La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2012 | FRANCE | N°10LY02265

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 10 avril 2012, 10LY02265


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 17 septembre 2010, régularisée le 20 septembre 2010, présentée pour la SARL MANHATTAN, ayant son siège 48, rue Carnot, Annecy (74000) ;

La SARL MANHATTAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600528, 0600845 du 21 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, d'aut

re part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour l...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 17 septembre 2010, régularisée le 20 septembre 2010, présentée pour la SARL MANHATTAN, ayant son siège 48, rue Carnot, Annecy (74000) ;

La SARL MANHATTAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600528, 0600845 du 21 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 1999 au 30 novembre 2002 ;

2°) de prononcer, au besoin après qu'un expert aura été désigné aux fins de reconstituer le chiffre d'affaire litigieux, la décharge des impositions restant mises à sa charge, soit la somme globale de 283 055 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient:

- que sa demande de première instance est recevable ;

- que la régularité de la procédure d'imposition est affectée par la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dès lors, d'une part, que la proposition de rectification a inclus outre les rectifications établies à l'issue de la vérification de comptabilité, des rehaussements issus d'un écart entre le bénéfice déclaré et la liquidation de l'impôt, d'autre part qu'elle n'a pas indiqué clairement les conséquences financières de la vérification de comptabilité ; qu'en outre, les montants d'imposition indiqués par l'interlocuteur départemental diffèrent de ceux finalement mis en recouvrement ;

- que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, et excessivement sommaire, et l'évaluation des recettes réalisées sur les " soirées à 100 F " est exagérée ; que la consommation moyenne d'alcool par client retenue par le service, à proportion de trois offerts pour deux payés, a été sous-évaluée, que la répartition entre les consommations servies au verres et les ventes de bouteilles a été mal appréciée, et le dosage des verres irréaliste compte tenu de la pratique réelle de l'établissement ; que les boissons non alcoolisées n'étaient pas exclusivement utilisées comme adjuvants ; que les gobelets, dont la preuve de l'achat est apportée, étaient souvent d'une contenance de 25 cl, et non 20 cl, et leur usage était exclusivement réservé à ces soirées ; que le ratio d'offerts retenu par l'administration est nettement insuffisant au regard des conditions réelles d'exploitation ; que le taux de pertes sur fûts de bière est sous-estimé ; que le service n'a pas tenu compte des entrées enregistrées en billetterie, dont la régularité n'est pas contestée, ne serait-ce que pour vérifier le réalisme de sa méthode ; que la reconstitution ne s'est fondée que sur les tarifs des consommations en discothèque, plus élevés, sans tenir compte de son activité de bar, ainsi que des tarifs préférentiels avant minuit ou, selon les jours, une heure du matin ; qu'elle n'a pas pris en compte l'habitude des clients qui fréquemment regroupent leurs tickets afin d'obtenir une bouteille ; que l'importante hausse du chiffre d'affaires reconstitué, sur les trois années vérifiées, est irréaliste, à moyens d'exploitation constants ;

- que la part de 65 % de recettes encaissées espèces, retenue en l'absence de relevé détaillé d'opérations de caisse, par le vérificateur, est exagérée au regard des barèmes de la profession, de l'ordre de 35 % ; qu'en outre, l'usage de la carte bancaire ayant supplanté l'habitude des paiements en espèces, l'importance relative de ces derniers, dans la reconstitution critiquée, illustre l'absence de réalisme de la méthode, nonobstant le refus, par l'établissement, des paiements par chèque ;

- que la société n'étant pas tenue de valoriser ses stocks selon la règle du " dernier entré dernier sorti ", et pouvant pratiquer des décotes directes sur la valeur de ses stocks, le rehaussement tiré d'une insuffisance d'actif net n'est pas fondé ;

- que tant la TVA déduite prématurément, que la TVA à décaisser, ne pouvaient être rappelées au titre de l'échéance d'avril 2002, dès lors que la période vérifiée s'étendait au 30 novembre 2002 ;

