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17/11/2011 | FRANCE | N°10LY02081

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 17 novembre 2011, 10LY02081


Vu le recours, enregistré le 23 août 2010 au greffe de la Cour, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0802914 du 27 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a réduit les cotisations à la taxe professionnelle de la société par actions simplifiée (SAS) Rhodia Opérations au titre de l'année 2007 ;

2) de remettre à la charge de la SAS Rhodia Opérations les cotisations

de taxe professionnelle en litige ;

Il soutient que la notion de cession au sen...

Vu le recours, enregistré le 23 août 2010 au greffe de la Cour, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0802914 du 27 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a réduit les cotisations à la taxe professionnelle de la société par actions simplifiée (SAS) Rhodia Opérations au titre de l'année 2007 ;

2) de remettre à la charge de la SAS Rhodia Opérations les cotisations de taxe professionnelle en litige ;

Il soutient que la notion de cession au sens des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts devrait être entendue dans une acception générique recouvrant tous les modes juridiques de dévolution d'actifs entre entreprises liées ; que le Tribunal administratif devait se référer aux travaux préparatoires exprimant l'intention réelle du législateur ; que le législateur a marqué sans ambiguïté à plusieurs reprises sa volonté de limiter l'incidence sur l'assiette de la taxe professionnelle de l'ensemble des discontinuités artificielles résultant d'opérations de restructuration intra-groupe ; que la solution retenue par les arrêts Rocamat du 13 décembre 2006 au regard de l'article 1518 B ne saurait en tout état de cause être transposée au 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; que les immobilisations transférées dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine, après dissolution sans liquidation, doivent être évaluées pour la détermination du prix de revient selon leur valeur d'origine dans les comptes des sociétés dissoutes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2010, présenté pour la SAS Rhodia Opérations ; elle conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le mémoire de l'administration n'a pas été signé par le ministre et qu'il n'est produit aucune subdélégation régulière de compétence habilitant ce fonctionnaire à signer un mémoire d'appel au nom de l'Etat ; que l'appelant ne justifie pas par ailleurs qu'il a interjeté appel dans les délais légaux ; que le texte de l'article 1469 3° quater du code général des impôts est clair et ne nécessite aucune interprétation ; qu'au surplus les travaux parlementaires invoqués ne concernent pas cet article ; que c'est la valeur nette comptable des biens à la date de la transmission universelle de patrimoine qui doit être prise en compte pour le calcul des taxes foncières et professionnelles ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE l'ETAT ; il conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ; il soutient en outre que son recours est recevable, que son signataire avait une délégation du ministre ; que le recours a été enregistré dans le délai de quatre mois dont dispose le ministre pour faire appel ; qu'il s'est pourvu devant le Conseil d'Etat contre l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Douai ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2011, présenté pour la SAS Rhodia Opérations ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'il n'est pas justifié par le document d'une délégation régulière consentie par le ministre à Mme ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ; il conclut aux mêmes fins que son recours et son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il produit à l'appui de son mémoire la délégation de signature en date du 15 juillet 2010 ; que les deux délégations de signature produites devant la Cour comportent la qualité de Mme , chef des services fiscaux de la Direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne ; qu'ainsi le moyen selon lequel le recours aurait été signé par une personne non habilitée manque en fait ; que si la Cour estime que la transmission universelle de patrimoine n'est pas une cession au sens de l'article 1469 3° quater du code général des impôts, elle doit être assimilée à une fusion pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts ; qu'il convient de se reporter à l'analyse présentée dans les décisions du Conseil d'Etat du 17 juin 2011 Finaparco et SARL Méditerranée Automobiles ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, présenté pour la SAS Rhodia Opérations ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la nouvelle délégation produite n'a pas de date certaine puisqu'elle n'a pas fait l'objet d'une publication régulière avant la date de signature du recours ; que les décisions du 17 juin 2011 dont se prévaut le ministre relèvent seulement qu'un texte particulier et dérogatoire applicable dans ces espèces donne une définition de la fusion au plan communautaire différente de celle qui résulte des textes d'origine en droit interne ; que la solution retenue n'est donc applicable que lorsque l'article 210 A du code général des impôts transposant une directive communautaire donne une définition particulière et extensive de la fusion dans un cadre précis ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ; il conclut aux mêmes fins que son recours et ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la délégation de signature produite a été affichée dans les locaux ouverts au public ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du recours du ministre :

