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09/12/2010 | FRANCE | N°09LY02446

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 09 décembre 2010, 09LY02446


Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903889 en date du 21 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 9 mars 2009, par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Dalila A, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle de

satisfaire à cette obligation ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A ...

Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903889 en date du 21 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 9 mars 2009, par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Dalila A, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle de satisfaire à cette obligation ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le PREFET DU RHONE soutient que les premiers juges ont commis des erreurs de fait en retenant que Mme A était séparée de son époux et qu'elle n'avait plus de lien en Algérie ; qu'ils ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que Mme A pouvait faire état d'une vie privée et familiale stable et enracinée sur le territoire français, alors qu'elle a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au mépris de plusieurs décisions de justice et de plusieurs mesures d'éloignement ; que ceux de ses enfants qui sont installés en France ont des ressources insuffisantes pour la prendre en charge ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 4 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour Mme A, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner l'Etat à verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me Nadia Debbache, son conseil, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; elle soutient que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ; que le refus de titre de séjour méconnaît le b de l'article 7 bis et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention de New-York ; que cette décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

Vu II) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905772 en date du 25 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 28 avril 2009, par lesquelles il a fait obligation à M. Lamine A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui de satisfaire à cette obligation ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE soutient que le Tribunal administratif a estimé à tort qu'il avait méconnu le champ d'application de la loi en refusant un titre de séjour à M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que c'est également à tort qu'il a estimé que le refus d'un titre salarié était insuffisamment motivé en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 ; que c'est également à tort que le premier juge a retenu une erreur manifeste d'appréciation, alors que l'intéressé a vécu les 2/3 de sa vie en Algérie, qu'il a toujours des liens dans son pays d'origine, où vit son père et où sa soeur Rawiya a vocation à retourner et que la séparation des membres de la famille résulte du propre fait de ceux-ci ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 4 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner l'Etat à verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me Nadia Debbache, son conseil, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; il soutient que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ; que le refus de titre de séjour méconnaît le c de l'article 7 et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, qu'elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu III) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 novembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905096 en date du 3 novembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 28 avril 2009, par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Lamine A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE soutient que le Tribunal a retenu à tort la violation du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que l'intéressé a vécu les 2/3 de sa vie en Algérie, qu'il a toujours des liens dans son pays d'origine, où vit son père et où sa soeur Rawiya a vocation à retourner et que la séparation des membres de la famille résulte du propre fait de ceux-ci ; que le jugement méconnaît également les b et c de l'accord franco-algérien, dont les conditions d'application n'étaient pas remplies en l'espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 4 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner l'Etat à verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me Nadia Debbache, son conseil, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; il soutient que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ; que le refus de titre de séjour méconnaît le c de l'article 7 et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, qu'elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président de chambre ;

- les observations de Me Debbache, représentant Mme A et M. A ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Debbache ;

Considérant que les requêtes du PREFET DU RHONE présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la situation de Mme A :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : /.../ 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant que, comme l'a relevé le tribunal administratif, Mme A, née le 20 décembre 1953 en Algérie, de nationalité algérienne, a vécu en France entre 1980 et 1985 et s'y est mariée ; que ses trois premiers enfants y sont nés ; qu'ils sont ultérieurement revenus y vivre et ont obtenu la nationalité française ; qu'elle-même est revenue en France en 2003 avec ses trois plus jeunes enfants, alors mineurs ; que ceux-ci ont été immédiatement scolarisés et sont aujourd'hui bien intégrés ; que sa fille, aujourd'hui âgée de 19 ans, a obtenu un certificat de résidence en qualité d'étudiante et que son dernier fils, âgé de 15 ans, est bien intégré dans son école et dans ses activités de membre d'une association de jeunes ; que Mme A justifie en outre de sa propre insertion dans la commune de Vaulx-en-Velin, notamment en produisant une lettre d'un adjoint au maire en date du 24 mars 2009 ; que si, comme le fait valoir le préfet du Rhône, elle n'est pas divorcée de son époux, qui vit toujours en Algérie, il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle a demandé la séparation de corps, ce dont le PREFET DU RHONE ne conteste pas avoir été informé par lettre du 24 décembre 2008 ; que, dans ces circonstances particulières, Mme A peut être regardée, alors même qu'elle a vécu la plus grande partie de sa vie en Algérie, comme ayant désormais le centre de sa vie privée et familiale en France ; que, dans ces conditions, en décidant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour et de l'obliger à quitter le territoire français, le PREFET DU RHONE a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'accord franco-algérien ;

Sur la situation de M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, comme l'a relevé le Tribunal administratif dans son jugement du 3 novembre 2009, il ressort des pièces du dossier que M. A, né le 10 janvier 1990, est arrivé en France le 16 septembre 2003 à l'âge de 13 ans en compagnie de sa mère, d'une de ses soeurs et de son plus jeune frère pour rejoindre ses trois autres frères et soeurs, de nationalité française ; qu'il a été scolarisé à partir du mois d'octobre 2003 et a effectué un apprentissage professionnel en mécanique automobile ; que, dans ces circonstances particulières, alors même qu'il a passé la plus grande partie de sa vie en Algérie et qu'il n'est pas établi qu'il n'a plus de liens avec son père, qui y réside, il peut être regardé comme ayant désormais, comme sa mère, dont la situation a été évoquée ci-dessus, le centre de sa vie privée et familiale en France ; qu'ainsi la décision de refus de titre de séjour du 28 avril 2009 porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est entachée d'illégalité ; que les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination le sont également, par voie de conséquence ;

Considérant, en second lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le PREFET DU RHONE ne saurait critiquer utilement les motifs retenus par le jugement du 25 septembre 2009 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 9 mars et 28 avril 2009, par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour respectivement à Mme Dalila A et à M. Lamine A, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expiration de ce délai, à défaut pour eux de satisfaire à cette obligation ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de Mme Dalila A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Nadia Debbache, avocat de Mme Dalila A et de M. Lamine A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes du PREFET DU RHONE sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Nadia Debbache, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mme Dalila A, à M. Lamine A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée à Me Nadia Debbache.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2010, où siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02446
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;09ly02446 ?
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