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22/12/2011 | FRANCE | N°10LY02026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2011, 10LY02026


Vu la requête et le mémoire, enregistrés respectivement le 17 août 2010 et le 2 mars 2011, présentés pour Mme Marie-Françoise A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705748 du 25 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) à lui verser la somme de 60 035,16 euros en réparation du préjudice résultant pour elle du fait d'avoir été privée d'une chance d'occuper un emploi, la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice

résultant d'un refus abusif de régulariser sa situation, et celle de 10 000 euro...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés respectivement le 17 août 2010 et le 2 mars 2011, présentés pour Mme Marie-Françoise A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705748 du 25 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) à lui verser la somme de 60 035,16 euros en réparation du préjudice résultant pour elle du fait d'avoir été privée d'une chance d'occuper un emploi, la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice résultant d'un refus abusif de régulariser sa situation, et celle de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner Pôle Emploi à lui verser les sommes susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les décisions prononçant sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi, qui sont intervenues entre 1995 et 2500, sont entachées d'illégalité dès lors qu'elles ont été édictées sans qu'elle ait été mise à même de présenter ses observations ;

- que la circonstance qu'elle était bénéficiaire d'une pension d'invalidité depuis le 5 juillet 1990 ne faisait pas obstacle à son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de reconnaître l'existence d'une faute par l'ANPE ;

- que les multiples décisions de radiation de la liste des demandeurs d'emploi dont elle a fait l'objet entre 1995 et 2005 ont gravement compromis ses chances de retrouver un emploi ;

- qu'il en résulte pour elle un préjudice économique qui doit être évalué à la somme de 70 629,60 euros ;

- qu'à ce préjudice économique il convient d'ajouter un préjudice évalué à la somme de 7 000 euros résultant des refus abusifs opposés par l'ANPE à la régularisation de sa situation ;

- que l'attitude de l'ANPE a provoqué chez elle un syndrome anxio-dépressif constituant un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2011, présenté pour Pôle Emploi se substituant aux droits et obligations de l'ANPE, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que contrairement à ce qu'elle affirme, Mme A a fait l'objet d'un suivi par l'ANPE ; que les multiples décisions de cessation inscription sur la liste des demandeurs d'emploi s'expliquent par le fait qu'elle n'avait pas actualisé sa situation ;

- que Mme A a fait preuve de négligence en ne prenant pas la peine de demander sa réinscription sur la liste des demandeurs d'emploi après qu'elle ait fait l'objet d'une cessation inscription sur cette liste ; qu'elle n'a pas non plus contesté les décisions de cessation d'inscription en utilisant la procédure de recours préalable prévue à cet effet ;

- que Mme A, contrairement à ce qu'elle affirme, était bien informée des cessations inscription dont elle faisait l'objet, puisque, par exemple, pour l'année 1995 elle s'est réinscrite systématiquement après avoir cessé d'être inscrite ;

- que Mme A ne justifie pas qu'elle bénéficiait d'une dispense de recherche d'emploi ; qu'il est permis d'avoir des doutes quant à l'authenticité de la pièce qu'elle produit pour justifier de cette dispense ; que d'ailleurs pour bénéficier de cette dispense, l'intéressée était tenue d'en faire la demande et devait remplir des conditions d'âge auxquelles elle ne satisfaisait pas ;

- que Mme A ne saurait reprocher aux premiers juges de n'avoir pas pris en compte son statut de travailleur handicapé pour apprécier les diligences pouvant lui être demandées, dès lors que l'intéressée admet elle-même que son classement en invalidité deuxième catégorie n'était pas incompatible avec son statut de demandeur d'emploi ;

- que lors des entretiens qu'elle a eus avec des agents de l'ANPE, Mme A a eu un comportement insultant envers ses interlocuteurs ;

- qu'il n'existe pas de lien de causalité directe entre les faits dont elle fait état et les préjudices qu'elle invoque ;

- que Mme A à elle-même compromis son retour à l'emploi en n'actualisant pas sa situation régulièrement, ce qui est à l'origine des décisions de cessation d'inscription dont elle a fait l'objet ; qu'elle a attendu parfois plusieurs années avant de solliciter sa réinscription sur la liste des demandeurs d'emploi ;

- que Mme A, outre qu'elle ne peut pas prétendre n'avoir jamais bénéficié du service d'aide à la recherche d'emploi de l'ANPE, n'apporte aucune preuve des démarches qu'elle aurait entreprises pour retrouver un emploi ;

- qu'il n'est aucunement établi qu'il existe un lien entre son état anxio-dépressif et le suivi de son dossier de demandeur d'emploi par l'ANPE ; que, d'ailleurs, l'intéressée a elle-même affirmé à l'un des conseillers de Cap emploi que son état était lié à des événements familiaux ; qu'à cet égard, les attestations qu'elle produit doivent être regardées comme de simples écrits de complaisance ;

