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16/02/2012 | FRANCE | N°11LY00027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 16 février 2012, 11LY00027


Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la société en nom collectif (SNC) SAINT OLIVE GESTION, dont le siège est 84 rue Duguesclin à Lyon (69006) ;

La SNC SAINT OLIVE GESTION demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1006398, en date du 4 novembre 2010, par laquelle le Président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, pour un montant de

82 403 euros, outre les intérêts moratoires en application de l'article L. 208 ...

Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la société en nom collectif (SNC) SAINT OLIVE GESTION, dont le siège est 84 rue Duguesclin à Lyon (69006) ;

La SNC SAINT OLIVE GESTION demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1006398, en date du 4 novembre 2010, par laquelle le Président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de la cotisation de taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, pour un montant de 82 403 euros, outre les intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et, à défaut, à ce que l'affaire soit renvoyée devant la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, afin qu'elle se prononce sur la question de savoir si la taxe sur les salaires régie par les articles 231 et suivants du code général des impôts est conforme au droit de l'Union européenne ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires de droit en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, afin qu'elle se prononce sur la question de savoir si la taxe sur les salaires, régie par les articles 231 et suivants du code général des impôts, est conforme au droit de l'Union européenne ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en soutenant qu'aucune règle communautaire relative à la concurrence ne fait obstacle à l'institution d'une taxe présentant la nature et les règles d'assiette de la taxe sur les salaires, l'auteur de l'ordonnance attaquée a dénaturé ses conclusions et, au regard de ces dernières, insuffisamment et incorrectement motivé sa décision ;

- sur le fond, la taxe sur les salaires ne présente aucune autonomie par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée, ni quant au champ d'application, ni quant à l'assiette, lui étant indissociable et complémentaire ; le montant de la taxe sur les salaires due par un employeur est en effet proportionnel au montant de ses recettes n'ayant pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; ainsi, en laissant subsister une taxe non prévue par la 6ème directive CEE et non autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée, la France a violé l'article 1er de la 6ème directive et le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ; il y a lieu de se référer à ce propos à l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes C-391/85 du 4 févier 1988 ;

