La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2012 | FRANCE | N°11LY01295

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11LY01295


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2011, présentée pour M. Claude A, domiciliée ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900237 du 29 mars 2011 en tant que le Tribunal administratif de Dijon n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser une somme de 70 056,41 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial une somme de 3 000 euros au titre des frais

exposés devant le tribunal administratif et non compris dans les dépens et une somme de mêm...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2011, présentée pour M. Claude A, domiciliée ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900237 du 29 mars 2011 en tant que le Tribunal administratif de Dijon n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser une somme de 70 056,41 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif et non compris dans les dépens et une somme de même montant au titre des frais exposés devant la Cour ;

Il soutient que le renouvellement de la prothèse de bains, qui permet de prendre des douches debout et de pratiquer la natation, est indispensable tous les cinq ans ; qu'il ne lui est plus possible d'utiliser sa baignoire ; qu'il justifie d'un préjudice esthétique temporaire, en l'absence de toute prothèse ; que le Tribunal a fait une appréciation insuffisante de ses préjudices ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 octobre 2011, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que la requête, selon les mêmes moyens en les précisant ; il demande, en outre, le remboursement des frais exposés au titre de l'évaluation d'ergothérapie, d'un montant de 1 575,40 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 décembre 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui payer la somme de 28 012,19 euros et l'indemnité forfaitaire de 955 euros ;

Elle soutient qu'elle a exposé des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, de transport et d'appareillage du 27 janvier 2008 au 6 février 2009 et que ces frais sont postérieurs à ceux pris en compte par l'arrêt de la Cour du 17 septembre 2009 ;

Vu les lettres du 2 février 2012 par lesquelles la Cour a informé les parties de ce que la formation de jugement était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées pour la CPAM de la Loire, nouvelles en appel ;

Vu un mémoire complémentaire, enregistré le 14 février 2012, présenté pour la CPAM de la Loire, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2012, présenté pour le centre hospitalier de Paray-le-Monial, tendant au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Loire ainsi qu'à la mise à la charge de M. A d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les conclusions de la CPAM sont irrecevables, car nouvelles en appel ; que M. A ne justifie pas avoir, avant l'accident, pratiqué de manière régulière la natation ; qu'il souffre d'une paralysie sciatique, incompatible avec la natation ; que la prothèse de bains constituera un équipement définitif ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 24 juin 2011 accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vignon, avocat de M. A ;

Considérant qu'à la suite d'une chute, M. A a été opéré, le 21 août 2002, au centre hospitalier de Paray-le-Monial pour une fracture du calcanéum droit ; que dans les suites opératoires, il a présenté une infection à staphylocoque doré et à pseudomonas dont le centre hospitalier de Paray-le-Monial a été reconnu responsable par un jugement du Tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2005 devenu définitif ; que par un jugement du 2 février 2006, le Tribunal a condamné le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 17 700 euros ; que M. A a dû subir une amputation basse de la jambe droite, le 28 janvier 2008 ; qu'après une nouvelle expertise prescrite afin d'évaluer les préjudices résultant de l'aggravation de l'état de M. A, le Tribunal, par jugement du 29 mars 2011, a considéré que l'amputation avait pour cause directe et certaine l'infection nosocomiale contractée en 2002 et a indemnisé divers préjudices subis par l'intéressé résultant de cette aggravation, pour la somme globale de 43 785,72 euros ; que M. A relève appel de ce jugement en tant que le Tribunal a fait une appréciation insuffisante de ses préjudices ;

Sur les préjudices de M. A :

En ce qui concerne les frais d'appareillage et d'équipement du domicile :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le handicap de M. A nécessite le port d'une prothèse de bains afin d'éviter les chutes lors de l'utilisation de la douche ; que le renouvellement de cette prothèse, non pris en charge par l'organisme social, d'un coût unitaire de 4 928,16 euros, est indispensable tous les cinq ans ; que le montant capitalisé du coût de renouvellement d'une telle prothèse, calculé sur la base du prix de l'euro de rente viagère pour un homme de 48 ans à la date de consolidation, s'élève à la somme de 21 801,15 euros ; qu'il y a lieu d'attribuer à M. A une indemnité de ce montant ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas justifié de la nécessité de l'achat et du renouvellement d'un revêtement esthétique de la prothèse, dont l'usage s'avère ponctuel ; que, dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal a rejeté la demande d'indemnité présentée à ce titre ;

