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23/12/2010 | FRANCE | N°09LY01293

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2010, 09LY01293


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2009, présentée pour M. et Mme Gilles A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800761 du 21 avril 2009 en ce que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à leur verser la somme de 12 000 euros qu'ils estiment insuffisante, en réparation des préjudices qu'ils subissent en raison de la présence d'une portion de la nationale 7 à proximité immédiate de leur propriété ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser un capital global de 212 500 euros ainsi qu'u

ne somme de 1 000 euros par mois à compter de la mise en service de la portion de rout...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2009, présentée pour M. et Mme Gilles A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800761 du 21 avril 2009 en ce que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à leur verser la somme de 12 000 euros qu'ils estiment insuffisante, en réparation des préjudices qu'ils subissent en raison de la présence d'une portion de la nationale 7 à proximité immédiate de leur propriété ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser un capital global de 212 500 euros ainsi qu'une somme de 1 000 euros par mois à compter de la mise en service de la portion de route concernée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que ;

- les services de la direction départementale de l'équipement (DDE) ont omis d'inclure leur habitation dans l'étude prévisionnelle des nuisances sonores engendrées par la mise en place de la portion de la nationale 7, ayant considéré le bâtiment comme une grange inhabitée ;

- ces services ont donc commis une faute en ne respectant pas les dispositions des articles L. 571-9 et R. 571-44 du code de l'environnement ;

- la DDE a d'ailleurs reconnu sa responsabilité en proposant de conclure une convention par laquelle elle s'engageait à financer la pose de doubles vitrages ;

- contrairement à ce que faisait valoir l'Etat devant les premiers juges, l'immeuble dont ils sont propriétaires a toujours été à usage d'habitation, les travaux pour lesquels ils avaient obtenus un permis de construire n'ayant pas pour objet un changement d'affectation ;

- les travaux de rénovation pour ont été terminés le 2 août 1994 soit bien avant les premières études de la DDE ;

- la déclaration d'utilité publique est intervenue postérieurement à l'acquisition du bien, de l'obtention du permis de construire et de l'achèvement des travaux ;

- le rapport d'expertise affirme que les seuils sonores réglementaires sont largement dépassés alors même que les mesures ont été faites en période de moindre trafic ;

- leur dommage est anormal en raison des modifications graves dans leurs conditions d'existence et spécial du fait que leur habitation est la seule concernée ;

- l'expertise a conclu à la perte totale de valeur vénale de leur bien, ce qui constitue un préjudice certain, nonobstant le fait qu'ils n'auraient pas mis en vente leur maison ;

- ce préjudice doit être indemnisé par le versement d'une somme de 210 000 euros ;

- les parcelles attenantes à la maison sont en outre frappées de servitude d'urbanisme en application des dispositions de l'article L. 11-1-4 du code de l'urbanisme ;

- une somme de 2 500 euros devra leur être versée pour ce terrain ;

- la présence de cette route leur a causé des troubles de jouissance importants et continuels qui devront être réparés par le versement d'une indemnité de 1 000 euros par mois à compter du mois d'octobre 2006, date de la mise en service de la portion de route concernée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 23 avril 2010 au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la demande d'indemnisation pour la perte totale de valeur vénale de leur bien n'est fondée sur aucune tentative de vente dudit bien ;

- en tout état de cause, l'expertise conclut à une dépréciation du bien évaluée à 50 000 euros en raison de la présence de l'ouvrage public ;

- la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice est donc disproportionnée ;

- la demande d'indemnisation des troubles de jouissance n'est étayée par aucun élément, tant sur le motif que sur le montant ;

- la servitude d'urbanisme pesant sur le terrain jouxtant immédiatement la nationale 7 ne constitue pas une servitude indemnisable au sens de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A ont acheté, le 15 avril 1992, une propriété sur le territoire de la commune de Saint-Prix ; qu'après enquête publique organisée à compter du 7 février 1994, le projet de déviation de la route nationale 7 a été déclaré d'utilité publique par décret en date du 20 septembre 1995 ; que la portion de route concernée a été ouverte à la circulation fin octobre 2006 ; que les requérants, dont la propriété est riveraine de la voie publique en cause, ont demandé réparation des préjudices engendrés par la présence de l'ouvrage public devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par le jugement en date du 21 avril 2009 a condamné l'Etat à leur verser une somme de 12 000 euros qu'ils estiment insuffisante ;

Sur le montant de l'indemnisation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ; que si M. et Mme A soutiennent que la parcelle dont ils sont propriétaires et qui jouxte la voie publique litigieuse a été rendue inconstructible du fait de l'institution d'une servitude d'urbanisme, à l'origine d'une dépréciation de sa valeur vénale ; que, toutefois, les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme susmentionnées font obstacle à ce que leur demande tendant à la réparation de ce préjudice soit accueillie, ladite mesure n'ayant porté atteinte à aucun droit acquis au sens des dispositions de cet article et n'ayant pas entraîné une modification de l'état antérieur des lieux ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que leur maison a perdu toute valeur vénale depuis la construction de la portion de la route nationale 7 qui longe leur propriété ; qu'il résulte de l'instruction que l'habitation de M. et Mme A était située, avant la construction de la déviation litigieuse, dans un environnement calme et agréable ; que la présence de cette voie à moins d'une centaine de mètres de leur propriété a fait perdre à l'ensemble de celle-ci une part de sa valeur vénale ; que les estimations effectuées par deux agents immobiliers et annexées au rapport de l'expert diligenté par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand par une ordonnance du 12 décembre 2006 concluent de manière convergente à une perte de valeur vénale de l'ensemble de leur propriété de l'ordre de 50 000 euros non contestée par l'administration ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'Etat au paiement de cette somme de 50 000 euros ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que les époux A, qui ont acquis ce bien afin de bénéficier du calme et de la tranquillité des lieux lors de leur retraite, se plaignent de nuisances sonores particulièrement importantes depuis l'ouverture à la circulation de la déviation de la route nationale 7 ; qu'en effet, il résulte de l'instruction que la pression sonore est sans commune mesure avec celle que pouvait générer l'environnement sonore antérieur à sa mise en service; qu'en leur allouant à ce titre une somme de 12 000 euros alors que la réalisation d'un dispositif antibruit est estimée à environ 4 500 euros, le Tribunal n'a pas insuffisamment apprécié ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité leur indemnisation à la somme de 12 000 euros et à demander que cette somme soit portée à 62 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé le 12 décembre 2006 par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à la charge de l'Etat ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. et Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 12 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. et Mme A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 21 avril 2009 est portée à 62 000 euros.

Article 2 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge de l'Etat.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 21 avril 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Gilles A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.

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N° 09LY01293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01293
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SELARL POLE AVOCATS LIMAGNE FRIBOURG GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-23;09ly01293 ?
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