- la taxe sur les salaires est incompatible avec les articles 49 (ex-article 43), 54 (ex-article 48) et 56 (ex article 49) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; il ressort de ces textes que toute restriction à la libre prestation de services ou à la liberté d'établissement est susceptible d'être incompatible avec le droit communautaire ; ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts n° 270/83, Commission des Communautés Européennes c/ République Française, du 28 janvier 1986, et C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt / Roland Schumacker, du 14 février 1995, les mesures fiscales nationales qui entravent l'exercice de ces libertés ne peuvent en effet être déclarées compatibles avec les exigences de l'ordre juridique communautaire que pour autant qu'elles soient justifiées par une considération relative à l'ordre public ou par une raison impérieuse d'intérêt général et qu'elles soient proportionnées ; selon les arrêts C-264/96 Imperial Chemical Industries PLC / Kenneth Hall Colmer du 16 juillet 1998 et C-294/97, Eurowings Luftverkehrs AG / Finanzamt Dortmund-UNNA du 26 octobre 1999, sauf à être justifiées et proportionnées, sont considérées comme restrictives non seulement les mesures qui dissuadent un ressortissant de s'établir ou proposer des services dans l'Etat membre qui est l'auteur de la mesure, mais aussi celles, émanant de l'Etat membre d'origine, qui dissuadent ce ressortissant ou cette entreprise de s'établir dans un autre Etat membre ou de proposer des services dont le destinataire se trouve dans un autre Etat membre ; par l'arrêt C-251/98, Baars, du 13 avril 2000, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que l'article 43 du Traité CE s'oppose à ce qu'un Etat membre entrave l'établissement dans un autre Etat membre des ressortissants des Etats membres résidant sur son territoire et notamment que l'Etat d'origine entrave l'établissement dans un autre Etat membre de ses propres ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation ; cette Cour a jugé que le bénéfice de la libre prestation des services peut être invoqué à l'égard de l'Etat où le prestataire est établi dès lors que ses services sont fournis à des destinataires établis dans un autre Etat membre et d'une façon générale dans tous les cas où un prestataire de services offre des services sur le territoire d'un Etat membre autre que celui dans lequel il est établi ; des mesures en elles-mêmes non discriminatoires ou indistinctement applicables peuvent s'avérer incompatibles avec le droit communautaire et plus particulièrement avec les libertés de prestation de services (articles 49 et suivants du Traité CE) et d'établissement (articles 43 et suivants du Traité CE) ; on peut invoquer sur ce point les décisions rendues par la Cour de justice des communautés européennes référencées C-9/02 du 11 mars 2004, C-134/03 du 17 février 2005, C-433/04 du 9 novembre 2006, C-76/90 du 25 juillet 1991, C-279/00 du 7 février 2002, C-131/01 du 13 février 2003, C-244/04 du 19 janvier 2006, et C-255/04 du 15 juin 2006 ; il y a encore lieu de rappeler la jurisprudence née de la décision C-294/97, Eurowings Luftverkehrs AG / Finanzamt Dortmund-UNNA du 26 octobre 1999, les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-55/98 du 28 octobre 1999, C-42/02 du 13 novembre 2003, et, enfin, l'arrêt C-334/02 du 4 mars 2004, qui transpose aux impôts directs une jurisprudence ancienne, issue de la décision n° 262/82 et 26/83 du 31 janvier 1984, selon laquelle les stipulations actuellement transférées sous l'article 49 du Traité CE protègent tant le prestataire que le bénéficiaire des services ; les sociétés qui entendent s'établir sur le territoire d'un Etat membre doivent pouvoir choisir la forme sous laquelle elles s'implantent ; il y a lieu de se référer, pour des restrictions fiscales à l'entrée , aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-307/97 du 21 septembre 1999 et C-253/03 du 23 février 2006 ; la liberté d'établissement s'oppose à des mesures par lesquelles l'Etat d'origine entrave l'établissement dans un autre Etat membre d'une société constituée en conformité avec sa législation, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes par ses décisions C-264/96 du 16 juillet 1998, C-168/01 du 18 septembre 2003 et C-418/07 du 27 novembre 2008 ; le fait qu'il soit plus intéressant pour une société française de s'établir dans un autre Etat membre plutôt que d'y proposer des services mis en oeuvre depuis la France doit être analysé comme une atteinte à la libre prestation des services garantie par l'article 49 du traité CE ; il y a lieu de se référer sur ce point aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-18/93 du 17 mai 1994 et C-381/93 du 5 octobre 1994 ; en l'espèce, l'institution de la taxe sur les salaires contraint les sociétés françaises à privilégier l'établissement de l'activité dans tous les autres Etats membres où cette taxe n'existe pas, sur l'établissement en France ; il y a là une violation de l'article 49 du Traité CE ; par ailleurs, la législation française doit s'analyser comme une restriction à la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du Traité CE dès lors qu'elle contraint une société française qui a décidé de créer une structure secondaire dans un autre Etat membre à privilégier la mutation de ses salariés dans cette structure au détriment de leur détachement, puisque leurs salaires ne seront pas assujettis à la taxe sur les salaires dans le premier cas ; le premier juge a estimé à tort qu'il n'y avait pas là violation des dispositions rappelées du Traité CE ;

- il y a lieu, subsidiairement, pour la Cour, de saisir la Cour de justice des communautés européennes des questions préjudicielles indiquées plus haut ;

- sa condamnation à une amende pour recours abusif, sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, est injustifiée, dans la mesure où sa requête portait sur des questions inédites, non encore tranchées par le Conseil d'Etat ou la Cour de justice de l'Union européenne ;

- l'équité doit conduire la Cour à faire droit à sa demande tendant au remboursement de ses frais irrépétibles ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 31 janvier 2011, présenté pour la SNC SAINT OLIVE GESTION, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que :

- la taxe sur les salaires est incompatible avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, dans la mesure où elle introduit une discrimination injustifiée entre les contribuables, ne répondant pas à des critères objectifs et rationnels et sans rapport direct avec la loi ;