- que les pénalités pour mauvaise foi ne sont pas justifiées ; qu'elle n'était pas tenue de disposer d'une caisse enregistreuse et pouvait se limiter à l'enregistrement global de ses opérations inférieures à 76 euros ; que les éventuelles insuffisances de l'enregistrement des recettes ne sauraient être regardées comme organisées aux fins d'empêcher leur contrôle précis ; que le montant des sommes en litige ne correspond plus qu'à 2,5 % du chiffre d'affaires déclaré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que s'agissant de la régularité de la procédure, les dispositions de l'article L. 48 n'ont pas été méconnues ; que la notification de redressements mentionne les conséquences financières des redressements envisagés ; que le tableau qui y est adjoint se borne à informer le contribuable de l'écart de liquidation entre le bordereau avis d'impôt sur les sociétés et les bases déclarées initialement, cet écart de 20 108 euros n'ayant pas à figurer dans le corps de la notification de redressements, puisque ne correspondant pas à une insuffisance constatée dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; que les conséquences financières de la VC ont été pour la dernière fois notifiées suite à l'interlocution départementale du 21 octobre 2003, par courrier dont il a été accusé réception le 2 décembre 2003 ; que rien ne s'opposait à ce que ce dernier notifiât les conséquences financières définitives du contrôle ; que l'écart minime existant entre ces montants et ceux mis en recouvrement, au demeurant favorable au contribuable, ne saurait affecter la régularité de la procédure d'imposition ;

- que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de tout caractère probant ; que l'exercice du droit de communication auprès de la DDCCRF a permis de constater l'existence d'achats sans factures, parmi lesquels des boissons dont la vente était alors interdite en France ; qu'elle était ainsi fondée à procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires, à partir du dépouillement exhaustif des factures d'achats et des stocks ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au maintien des redressements ; que la charge de la preuve incombe donc au requérant ;

- qu'afin de procéder à la reconstitution, il a été tenu compte des éléments communiqués par le gérant s'agissant des dosages, des tarifs, et de la répartition verres/bouteilles, des pertes et consommations du personnel, qu'un taux d'offerts de 16 % a été appliqué ; que les entrées n'ont pas été valorisées en tant que telles, donnant droit à la consommation d'une boisson ; que s'agissant des " soirées à 100 F ", la société n'apporte pas la preuve, notamment à partir des achats de gobelets, que les clients auraient consommé, en sus des deux boissons équivalent au prix du ticket, une moyenne de 5 à 7 boissons gratuites, au lieu des 3 retenues par le service ; que les gobelets à bière ont été extournés du calcul, la reconstitution ne portant que sur les alcools forts ; qu'il n'est pas établi que les gobelets étaient réservés à ces soirées, et n'aient pas été utilisés pour la consommation de boissons non alcoolisées ou d'eau, le restant de l'année ; que tous les clients ne consomment pas d'alcool ; que le constat d'huissier réalisé au demeurant 4 ans plus tard, pour les besoins de la cause, est sans influence ; que la société n'établit pas que la méthode serait excessivement sommaire ou radicalement viciée ; que la société requérante n'apporte pas la preuve d'une surestimation des recettes en espèces, ni d'un important usage de la carte bancaire ; qu'il est normal, les omissions de recettes ayant nécessairement été réalisées en espèces, que la part relative de ce mode de paiement ait augmenté très sensiblement au terme de la reconstitution ; que la société a reconnu que l'entrée payante donnait lieu à une boisson gratuite ; qu'elle n'établit pas que les clients se regroupaient pour obtenir des bouteilles ; que dès lors qu'elle n'ouvrait plus qu'à 23 heures à compter de février 2000, les valeurs reconstituées de son chiffre d'affaires " discothèque ", au demeurant en pleine extension, ne sont pas anormales ; que les tarifs " bar ", appliqués avant minuit, n'étaient pas inférieurs de moitié aux prix pratiqués dans le cadre de l'activité " discothèque ", contrairement à ce qui est allégué; qu'en outre, cette période d' " happy hour " était marginale, compte tenu de l'heure d'ouverture, à 23 h ; que les prospectus publicitaires communiqués par le gérant durant le contrôle étaient trop incomplets pour déterminer les exactes conditions tarifaires de ces soirées, et leurs modalités de gestion ; que contrairement à ce qui est soutenu, la billetterie était irrégulièrement tenue, les tickets d'entrée n'étaient remis que les vendredis et samedis soir, et ont été présentés en vrac, non datés, et donc non exploitables ; qu'en outre, les entrées gratuites ne donnaient pas lieu à remise d'un ticket ; que la ventilation entre les consommations au verre et par bouteilles entières est issue des déclarations du gérant, ainsi que ses indications relatives aux dosages ; que les adjuvants n'ont pas été valorisés seuls ; qu'ainsi, la société requérante n'établit pas que les reconstitutions qu'elle critique seraient exagérées ;