Considérant que, par un jugement en date du 27 avril 2010, le Tribunal administratif de Dijon a décidé que les bases des impositions à la taxe professionnelle de la SAS Rhodia Opérations au titre de l'année 2007 seront fixées en tenant compte de la valeur nette comptable des immobilisations acquises par celle-ci par transmission universelle du patrimoine et a déchargé cette société des cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2007 correspondant aux réductions de base ci-dessus prononcées ; que, pour demander l'annulation de l'article 1er de ce jugement, le ministre soutient, à titre principal, que la transmission universelle de patrimoine doit être qualifiée de cession au sens de l'article 1469 3° quater du code général des impôts, et, à titre subsidiaire, qu'elle doit du moins être assimilée à une fusion au sens de l'article 1518 B du même code ou à une succession ;

Sur l'application des dispositions de l'article 1469 3° quater :

Considérant, qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans un délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci (...) ; qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts : La valeur locative est déterminée comme suit : / 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ; qu'aux termes de l'article 310 HF de l'annexe II au même code : Pour la détermination de la valeur locative qui sert de base à la taxe professionnelle : (...) / 2° Le prix de revient des immobilisations est celui qui doit être retenu pour le calcul des amortissements (...) ; qu'aux termes de l'article 1518 B dudit code : A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) ; qu'aux termes de l'article 1499 du même code : La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 310 HF de l'annexe II au même code : Pour la détermination de la valeur locative qui sert de base à la taxe professionnelle : (...) / 2° Le prix de revient des immobilisations est celui qui doit être retenu pour le calcul des amortissements (...) ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : (...) / Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens visées par les dispositions précitées, invoquées en l'espèce par l'administration, s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des cessions proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ; que, si en vertu des dispositions précitées de l'article 1844-5 du code civil, la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main entraîne le transfert du patrimoine de la société dissoute à l'associé unique qui subsiste, cette mutation patrimoniale, qui ne constitue pas une cession au regard du droit civil, n'entre pas dans le champ d'application du 3° quater de l'article 1469 ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que la transmission de biens intervenue au profit de la SAS Rhodia Opérations doit être regardée comme une cession au sens des dispositions précitées du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;

Sur l'assimilation de la transmission universelle de patrimoine à une fusion :

Considérant qu'aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. (...) / Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) / Les dispositions du présent article s'appliquent distinctement aux trois catégories d'immobilisations suivantes : terrains, constructions, équipements et biens mobiliers ;

Considérant que les transmissions universelles de patrimoine entraînées, en vertu de l'article 1844-5 du code civil, par la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main ne constituent pas une fusion entre la société dissoute et son unique associé qui subsiste, au sens que revêt ce terme en droit civil comme en droit des sociétés ; que les fusions de sociétés visées par l'article 1518 B du code général des impôts, dont les termes renvoient à des catégories d'opérations définies et régies par le droit des sociétés, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations, non mentionnées par ce texte, qui, sans constituer des fusions proprement dites, ont pour conséquence la mutation patrimoniale d'un établissement industriel ou commercial ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que la transmission de biens intervenue au profit de la SAS Rhodia Opérations doit être regardée comme une fusion au sens des dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts ;

Sur l'assimilation de la transmission universelle de patrimoine à une succession :

Considérant que l'administration soutient que si l'opération ne peut être regardée comme une cession, elle doit s'analyser comme la simple réorganisation juridique d'un patrimoine d'ensemble déjà contrôlée par le même opérateur et que, dans une telle logique de succession, le prix de revient et la valeur d'origine pour la société confondante s'entendent nécessairement du coût constaté lors de l'entrée du bien dans le patrimoine de la société confondue ; qu'il résulte toutefois de la combinaison des dispositions précitées des articles 1469, 1499 et 310 HF de l'annexe II du code général des impôts que lorsqu'une société acquiert des immobilisations à l'occasion de la dissolution sans liquidation d'une société dont elle a réuni toutes les parts, le prix de revient de ces immobilisations, au sens de l'article 1499 du code général des impôts et de l'article 310 HF de son annexe II, n'est pas la valeur d'origine des immobilisations dans les comptes de la société dont le patrimoine a fait l'objet d'une transmission, qui avait constitué un prix de revient pour cette société, mais la valeur réelle constatée par la société recevant ces immobilisations, qui est sa propre valeur d'origine ; que, par suite l'argumentation du ministre sur ce point ne peut être qu'écartée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que c'est à bon droit, que le Tribunal administratif a décidé que les bases d'imposition à la taxe professionnelle seraient fixées en tenant compte de la valeur nette comptable des immobilisations acquises par la SAS Rhodia Opérations par transmission universelle du patrimoine ; que le ministre n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a déchargé la SAS Rhodia Opérations des cotisations professionnelles au titre de l'année 2007 correspondant à la prise en compte de la valeur nette comptable susmentionnée ;

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de la société Rhodia Opérations la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Rhodia Opérations la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SAS Rhodia Opérations.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2011.

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N° 10LY02081

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02081
Date de la décision : 17/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : COUTADEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-17;10ly02081 ?
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