- la taxe sur les salaires est incompatible avec les stipulations de l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elle n'a pas d'autonomie par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée et constitue une restriction à la liberté d'entreprise et d'établissement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que l'ordonnance attaquée a répondu à l'ensemble des arguments de la requérante et est suffisamment motivée ; que le Conseil d'Etat a jugé que la taxe sur les salaires était compatible avec l'article 33 de la 6ème directive CEE et avec le système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; que la taxe sur les salaires, compte tenu de ses caractéristiques, constitue un prélèvement à part entière, proportionnel à la masse salariale, qui suit ses propres règles d'assiette et de liquidation, et qui intervient dans un champ où il ne se cumule pas avec la taxe sur la valeur ajoutée ; que la taxe sur les salaires n'est pas indissociable de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'a ni une nature, ni une portée équivalentes ; qu'elle n'en présente pas les caractéristiques essentielles ; qu'elle constitue une contribution autonome qui ne porte pas atteinte au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; que le moyen tiré de la violation de l'article 1er de la 6ème directive CEE n'est donc pas fondé ; que la taxe sur les salaires n'est pas incompatible avec les principes de liberté d'établissement et de libre prestation des services ; que la taxe sur les salaires ne pourrait être regardée comme une entrave au principe de la libre prestation des services que dans la mesure où les prestations de services réalisées entre des opérateurs français et des opérateurs établis dans d'autres Etats membres de l'Union européenne seraient soumises à des conditions plus rigoureuses que celles auxquelles sont soumises des prestations de services analogues réalisées entre opérateurs français ; que la démonstration d'une disparité de traitement entre destinataires de services en fonction de l'établissement des prestataires n'est pas apportée ; que les dispositions des articles 231 et suivants du code général des impôts n'empêchent pas, en tant que telles, une entreprise française ou une entreprise de la Communauté Européenne de créer un établissement dans un autre Etat membre ; que la liberté de choix de la forme juridique de l'établissement secondaire que l'entreprise souhaite créer ne peut dépendre uniquement de l'obligation de devoir payer ou non la taxe sur les salaires ; que, de la même façon, il ne peut être utilement fait valoir qu'une société ayant son siège en France serait contrainte de privilégier la mutation de ses salariés au détriment de leur détachement lorsqu'elle s'établit dans un autre Etat, sans mettre en parallèle les prélèvements fiscaux que cette société serait amenée à supporter dans l'Etat d'installation, du fait de ces mutations ; qu'il n'est donc pas établi que le dispositif de la taxe sur les salaires constitue une entrave à l'établissement d'une société française dans un autre Etat membre, ni une restriction à l'établissement en France de ressortissants d'autres Etats membres ; qu'en tout état de cause, la taxe sur les salaires ne comporte aucun effet discriminatoire ou protecteur et ne vise pas de manière discriminatoire les agents économiques des autres Etats membres en vue de les décourager de venir s'établir en France ; que les griefs de violation des articles 43 et 49 du Traité CE ne sauraient donc être retenus ; que ces moyens ont d'ailleurs été déjà écartés par le juge de l'impôt par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 06PA03320 du 25 mars 2009 et par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon n° 99LY01797 du 9 juin 2005 ; que l'article 231 du code général des impôts n'établit aucune mesure discriminatoire au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne porte pas atteinte à la liberté d'entreprise et n'est donc pas incompatible avec l'article 16 de la charte des droits fondamentaux ; que la Cour n'est pas tenue de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, la 6ème directive CEE constituant un acte clair, dont l'application a été précisée par les décisions de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat ; qu'il en va de même de l'application des articles 43 et 49 du Traité CE ; que la condamnation de la requérante à une amende pour recours abusif est justifiée dès lors que la cour administrative d'appel de Lyon avait déjà eu l'occasion de statuer sur les questions posées ; que la demande de remboursement des frais irrépétibles ne peut qu'être rejetée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 avril 2011, présenté pour la SNC SAINT OLIVE GESTION, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 5 octobre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que, depuis 1998, les dispositions de l'article 231 du code général des impôts sont conformes aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont en particulier parfaitement claires et conformes à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a acquis une valeur contraignante pour les institutions européennes et les Etats membres que depuis le 1er décembre 2009, date d'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, dont elle est partie intégrante et que les principes protégés par cette charte ne peuvent donc être utilement invoqués qu'à l'appui des demandes concernant des impositions postérieures au 1er décembre 2009 ; que la taxe sur les salaires est conforme au principe de libre entreprise prévu par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la lettre en date du 15 décembre 2011 par laquelle la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la formation de jugement était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du juge de première instance pour statuer par ordonnance sur le fondement des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2012 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Mossé, avocat de la SNC SAINT OLIVE GESTION ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1. ; que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions de droit déjà tranchées par la même juridiction, par une décision passée en force de chose jugée, ou par le Conseil d'Etat, et qu'il se borne à constater matériellement des faits, susceptibles de varier d'une affaire à l'autre, sans avoir toutefois à les apprécier ou à les qualifier ;