- qu'a en outre donné lieu à rehaussement une insuffisance d'actif net en 2002 correspondant à une minoration de la valeur des bouteilles stockées au regard des factures d'achat ; que s'agissant d'une discothèque, ces stocks correspondent aux invendus en fin d'exercice, de produits non susceptibles de dépréciation, et donc ne justifiant pas la décote directe alléguée ;

- que n'étaient pas prématurés les rappels de TVA issus des soldes créditeurs injustifiés des comptes " TVA déductible " et " TVA à décaisser ", constatés à la clôture du 30 avril 2002, dès lors que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces écritures n'avaient pas donné lieu à régularisation à la date du 30 novembre 2002, marquant la fin de la période vérifiée ;

- que les pénalités pour mauvaise foi sont justifiées par la minoration délibérée et systématique des recettes, dissimulées à hauteur d'environ 30 % du chiffre d'affaires de la société, grâce à l'absence de caisse enregistreuse, de tenue d'une billetterie des entrées gratuites, et à la globalisation des recettes en fin de journée ;

Vu l'ordonnance en date du 20 avril 2011 fixant la clôture d'instruction au 20 mai 2011 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 29 février 2012 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2012 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que la SARL MANHATTAN, qui exploitait une discothèque sous l'enseigne " Happy People ", à Annecy, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur ses exercices clos les 30 avril 2000, 2001 et 2002, et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er mai 1999 au 30 novembre 2002 ; qu'à l'issue de cette vérification, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités pour mauvaise foi ; que la SARL MANHATTAN relève appel du jugement du 21 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision du 20 avril 2010, antérieure au jugement, l'administration a prononcé un dégrèvement de 740 euros en droits et pénalités au titre de l'année 2000 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SARL MANHATTAN pour la période du 1er mai 1999 au 30 novembre 2002 ; que par suite, le Tribunal administratif de Grenoble aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande n° 060845 à concurrence de cette somme ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il s'est borné à rejeter ces conclusions devenues sans objet au cours de la procédure de première instance, de les évoquer immédiatement et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements du 9 mai 2003 adressée à la SARL MANHATTAN précise, les conséquences financières du contrôle par l'exposé détaillé, en droits et pénalités, des montants des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire sur cet impôt, ainsi que des rappels de TVA ; qu'elle distingue en outre, pour l'exercice clos en 2002, au titre duquel la société n'avait pas déposé de " bordereau avis " d'impôt sur les sociétés ni acquitté spontanément cette imposition, l'écart de liquidation entre les impositions supplémentaires résultant des rectifications proposées à l'issue de la vérification de comptabilité, et les droits liquidés sur la base déclarée par la société, qui ne résultent pas d'une rectification d'assiette, mais sont l'objet d'une majoration de 10 % pour retard de paiement ; qu'ainsi, contrairement à ce que prétend la SARL MANHATTAN, la notification de redressements lui a indiqué de façon complète et claire, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, le montant des droits et pénalités envisagés à l'issue du contrôle ;