Considérant, par ailleurs, que l'état physique de M. A rend indispensable l'installation à son domicile d'une douche en remplacement de la baignoire existante ; que le coût de remplacement de cet équipement restant à la charge de l'intéressé s'élève à la somme de 1 496,95 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder cette somme ;

En ce qui concerne les frais divers :

Considérant que M. A justifie de frais d'un montant de 1 575,40 euros qu'il a exposés au titre de prestations d'expertise en ergothérapie, destinées à évaluer ses besoins de compensations à la suite de son amputation ; que ces frais sont en lien direct avec l'aggravation de son état ; qu'il y a lieu de lui en accorder le remboursement ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant que le Tribunal a fait une juste appréciation des souffrances subies par M. A du fait de l'aggravation de son état, évaluées à 4/7 par l'expert, en lui attribuant la somme de 6 000 euros ;

Considérant que M. A a subi un préjudice esthétique temporaire dans l'attente de pouvoir porter une prothèse, évalué à 3,5/7 ; que son préjudice esthétique permanent a été fixé à 3/7 par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en les évaluant à la somme globale de 4 500 euros ;

Considérant qu'eu égard à son âge et au taux d'incapacité permanente de 16 % imputable à l'aggravation de son état ainsi qu'aux périodes d'incapacité totale et partielle en relation avec l'amputation de son membre, le Tribunal a fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de la victime en les évaluant à la somme de 28 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Paray-le Monial doit être condamné à verser à M. A une somme de 23 298,10 euros au titre des frais d'appareillage et d'équipement du domicile, une somme de 1 575,40 euros au titre des frais divers, et une somme de 39 000 euros au titre de ses préjudices à caractère personnel ; qu'il s'ensuit que M. A est fondé à demander que l'indemnité totale que le centre hospitalier de Paray-le Monial a été condamné à lui payer par l'article 1er du jugement attaqué soit portée à 63 873,50 euros ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / (... ) Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément.../ (...) La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret. (...) / (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt " ;

Considérant que compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent les dispositions précitées entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent de mettre en cause la caisse de sécurité sociale à laquelle est affiliée la victime en tout état de la procédure afin de la mettre en mesure de poursuivre le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, une caisse régulièrement mise en cause en première instance mais qui n'a pas interjeté appel dans les délais de jugement rejetant aussi bien ses conclusions que celles de la victime tendant à la condamnation de l'auteur de l'accident est néanmoins recevable à reprendre ses conclusions tendant au remboursement de ses frais, augmentés le cas échéant des prestations nouvelles servies depuis l'intervention du jugement de première instance, lorsque la victime a elle-même régulièrement exercé cette voie de recours ;

Considérant toutefois que, régulièrement mise en cause en première instance en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire n'a pas présenté de conclusions devant le tribunal administratif ; que la caisse demande pour la première fois en appel le remboursement des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, de transport et d'appareillage engagés du 27 janvier 2008 au 6 février 2009 ; qu'ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement de ces frais exposés antérieurement au jugement, la caisse n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le Monial le paiement au conseil de M. A d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif et une somme de même montant au titre des frais devant la Cour, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ; qu'en revanche les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Paray-le-Monial demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité totale que le centre hospitalier de Paray-le-Monial a été condamné à payer à M. A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2011 est portée à 63 873,50 euros.

Article 2 : La somme de 1 000 euros mise à la charge du centre hospitalier de Paray-le Monial par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2011 est portée à 1 500 euros.

Article 3 : Le jugement Tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Paray-le-Monial versera au conseil de M. A, dans le cadre de la présente instance, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et les conclusions du centre hospitalier de Paray-le-Monial tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude A, au centre hospitalier de Paray- le-Monial et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2012.

''

''

''

''

1

6

N° 11LY01295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01295
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06-025 Santé publique. Établissements publics de santé. Responsabilité des établissements de santé (voir Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL AD JUSTITIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-03-22;11ly01295 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award