- que Mme A ne peut pas sérieusement soutenir que les radiations de la liste des demandeurs d'emploi dont elle a fait l'objet seraient à l'origine du rejet de sa demande d'admission au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à emploi ; qu'en effet les litiges relatifs aux prestations relevant du régime d'assurance chômage relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire ; que la décision du 31 août 2005 lui refusant le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi est liée au fait que l'intéressée ne satisfaisait pas à la condition tenant aux périodes d'emploi, ce qui est différent de la question relative aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juillet 2011, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre, d'une part, qu'elle conteste avec la plus grande fermeté avoir jamais insulté ou manqué de respect à ses interlocuteurs et, d'autre part, qu'elle a recherché activement un emploi ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2011, présenté pour Pôle Emploi qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2011, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du président de la Cour du 24 décembre 2010 admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, qui a démissionné de la SNCF en 1988, s'est inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi le 3 octobre 1988 ; qu'elle a obtenu une pension d'invalidité temporaire de deuxième catégorie le 27 septembre 1990 ; qu'elle a repris une activité de 1990 à 1995 dans le cadre d'un contrat emploi-solidarité ; qu'elle s'est inscrite de nouveau sur la liste des demandeurs d'emploi le 2 mars 1995 et qu'elle a fait l'objet d'une cessation d'inscription le 31 mars 1995 pour défaut d'actualisation de sa situation ; qu'elle a obtenu sa réinscription le 21 août 1995 avant de faire à nouveau l'objet d'une mesure de cessation d'inscription le 31 août 1995 ; qu'elle s'est réinscrite le 26 juin 2001 avant de faire l'objet d'une cessation d'inscription pour défaut d'actualisation de sa situation, puis d'être réinscrite ; que, le 18 juin 2002, l'ANPE a refusé de l'inscrire au motif qu'elle était titulaire d'une pension d'invalidité ; que, le 3 août 2004, Mme A a été à nouveau inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi ; que le 20 septembre 2004, elle a adressé à l'ANPE une réclamation indemnitaire en vue d'obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des décisions de cessation et de refus d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi dont elle a fait l'objet ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ANPE à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence de ces décisions de cessation et de refus d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-3-10 du code du travail, alors applicable : Les demandeurs d'emploi qui ne satisfont pas à l'obligation de renouvellement périodique de leur demande d'emploi... cessent d'être inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi... La décision motivée par laquelle le chef d'agence locale pour l'emploi constate la cessation d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ou le changement de catégorie est notifiée à l'intéressé. Les personnes qui entendent la contester doivent former un recours préalable dans les conditions prévues à l'article R. 311-3-9... ;

Considérant que pour demander la condamnation de l'ANPE, à laquelle se trouve aujourd'hui substitué Pôle Emploi en vertu de la loi du 13 février 2008 susvisée, Mme A se prévaut de l'illégalité des décisions de cessation d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi dont elle a fait l'objet au cours de la période du 31 mars au 26 juin 1995 ; qu'il résulte de l'instruction que ces décisions ont été prises au motif qu'elle avait négligé d'actualiser sa situation auprès des services de l'ANPE ; que si l'intéressée invoque son état de santé, elle ne fait pas état de circonstances précises propres à établir que ces décisions de cessation d'inscription n'étaient pas justifiées au fond ; que, dès lors, même si ces décisions ont été édictées irrégulièrement, dès lors que Mme A n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations écrites, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, l'ANPE n'a, en les prenant, commis aucune faute engageant sa responsabilité ;

Considérant, en second lieu, que la seule circonstance que Mme A était titulaire d'une pension d'invalidité ne faisait pas obstacle, par elle-même, à son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ; que, dès lors, c'est à tort que l'ANPE s'est fondée sur ce motif pour refuser son inscription sur ladite liste, comme elle l'a fait le 18 juin 2002 ; que toutefois, l'intéressée, qui ne justifie d'aucune démarche de recherche d'emploi, ce dont elle n'était pas dispensée, n'apporte aucun élément propre à établir que ce refus d'inscription aurait eu pour effet de la priver de la chance de trouver un emploi ; que si elle invoque le refus de lui attribuer l'aide au retour à emploi, intervenu le 31 août 2005, cette décision a été prise pour le motif tiré d'une durée d'affiliation insuffisante, mais non de son défaut d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ; que, dès lors, elle ne justifie pas des conséquences dommageables qu'aurait comportées pour elle la décision du 18 juin 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Pôle Emploi tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Pôle Emploi tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Françoise A et à Pôle Emploi.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2011.

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N° 10LY02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02026
Date de la décision : 22/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-013 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de l'emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-12-22;10ly02026 ?
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