Considérant, en second lieu, que le compte rendu de l'entrevue du 21 octobre 2003 avec l'interlocuteur départemental, adressé à la SARL MANHATTAN par courrier du 17 novembre 2003, comportait en annexe une actualisation des conséquences financières du redressement, compte tenu de la réduction des rehaussements consentie par le service à la suite de cette interlocution ; que l'administration a ainsi intégralement mis en oeuvre les formalités prévues à l'article L. 48 précité du livre des procédures fiscales, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, d'une part, de ce que ces conséquences financières lui ont été adressées par l'interlocuteur départemental, ni, d'autre part, de la circonstance que le montant de 21 072 euros des pénalités pour mauvaise foi mises en recouvrement au titre de l'année 2002, différait du montant de 21 173 euros indiqué dans le courrier précité, lequel, au regard de cet écart très faible et en tout état de cause favorable au contribuable, n'était pas entaché d'une imprécision telle qu'il puisse être regardé comme susceptible d'avoir substantiellement affecté l'information du contribuable et, par suite, la régularité de la procédure ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :

S'agissant de la reconstitution de recettes :

Considérant qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes encaissées par la SARL MANHATTAN dans le cadre de son activité de discothèque, seule en litige, ne donnaient lieu à aucun enregistrement détaillé des recettes, mais n'étaient, en l'absence de caisse enregistreuse, retracées que de façon globalisée, en fin de journée ; qu'en outre, il n'était pas tenu des relevés journaliers du nombre des entrées, gratuites et payantes, identifiées par une numérotation séquentielle ; qu'eu égard à ces seules irrégularités, dont la gravité n'est d'ailleurs pas contestée, et compte tenu de ce que les impositions en litige ont été mises en recouvrement conformément à l'avis du 10 septembre 2004 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il incombe à la société requérante d'établir le caractère exagéré des impositions contestées ;

Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires que retirait la société vérifiée des ventes d'alcools forts, le vérificateur s'est fondé sur un dépouillement exhaustif des factures d'achats qui lui ont été présentées, ainsi que des stocks ; qu'il a déterminé sur la base des informations que lui avait communiquées le gérant lors du contrôle, les tarifs et les dosages des consommations, leur répartition entre celles vendues au verre ou par bouteilles entières, ainsi que la proportions des pertes et des consommations du personnel ; qu'il a en outre retenu un taux d'offerts de 16 % et estimé que lors des " soirées à 100 F ", chaque client consommait, en contrepartie de ce prix forfaitaire, en moyenne cinq boissons, soit trois gratuites au regard de leur prix unitaire, hors soirées, de 50 francs ;

Considérant que la société n'assortit d'aucun élément tangible ses allégations selon lesquelles les clients auraient, lors de ces soirées, consommé davantage que la valeur moyenne ainsi retenue par le service ; qu'elle n'établit pas davantage que la ventilation entre les consommations servies au verre et les ventes de bouteilles aurait été mal appréciée, ni que le dosage des verres et des gobelets serait irréaliste compte tenu des pratiques commerciales de l'établissement, ces dernières n'étant nullement précisées par des documents probants notamment s'agissant des " soirées à 100 francs " ; qu'elle n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que le ratio d'offerts, comme le taux de pertes sur fûts de bière, retenus par le service, seraient sous-estimés ; que si elle fait état de l'existence d' " happy hours ", mais aussi d'une pratique prétendument habituelle selon laquelle les clients regrouperaient leurs tickets afin d'obtenir, par groupe de cinq, la délivrance d'une bouteille, elle n'établit nullement la réalité de ses dires ; qu' elle ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de prise en compte des données issues de la billetterie, lesquelles, ainsi qu'il a été dit, n'était pas tenue de façon régulière ; qu'enfin, l'importance relative des encaissements espèces, au sein du chiffre d'affaires ainsi reconstitué, non seulement ne constitue pas par elle-même un indice du caractère sommaire de la méthode critiquée, mais résulte précisément de l'importance des dissimulations de recettes mises en évidence par le service ; qu'il en va de même de forte tendance haussière, sur les trois exercices, du chiffre d'affaires reconstitué, la société ayant au demeurant admis lors du contrôle le développement important de la fréquentation de cet établissement sur la période ; qu'il résulte de ce qui précède que la SARL MANHATTAN, qui en avançant des calculs plus favorables à partir de données dépourvues de toute justification, ne saurait être regardée comme proposant une méthode plus fiable que celle mise en oeuvre par l'administration, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que cette dernière serait radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni que les évaluations en résultant sont exagérées ;