Considérant que, pour justifier de ce qu'il a statué par ordonnance sur le fondement du 6° de l'article R 222-1 du code de justice administrative, le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon se réfère à une ordonnance n° 0904186 en date du 2 novembre 2009, confirmée par un arrêt n° 09LY02880 du 1er juillet 2010 de la Cour administrative d'appel de Lyon , ayant déjà tranché des questions identiques à celles que présentait à juger la requête présentée devant le Tribunal administratif de Lyon ; qu'il ressort des dispositions susmentionnées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative que ni une ordonnance rendue par la juridiction saisie ni au demeurant un arrêt d'une cour administrative d'appel ne peuvent servir de référence pour justifier le traitement par ordonnance d'une requête relevant d'une série ; que c'est donc à tort que le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a cru pouvoir faire en l'espèce application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée doit être annulée comme irrégulière, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à son irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SNC SAINT OLIVE GESTION ;

Sur la compatibilité de l'article 231 du code général des impôts avec la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires : les Etats membres adaptent leur régime actuel de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions des articles suivants. Ils prennent les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour que leur régime ainsi adapté soit mis en vigueur dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er janvier 1978 ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : 1 La présente directive établit le système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). 2 Le principe du système commun de TVA est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition. A chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. Le système commun de TVA est appliqué jusqu'au stade du commerce de détail inclus ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la même directive, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière ;

Considérant que l'objet de ces stipulations est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; qu'elles ne font en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, qu'elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, qu'elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, qu'elle s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ;

Considérant que la taxe sur les salaires, dont la société requérante soutient que le maintien est prohibé par la sixième directive CEE, est régie par les dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...), à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; que les articles 141 à 144 de l'annexe II au code général des impôts précisent les règles d'application des taux majorés prévus à l'article 231 du même code ; que les articles 50 et 51 de l'annexe III au code général des impôts sont pris pour l'application des règles relatives au champ d'application et à la base de la taxe sur les salaires, et les articles 369 et 374 de la même annexe précisent les règles de recouvrement de cette taxe ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que les cotisations de taxe sur les salaires, qui sont assises sur les rémunérations ou une partie des rémunérations versées par ses redevables, ne sont pas établies d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculées proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçues à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que, dans ces conditions, la taxe sur les salaires ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mentionnées plus haut ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ; qu'eu égard aux différences entre les caractéristiques de ces deux impôts, les circonstances que le champ d'application de la taxe sur les salaires est défini négativement par rapport à celui de la taxe sur la valeur ajoutée, et que son assiette est, en raison de ses modalités de calcul, corrélée au montant ou à la proportion des recettes n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont ne confèrent pas à la taxe sur les salaires le caractère d'une taxe non autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces circonstances ne créent pas une situation d'incompatibilité avec les exigences des stipulations précitées de l'article 1er de la 6ème directive CEE et de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; que le fait que les entreprises susceptibles d'opter pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prennent en compte la taxe sur les salaires pour évaluer l'intérêt de l'option est sans incidence ; que l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes n° C-391/85 du 4 février 1988 cité à ce titre par la société requérante ne conduit pas à donner des directives européennes alléguées une interprétation différente ; qu'ainsi, la SNC SAINT OLIVE GESTION n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur les salaires aurait été instituée et maintenue en violation des stipulations de l'article 1er de la sixième directive CEE et de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

