Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905955 du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Oswald Alphonse A, annulé ses décisions du 18 mai 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte, pour considérer que les décisions en litige étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation, la situation de l'intéressé lorsqu'il séjournait en France sous couvert de titre de séjour en qualité d'étudiant, sa situation professionnelle, les diplômes obtenus et les études suivies, et son état de santé, alors qu'il n'a jamais sollicité la délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade ;
- c'est également à tort que le tribunal a pris en compte la situation familiale de l'intéressé, alors que sa compagne, de nationalité béninoise comme lui-même, est en situation irrégulière, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Bénin, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ;
- M. A n'a fait valoir aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel justifiant une admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- M. A ne remplissait pas les conditions de délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des articles L. 313-14-1°, L. 313-11 et L. 313-10-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les conditions de l'article L. 5221-2 du code du travail, à défaut de visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par la direction du travail ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 30 mars 2010 accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juin 2010, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 196 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
- au vu de l'ensemble des éléments de sa situation, le PREFET DU RHONE a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre d'une procédure de régularisation à titre exceptionnel ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet, informé de son état de santé, ne pouvait se dispenser de saisir le médecin inspecteur de santé publique pour avis ;
- les dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail ne sont pas applicables dès lors qu'il a déjà été titulaire d'une carte de séjour ;
- il justifie, par les documents produits, de ce que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ce traitement ne peut être fourni dans son pays d'origine, au sens des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de son séjour en France, à la présence sur le territoire français de sa compagne et de leurs filles nées en France, à l'exercice d'une activité salariée, à la poursuite d'études et à l'absence de vie familiale au Bénin ;
- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence de traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2010 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
- les observations de Me Pochard, pour M. A ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Pochard ;
Considérant que M. A, de nationalité béninoise, né le 5 août 1977, est entré en France le 23 septembre 2002, à l'âge de 25 ans, a été titulaire de cartes de séjour temporaire, en qualité d'étudiant, entre le 23 septembre 2002 et le 23 septembre 2005, puis, après son mariage avec une ressortissante française, en qualité de conjoint de Française, jusqu'en septembre 2006 ; que s'étant maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce dernier titre, il a sollicité, le 14 février 2009, une admission exceptionnelle au séjour ; que, par des décisions du 18 mai 2009, le PREFET DU RHONE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de la notification de ces décisions et a prévu qu'il pourrait être reconduit à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il pourrait être admissible ; que le PREFET DU RHONE fait appel du jugement du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. A, annulé lesdites décisions du 18 mai 2009 ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2007 : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1°A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail qui a repris les dispositions de l'article L. 341-2 : Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut, sur ce fondement, délivrer soit la carte vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 313-11, soit la carte salarié ou travailleur temporaire, sur le fondement du 3ème alinéa de l'article L. 313-10, lorsque l'admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier ou une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, annexée à ce jour à un arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ;
Considérant, d'une part, que, nonobstant la présence en France de M. A depuis près de sept années à la date de refus de titre en litige, l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu alors qu'il se trouvait en situation régulière, l'obtention de diplômes professionnels validant des formations prises en charge financièrement par son employeur et le suivi par correspondance de cours en vue de l'obtention d'un brevet de technicien supérieur, et nonobstant la présence sur le territoire français de la compagne de M. A, également de nationalité béninoise, et de leur fille, née en France en juillet 2007, il ne ressort pas des pièces du dossier que des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels étaient de nature à justifier l'admission à titre exceptionnel de M. A ; que, d'autre part, il n'est pas allégué par ce dernier qu'il aurait sollicité la délivrance d'une carte de séjour salarié ou travailleur temporaire, sur le fondement du 3ème alinéa de l'article L. 313-10, pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier ou une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, alors au demeurant qu'il n'a pas présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, dont ni le dispositif de régularisation institué à l'article L. 313-14 ni la circonstance qu'il avait été titulaire auparavant d'un titre de séjour ne le dispensaient ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler le refus de titre de séjour en litige, sur le motif tiré de ce que ledit refus aurait été entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 312-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant en première instance que devant la Cour ;
Considérant, en premier lieu, que la décision en litige portant refus de délivrance d'un titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que certains éléments de la vie familiale et personnelle de M. A n'auraient pas été mentionnés, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ladite décision, au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, doit être écarté comme manquant en fait ;
Considérant, en deuxième lieu que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement desdites dispositions ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, à défaut notamment de production de la demande de titre de séjour que, contrairement à ce que soutient M. A, il aurait présenté ladite demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il se serait prévalu dans cette demande de son état de santé ; que, dès lors, les moyens tirés, respectivement, de l'absence de consultation du médecin inspecteur de santé publique et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme inopérants ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A fait valoir qu'il résidait en France depuis près de sept années, dont quatre en situation régulière, à la date de la décision en litige portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qu'il y est intégré professionnellement dès lors qu'il exerce une activité professionnelle salariée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis l'année 2005, qu'il a obtenu des diplômes professionnels et suit des cours par correspondance en vue de l'obtention d'un brevet de technicien supérieur, et qu'il bénéficie d'un traitement médical adapté à son état de santé ; qu'il fait également état de la présence en France de sa compagne, de leur concubinage depuis l'année 2006 et de la naissance de leur fille le 8 juillet 2007 ; que, toutefois, eu égard aux conditions du séjour en France de M. A, dont la compagne, également de nationalité béninoise, se maintient en séjour irrégulier sur le territoire français, et dont la fille était âgée de moins de deux ans à la date de la décision en litige, ladite décision n'a pas porté au droit de l'intéressé, qui n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où réside sa mère avec laquelle il indique lui-même entretenir des liens, au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen que fait valoir M. A, qui ne peut utilement se prévaloir de circonstances postérieures à la date de la décision litigieuse, à laquelle doit être appréciée sa légalité, et notamment de la naissance, au mois d'avril 2010, d'un second enfant, et tiré de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne peut, au soutien des conclusions de sa demande dirigées contre la décision du PREFET DU RHONE du 18 mai 2009 portant obligation de quitter le territoire français, exciper de l'illégalité de la décision du même jour portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne peut, au soutien des conclusions de sa demande dirigées contre la décision du PREFET DU RHONE du 18 mai 2009 fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à la frontière, exciper de l'illégalité de la décision du même jour portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
Considérant, en second lieu, que M. A fait valoir qu'il souffre d'un syndrome d'apnée du sommeil obstructif sévère, nécessitant un appareillage la nuit par appareil à pression positive ; que, toutefois, par les documents qu'il produit, et notamment par des pièces présentées comme des attestations médicales émanant d'autorités médicales béninoises, mais dont le caractère probant n'est pas établi, eu égard, notamment, au caractère strictement identique des formules employées et des polices de caractère utilisées par les attestations médicales rédigées les 29 et 30 octobre 2009 à Cotonou par des médecins relevant de directions départementales distinctes du ministère de la santé du Bénin, M. A, qui au demeurant, ainsi qu'il a été dit, ne justifie pas s'être prévalu de son état de santé lors de sa demande de titre de séjour, n'établit pas que les troubles dont il se prévaut nécessitent un traitement dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le matériel nécessaire à son traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine ou ne pourrait y être emporté ou expédié ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains et dégradants, que soulève M. A, au motif de l'absence de traitement disponible dans le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 18 mai 2009 en litige ;
Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que le PREFET DU RHONE réclame sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0905955 du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du PREFET DU RHONE tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Oswald A, au PREFET DU RHONE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
M. Seillet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.
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N° 10LY00056