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09/11/2010 | FRANCE | N°10LY00923

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 09 novembre 2010, 10LY00923


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2010 à la Cour, présentée pour Mme Fatiha B épouse A, de nationalité algérienne, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907198, en date du 25 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 28 octobre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et portant désignation du pays à destination duquel elle sera

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Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2010 à la Cour, présentée pour Mme Fatiha B épouse A, de nationalité algérienne, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907198, en date du 25 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 28 octobre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et portant désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ladite décision méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles se fondent ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 22 juillet 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme A ne remplit pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour prévues au 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que la pathologie dont elle est atteinte peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que ladite décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et que le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont légales en conséquence de la légalité de la décision portant refus de titre sur laquelle elles se fondent ;

Vu les mémoires en communication de pièces, enregistrés les 7 et 8 octobre 2010, présentés pour Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 5 novembre 2010 accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2010 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les observations de Bidault, avocat de Mme A ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ; que ces stipulations sont équivalentes aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. / Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. ;

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour en date du 28 octobre 2009 :

Considérant que Mme A, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France, le 1er avril 2005, muni d'un visa court séjour ; que le 19 septembre 2007, un titre de séjour mention vie privée et familiale lui a été délivré jusqu'au 18 septembre 2008, régulièrement renouvelé jusqu'au 14 mai 2009, en raison d'un syndrome dépressif lié à des événements subis dans son pays d'origine ; que, par la décision litigieuse, le préfet du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour précité ; qu'en l'espèce, trois avis successifs ont été rendus par deux médecins inspecteurs de la santé publique avant l'intervention de l'arrêté attaqué ; que ces trois avis estiment que le défaut de prise en charge médicale de la requérante peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, le premier avis rendu le 25 mars 2009 indique qu'elle ne pouvait avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement adéquat, tout en estimant à six mois la durée des soins nécessaires, que le deuxième avis, émis par un autre médecin inspecteur, le 28 mai 2009, estime la durée nécessaire des soins à trois mois et qu'elle ne pourrait pas avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié, tout en observant de manière paradoxale qu'il convient de commencer à envisager un retour au pays d'origine où la prise en charge est possible ; que le dernier avis, en date du 7 août 2009, émanant du médecin qui s'était primitivement prononcé sur le cas de l'intéressée, estime que la durée des soins nécessaires est de douze mois, en indiquant que Mme A pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, tout en relevant une lourde problématique familiale dans ce pays ; que pour combattre ces avis, dont les énonciations sont plus ou moins contradictoires, et qui, en tout cas ne se prononcent pas sur la possibilité pour la requérante de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, ni sur les raisons pour lesquelles le traitement nécessaire pourrait désormais être disponibles en Algérie, Mme A a versé au dossier plusieurs certificats médicaux circonstanciés, dont l'un établi le 23 novembre 2009 par la psychologue clinicienne qui la suit depuis le moi de mai 2005 au Centre hospitalier de Lyon Sud attestant qu'une psychothérapie analytique ne serait pas réalisable de par des moyens très réduits accordés à la santé mentale pour adultes en Algérie ; que, si le préfet expose que ces moyens réduits n'excluraient pas toute possibilité de soins pour Mme A en Algérie sur le plan théorique, il omet complètement, en l'espèce, d'examiner, dans le contexte de l'affaire, les possibilités concrètes pour l'intéressée d'accéder à un traitement médical dans son pays d'origine, alors qu'il est constant que Mme A est en situation de rupture familiale complète avec ses proches qui l'avaient pratiquement réduite en esclavage, ce qui aurait pour conséquence de générer pour elle une situation d'isolement et de misère morale et financière dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il s'ensuit que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône portant refus de renouvellement de son titre de séjour ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ainsi que, par les motifs ci-dessus exposés la décision du préfet de Rhône en date du 28 octobre 2009 refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressée ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Considérant que l'annulation ci-dessus prononcée du refus de renouvellement du titre de séjour opposé à Mme A a pour effet, par voie de conséquence, d'entraîner l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme A dirigées contre les décisions du préfet du Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; que ces décisions étant entachées d'illégalité pour les motifs ci-dessus exposés, il y a lieu d'en prononcer l'annulation par voie de conséquence ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A :

Considérant que, eu égard aux motifs qui sous-tendent l'annulation du refus de renouvellement de titre de séjour opposé à Mme A, celle-ci est en droit d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour ; qu'il y a lieu d'adresser une injonction en ce sens au préfet du Rhône en fixant à deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, le délai qui lui est imparti pour procéder à cette délivrance ; que, dans cette attente, elle devra être munie d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire bénéficier le conseil de Mme A des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 196 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0907198 du Tribunal administratif de Lyon en date du 25 février 2010 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet du Rhône du 28 octobre 2009 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de renouveler le titre de séjour de Mme Fatiha B épouse A dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans cette attente, elle sera munie d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser au conseil de Mme Fatiha B épouse A la somme de 1 196 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatiha B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2010

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N° 10LY00923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00923
Date de la décision : 09/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-09;10ly00923 ?
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