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05/01/2012 | FRANCE | N°11LY01325

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2012, 11LY01325


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 27 mai 2011, présentée pour M. Messan Edem A, domicilié ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100938, du 10 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui

d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 27 mai 2011, présentée pour M. Messan Edem A, domicilié ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100938, du 10 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le jugement attaqué encourt l'annulation en raison d'une contrariété de motifs avec un jugement du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Lyon annulant une décision refusant de le faire bénéficier du regroupement familial ; que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions qui les fondent ; qu'enfin, la décision désignant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 5 octobre 2011, présenté pour le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A la somme de mille euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué n'est nullement entaché d'une contrariété de motifs avec le jugement du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Lyon annulant une décision rejetant la demande de regroupement familial déposée au profit de M. A par son épouse ; que le signataire de l'acte contesté disposait d'une délégation de signature régulière à cet effet ; que la décision contestée ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ; que cette mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des deux décisions susmentionnées à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi ; que cette dernière décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, M. A n'est titulaire que d'une autorisation de séjour toléré en Pologne et d'une carte de séjour arrivée à expiration, délivrée par les autorités de ce pays ; que la décision désignant le Togo comme pays de renvoi n'est donc pas entachée d'une erreur de droit ;

Vu la décision du 24 juin 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Brun, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Brun ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en se prévalant d'une contrariété de motifs entre le jugement attaqué et le jugement n° 1007961, rendu le 10 mai 2011 par le Tribunal administratif de Lyon annulant une décision rejetant la demande de regroupement familial déposée par Mme A au profit de son époux, M. A doit être regardé comme entendant soutenir que le jugement attaqué méconnaît l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au motif qui constitue le soutien nécessaire du dispositif du jugement d'annulation susmentionné ; que, toutefois, il ressort des mentions du jugement n° 1007961, du 10 mai 2011, que le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 7 septembre 2010 par laquelle le préfet du Rhône avait refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de M. A, motif pris que le préfet du Rhône avait commis une erreur d'appréciation en estimant que les ressources de Mme A étaient instables et insuffisantes et a enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de Mme A ; que le jugement attaqué, qui rejette la demande de M. A tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite au motif principal qu'elles ne violent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a nullement méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au motif qui constitue le soutien nécessaire du dispositif du jugement d'annulation susmentionné ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant togolais né en 1983, est entré en France à une date indéterminée et y a épousé, le 13 mars 2010, une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2015, et que le couple a donné naissance à deux enfants, respectivement le 14 mars 2009 et le 1er décembre 2010 ; que l'intéressé se prévaut de sa vie familiale en France, de la séparation que l'exécution de la décision attaquée entrainerait d'avec son épouse et ses enfants, de la durée du séjour de son épouse qui vit en France depuis 2002 ainsi que de l'impossibilité pour le couple de reconstituer la cellule familiale au Togo en raison des menaces pesant sur lui dans ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A se maintient irrégulièrement sur le territoire français, où il est sans emploi et ne justifie, ni d'une vie familiale ancienne, stable et intense avec son épouse à la date de la décision attaquée, alors qu'il ressort au contraire des mentions mêmes de l'acte de naissance de leur premier enfant daté du 16 mars 2009 qu'à cette date, les futurs époux demeuraient à deux adresses différentes, ni de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; qu'en outre, M. A ne peut pas utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui ne lui fait pas obligation, par elle-même, de retourner au Togo, alors, au demeurant, qu'il disposait, à la date de cette décision, d'un droit au séjour sur le territoire polonais, des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision, qui n'emporte, par elle-même, pas séparation des enfants du couple de l'un ou l'autre de leurs parents et alors, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, que M. A n'établit pas, au demeurant, contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant un titre de séjour à M. A, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision querellée l'obligeant à quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée, doivent être écartés ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué à l'encontre de cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que par décision du 2 février 2011, le préfet du Rhône a décidé que M. A serait éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; que M. A établit, par les mentions figurant sur la copie des titres de séjour, respectivement valables du 3 février 2009 au 3 février 2011 et du 2 février 2011 au 2 février 2013, qui lui ont été délivrés par les autorités polonaises, qu'il produit, s'être vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par l'Etat polonais ; que, par suite, il est seulement fondé à soutenir qu'en désignant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision doit donc être annulée partiellement, uniquement en tant qu'elle désigne le Togo comme pays de renvoi et non en tant qu'elle désigne tout autre pays où M. A établirait être légalement admissible ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 2 février 2011, en ce qu'elle a désigné le Togo comme pays à destination duquel il serait reconduit, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule uniquement la décision du préfet du Rhône, du 2 février 2011, en ce qu'elle a désigné le Togo comme pays à destination duquel M. A serait reconduit, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, n'implique pas qu'il soit délivré à l'intéressé un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que, par suite, les conclusions de M. A présentées en ce sens doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A une somme quelconque au titre de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100938, rendu le 10 mai 2011, par le Tribunal administratif de Lyon est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de la demande présentée par M. A, tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 2 février 2011 en tant qu'elle a désigné le Togo comme pays à destination duquel l'intéressé serait reconduit, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.

Article 2 : La décision du préfet du Rhône, du 2 février 2011 désignant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français faite le même jour à M. A est annulée en ce qu'elle désigne le Togo comme pays de renvoi.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : les conclusions du préfet du Rhône fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Messan Edem A, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Chanel, président de chambre,

M. Besson, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 janvier 2012,

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N° 11LY01325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01325
Date de la décision : 05/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-01-05;11ly01325 ?
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