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30/11/2010 | FRANCE | N°08LY01539

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 08LY01539


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 juillet 2008, présentée pour Mme Anne-Marie A, dont le domicile est ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500656 du 21 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2005 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème section du Rhône a autorisé la société Florence et Peillon à procéder à son licenciement ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme d

e 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A souti...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 juillet 2008, présentée pour Mme Anne-Marie A, dont le domicile est ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500656 du 21 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2005 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème section du Rhône a autorisé la société Florence et Peillon à procéder à son licenciement ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A soutient que:

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en qualifiant de fautif les faits qu'elle a commis en dehors de son contrat de travail ; c'est à tort que le Tribunal a retenu leur caractère fautif ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, au regard des fonctions exercées, les faits et agissements en cause ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise et n'étaient pas de nature à justifier son licenciement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu enregistré le 6 novembre 2008, le mémoire en défense présenté pour la société Florence et Peillon, qui conclut au rejet de la requête et demande de condamner Mme A à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision attaquée est suffisamment motivée ;

- les détournements de fonds du comité d'entreprise commis par Mme A sont établis, ne peuvent se rattacher à l'exercice normal de son mandat, présentent un caractère suffisamment grave pour justifier le licenciement ;

Vu enregistré le 20 mars 2009, le mémoire présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu enregistré les 21 septembre et 15 octobre 2009, le mémoire présenté pour la société Florence et Peillon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que c'est à bon droit que l'inspecteur du travail a relevé l'absence de lien entre les faits reprochés et le mandat ;

Vu enregistré le 19 février 2010, le mémoire en défense présenté pour le ministre du travail, des relations sociales, de la solidarité et de la ville, qui conclut au rejet de la requête de Mme A ;

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté alors que la substitution de motifs est justifiée ;

- le moyen tiré de ce que l'application de la jurisprudence Patarin devait conduire à un refus d'autorisation de licenciement doit être écarté compte tenu des faits en cause, et alors qu'en tout état de cause la salariée avait un niveau de responsabilité non négligeable ;

Vu enregistré le 29 avril 2010, le nouveau mémoire présenté pour la société Florence et Peillon, et Me Francisque Gay, en qualité d'administrateur judiciaire et Me Christophe B en qualité de mandataire judiciaire de cette société , qui concluent aux mêmes fins que les précédentes conclusions présentées par la société Florence et Peillon, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que:

- ils reprennent à leur compte les moyens en défense soulevés par le ministre ;

- la nature des faits reprochés pour lesquels Mme A a été condamnée par le tribunal correctionnel de Lyon le 5 février 2007 fait obstacle, eu égard au niveau de responsabilité de son emploi, à son maintien dans l'entreprise ;

Vu enregistré le 19 août 2010, le mémoire présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 16 juillet 2010 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 20 août 2010 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2010 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les observations de Me Taouli, avocat de Mme A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Taouli ;

Considérant que la société Florence et Peillon, qui exerçait une activité d'équipementier automobile, a demandé, le 10 novembre 2005, à l'inspectrice du travail de la 2ème section du Rhône l'autorisation de licencier Mme A, déléguée syndicale et bénéficiant également de la protection attachée aux membres du comité d'entreprise, au motif que celle-ci avait détourné des fonds en sa qualité de trésorière du comité d'entreprise ; que, par décision du 28 novembre 2005, l'inspectrice du travail a autorisé ce licenciement ; que Mme A relève appel du jugement du 21 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Considérant, en premier lieu, qu'à l'encontre de cette décision, Mme A reprend en appel son moyen de première instance tiré du défaut de motivation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l 'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

Considérant, que le Tribunal a substitué, comme le lui demandait l'administration dans son mémoire en défense, le motif tiré de ce que le comportement de Mme A rendait impossible son maintien dans l'entreprise à celui, entaché d'erreur de droit et initialement invoqué dans la décision, tiré de ce que les agissements de Mme A constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, en estimant que l'inspectrice du travail aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce nouveau motif et que cette substitution de motifs ne prive pas Mme A d'une garantie procédurale ; que Mme A conteste le bien-fondé de ce nouveau motif ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a, de manière répétée entre les mois de décembre 2001 et septembre 2005, détourné des fonds du comité d'entreprise dont elle était trésorière, pour un montant total de 36 450 euros ; que, compte tenu du caractère frauduleux de ces agissements, de leur caractère répété sur plusieurs années, du montant des détournements et de l'important préjudice causé au comité d'entreprise qui a en charge notamment d'assurer et de contrôler la gestion de toutes les activités sociales et culturelles de l'entreprise menées à l'égard des salariés et de leurs familles, ce comportement de l'intéressée, qui a reconnu les faits en cause, rendait impossible son maintien dans l'entreprise même si elle y occupait des fonctions modestes d'agent technique de méthode qualité, comme responsable de la constitution des dossiers d'assurance qualité, sans lien avec le domaine financier ; que, par suite, et comme l'a jugé le Tribunal, ce nouveau motif, qui n'est entaché ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit ou d'appréciation contrairement à ce que soutient la requérante, et qui a été substitué par les premiers juges à celui, erroné en droit, tiré du caractère fautif de ce comportement, est de nature à justifier légalement le licenciement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, puisse être condamné à payer quelle que somme que ce soit à Mme A ;

Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Florence et Peillon et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera à la société Florence et Peillon une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Mme Anne-Marie A, à la société Florence et Peillon, à Me Francisque Gay, en qualité d'administrateur judiciaire et Me Christophe B en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et au ministre du travail, de l'emploi et la santé. Copie sera adressée pour information au CGEA d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2010, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

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N° 08LY01539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01539
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CABINET BATTEN RITOUET SOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;08ly01539 ?
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