à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant que la CPAM de la Haute-Savoie a droit à l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 997 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 29 novembre 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CPAM de la Haute-Savoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à l'ONIAM au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à la CPAM de la Haute-Savoie de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : En tant qu'il condamne l'ONIAM à verser une somme à la CPAM de la Haute-Savoie, l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2010 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à la CPAM de la Haute-Savoie la somme de 58 439 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2007. Les intérêts échus le 24 mai 2011 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à la CPAM de la Haute-Savoie la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : L'ONIAM versera à la CPAM de la Haute-Savoie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES INFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 avril 2012.
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N° 11LY00549