S'agissant de l'insuffisance d'actif :

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l 'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L' actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ;

Considérant que l'administration, ayant constaté que la valeur unitaire des bouteilles d'alcools forts invendues et enregistrées au compte " stock " à la clôture de l'exercice 2002, avait été calculée sur la base de prix inférieurs presque de moitié à ceux facturés par ses fournisseurs pour des articles identiques, a regardé cette minoration injustifiée comme constituant une insuffisance d'actif net, qu'elle a réintégrée, à concurrence de 3 268, 72 euros au résultat imposable de la SARL MANHATTAN ; qu'alors qu'en tout état de cause, elle ne justifie nullement de factures même anciennes susceptibles de correspondre à de tels prix d'acquisition, la société vérifiée ne saurait se borner à faire valoir qu'elle n'était pas tenue par la règle du " premier entré premier sorti ", et qu'il lui était loisible de pratiquer une " décote directe " sur la valeur de ces marchandises, lesquelles sont constituées de produits standards, ni périssables ni dépréciables à court terme ; que c'est donc à bon droit que l'administration a constaté une telle minoration des stocks à la clôture de l'exercice 2002, et a procédé à la réintégration de cette insuffisance d'actif dans son résultat imposable au titre de cet exercice ;

S'agissant des rappels de TVA :

Considérant qu'il est constant qu'au 30 avril 2002, les comptes " TVA déductible " et " TVA à décaisser " présentaient des soldes créditeurs injustifiés, pour respectivement 14 532 euros et 1835 euros ; que si la période vérifiée en matière de TVA s'étendait jusqu'au 30 novembre 2002, comme le rappelle la société vérifiée, celle-ci n'établit toutefois pas avoir davantage, à cette échéance, régularisé ces écritures et justifié de l'enregistrement de telles créances ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait rappelé de façon prématurée les sommes correspondant à ces soldes anormalement créditeurs ;

En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

Considérant qu'en relevant les graves irrégularités affectant de façon systématique la comptabilité de la SARL MANHATTAN, qui a procédé de façon répétée à d'importantes minorations des recettes, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'absence de bonne foi du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt, justifiant l' application, pour l'ensemble de la période vérifiée, des majorations prévues par les dispositions susmentionnées, tant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'aux redressements d'impôt sur les sociétés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, que la SARL MANHATTAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande n° 0600528 et le surplus de sa demande n° 060845 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une quelconque somme à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué nos 0600528-0600845 du 21 juillet 2010, du Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté, à concurrence d'un montant global, en droits et pénalités, de 740 euros, la demande n° 060845 de la SARL MANHATTAN tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Article 2 : A concurrence d'un montant global, en droits et pénalités, de 740 euros, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande n° 060845 de la SARL MANHATTAN.

Article 3 : La demande n° 0600528 et le surplus de la demande n° 060845 de la SARL MANHATTAN, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL MANHATTAN, et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Besson et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 avril 2012.

''

''

''

''

1

2

N° 10LY02265

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02265
Date de la décision : 10/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SOCIETE FISCALYS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-10;10ly02265 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award