Sur la conformité de l'article 231 du code général des impôts et de l'ensemble des dispositions de ce code afférentes à la taxe sur les salaires aux règles communautaires relatives à la concurrence :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune règle communautaire relative à la concurrence ne fait obstacle à l'institution d'une taxe présentant la nature et les règles d'assiette de la taxe sur les salaires critiquée ; que les filiales françaises des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre sont soumises à la taxe sur les salaires dans les mêmes conditions que les sociétés françaises ; que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts et des textes subséquents relatifs à la taxe sur les salaires n'introduisent par elles-mêmes aucune discrimination entre les entreprises en fonction de leur nationalité, ni en fonction de l'objet ou de la destination de leurs activités, ou encore du lieu où sont délivrées les prestations ; que ces mêmes dispositions n'ont pas non plus pour objet de favoriser la création par les entreprises françaises d'établissements dans d'autres Etats membres, ni de faire obstacle, dans un certain nombre d'hypothèses, à l'implantation par les entreprises étrangères de filiales en France, ou de rendre plus difficile une telle implantation ; que, si la société fait valoir que ces dispositions auraient pour effet d'inciter les entreprises à créer des établissements secondaires dans les Etats membres où elles entendent développer leurs activités et d'inciter les sociétés d'un autre Etat membre à créer en France des succursales non dotées de personnalité juridique propre plutôt que d'y ouvrir un établissement secondaire sous la forme d'une filiale, de telles conséquences ne seraient pas de nature à caractériser une restriction, interdite par les articles 43, 48 et 49 du traité instituant la Communauté européenne, soit à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre, soit à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté ; que la circonstance qu'en raison de la réglementation relative à la taxe sur les salaires, les entreprises seraient incitées à privilégier la mutation des salariés dans les filiales européennes plutôt que leur détachement dans ces entités n'est pas non plus par elle-même de nature à constituer une entrave au principe de libre établissement ; que les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes cités par la société n'amènent pas, s'agissant de la taxe sur les salaires, à une interprétation différente des stipulations pertinentes du Traité CE ; qu'il en va de même de l'arrêt n° C-96/08 du 15 avril 2010 de ladite Cour qui a seulement dit pour droit que les articles 43 CE et 48 CE s'opposaient à une réglementation d'un Etat membre en vertu de laquelle une entreprise dont le siège social est situé dans cet Etat est obligée de payer une contribution telle que la contribution à la formation professionnelle dont le montant est calculé sur la base de ses coûts salariaux, y compris ceux relatifs à une succursale de cette entreprise établie dans un autre Etat membre si, dans la pratique, une telle entreprise est empêchée, à l'égard d'une telle succursale, de bénéficier des possibilités prévues par cette réglementation de réduire ladite contribution ou d'avoir accès à celles-ci ; qu'en effet la législation présentement en cause n'emporte pas les conséquences discriminatoires qu'entraîne la réglementation visée par l'arrêt allégué ;

Sur la compatibilité de l'article 231 du code général des impôts avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole à cette convention :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; que la SNC SAINT OLIVE GESTION soutient que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts portent atteinte aux principes résultant des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois, en soumettant à la taxe sur les salaires les personnes qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ou le sont pour moins de 90 % de leur chiffre d'affaires, l'article 231 du code général des impôts poursuit bien un objectif d'intérêt public et se fonde sur un critère rationnel en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que les critères d'assujettissement à la taxe sur les salaires correspondent eux-mêmes à une différence de situation entre des contribuables, nonobstant l'existence d'une masse salariale identique et alors même qu'ils appartiendraient à un même secteur d'activité ; qu'il suit de là que la distinction ainsi introduite par le législateur, qui est pertinente au regard des buts poursuivis, n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard de ces derniers et ne peut être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Sur la compatibilité de l'article 231 du code général des impôts avec l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 : La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales. ; que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 et reprise dans un acte inter-institutionnel publié le 18 décembre 2000 est entrée en vigueur le 1er décembre 2009 en application de l'article 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'à supposer que ces stipulations soient applicable s'agissant de la taxe sur les salaires appliquée à la société au titre de l'année 2009, les dispositions de l'article 231 du code général des impôts ne sauraient, en tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, être regardées comme portant atteinte au principe de liberté d'entreprise ainsi reconnu ; que par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que la SNC SAINT OLIVE GESTION n'est pas fondée à demander la décharge de la cotisation de taxe sur les salaires en litige ; que les conclusions qu'elle a présentées tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1006398, en date du 4 novembre 2010, du Président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SNC SAINT OLIVE GESTION devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC SAINT OLIVE GESTION et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2012.

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N° 11LY00027

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