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05/01/2012 | FRANCE | N°11LY01348

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2012, 11LY01348


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 1er juin 2011, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100585, du 3 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 2 décembre 2010 refusant à Mme la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'oblig

ation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la dem...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 1er juin 2011, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100585, du 3 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 2 décembre 2010 refusant à Mme la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que son arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 10 octobre 2011, présenté pour Mme Benallou, épouse , qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour la mise à la charge de l'Etat de la somme de mille cinq cents euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'elle établit, par les pièces qu'elle produit, qu'elle réside habituellement en France depuis le mois de septembre 2001, après y avoir précédemment séjourné de 1985 à 1991 ; que son époux a bénéficié d'un droit au séjour sur le territoire français entre 2004 et 2008 et que le foyer disposait d'un logement et d'un salaire ; que la décision en litige aurait pour effet de la séparer de son époux, qui, à la date de cette décision, était dans l'attente de la réponse à sa demande de délivrance de titre de séjour et qui ne pourrait pas retourner en Algérie sans craindre d'y subir des traitements inhumains et dégradants en raison de sa qualité de fils de harki ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal administratif a annulé les décisions en litige ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 1er décembre 2011, présenté par le PREFET DE L'ISERE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il informe en outre la Cour que le 31 octobre 2011, il a fait obligation à l'époux de Mme de quitter le territoire français sans délai ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 2 décembre 2011, présenté pour Mme , qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de son époux, le 31 octobre 2011, est sans incidence sur la légalité des décisions en litige qui lui sont antérieures et a été contestée devant le Tribunal administratif par son conjoint ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , ressortissante algérienne née le 3 mai 1967, est entrée en France le 30 septembre 2001 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que par une décision du 28 février 2003, le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'asile territorial, sollicité le 22 octobre 2001, et part une décision du 4 avril 2003, confirmée par un arrêt de la Cour de céans, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien ; que le 28 août 2006, elle a épousé, en France, un compatriote qui a fait l'objet par la suite, le 16 janvier 2008, d'un refus de certificat de résidence algérien assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que par décision du 5 juin 2007, Mme a de nouveau fait l'objet d'un refus de certificat de résidence algérien assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que par courrier du 25 mars 2010, Mme a, une nouvelle fois, sollicité du PREFET DE L'ISERE la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que par la décision contestée du 2 décembre 2010, cette autorité administrative lui a opposé un troisième refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays de destination ; que, le PREFET DE L'ISERE interjette appel du jugement du 3 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces dernières décisions pour erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que devant les premiers juges, Mme s'est prévalue de la durée de sa présence en France, supérieure à 9 ans à la date de la décision litigieuse, de sa parfaite intégration, attestée selon elle par ses activités associatives et sa formation à la langue française et aux outils multi média, et de ses attaches familiales en France en la personne de son époux, d'un frère, d'une soeur et d'autres membres de sa famille ; qu'elle a notamment fait valoir que l'exécution de la décision contestée la séparerait de son époux dont le retour en Algérie est impossible, où il n'a pas conservé des attaches familiales et où des risques pèseraient sur lui ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme , s'est maintenue en France en situation irrégulière depuis 2003, en dépit de décisions lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien et l'invitant ou l'obligeant à quitter le territoire français ; qu'à la date de la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, elle était sans emploi et sans ressources et son époux était dépourvu de titre de séjour ; que les allégations selon lesquelles il encourrait des risques en cas de retour en Algérie ne sont corroborées par aucun élément ; que Mme n'était pas sans attaches en Algérie où elle avait passé l'essentiel de son existence et où demeuraient ses parents et neuf de ses frères et soeurs ; que si elle se prévaut de l'impossibilité pour son couple de bénéficier en Algérie du traitement requis pour remédier à une infertilité conjugale, elle n'établit, par la production d'un certificat médical datant du 24 janvier 2008, ni l'effectivité de la mise en oeuvre d'un traitement à la date de la décision litigieuse, ni l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté en Algérie ; qu'ainsi, aucun obstacle ne s'opposait à la poursuite de sa vie familiale dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de Mme en France, la décision contestée lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ; que, dès lors, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a, pour ce motif, annulé la décision de refus de délivrance du certificat de résidence algérien, ainsi que les décisions subséquentes obligeant Mme à quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme , devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la décision de refus de délivrance de certificat de résidence algérien :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. François Lobit, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature du PREFET DE L'ISERE, par arrêté préfectoral du 29 juillet 2010, régulièrement publié le même mois au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que Mme , par les pièces produites à l'appui de sa demande de titre, n'apportait pas la preuve de sa présence continue en France depuis le 30 septembre 2001, le PREFET DE L'ISERE n'a pas, contrairement à ce que soutient l'intéressée, fondé sa décision de refus de certificat de résidence algérien sur une erreur de fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme a fait l'objet d'un refus de délivrance de titre de séjour le 16 janvier 2008, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; qu'ainsi, alors même que M. avait déposé une nouvelle demande de titre de séjour deux jours avant que le PREFET DE L'ISERE ne statue sur la demande présentée par son épouse six mois auparavant, l'autorité administrative n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait en retenant, pour la fonder, que le mari était en situation irrégulière sur le territoire français à la date à laquelle il était statué sur la demande de Mme ;

Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la décision refusant à Mme un certificat de résidence algérien n'a méconnu les stipulations ni du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L.314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations ; que Mme ne remplissant pas les conditions du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le PREFET DE L'ISERE n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre à son encontre une décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien sur ce fondement ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, les moyens tirés de l'incompétence et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision litigieuse obligeant Mme à quitter le territoire français ainsi que de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations des articles 6-5 et 8 respectivement de l'accord franco-algérien et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

Considérant que pour les motifs retenus ci-dessus, la décision contestée fixant le pays de destination de Mme n'est pas entachée d'incompétence ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions refusant à M. la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de sa destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance devant la Cour, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100585, rendu le 3 mai 2011 par le Tribunal administratif de Grenoble, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme , au PREFET DE L'ISERE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Chanel, président de chambre,

M. Besson, premier conseiller

Lu en audience publique, le 5 janvier 2012,

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N° 11LY01348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01348
Date de la décision : 05/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : J. BORGES et M. ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-01-05;11ly01348 ?
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