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12/10/2010 | FRANCE | N°09LY01849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2010, 09LY01849


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 juillet 2009 et régularisée le 3 août 2009, présentée pour M. Musafettin A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902124 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions en date du 23 mars 2009 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pou

r excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui déli...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 juillet 2009 et régularisée le 3 août 2009, présentée pour M. Musafettin A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902124 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions en date du 23 mars 2009 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou, à tout le moins, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le préfet a commis une erreur de fait en retenant que la communauté de vie avec son épouse avait cessé ; que la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2, du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article 6 de la décision 1/80 du conseil d'association entre l'Union européenne et la Turquie du 19 décembre 1980 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraîne celle de l'obligation de quitter le territoire ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2009, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la décision portant fixation du pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

Vu l'ordonnance en date du 25 mai 2010 fixant la clôture d'instruction au 11 juin 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 juin 2010 et qui n'a fait l'objet d'aucune régularisation, présenté par le préfet de l'Isère ;

Vu le courrier, en date du 21 juillet 2010, par lequel le président de la 2ème chambre a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la décision C-237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président,

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que, par le jugement du 2 juillet 2009 attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A, de nationalité turque, qui tendait à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du préfet de l'Isère en date du 23 mars 2009, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage (...) ; qu'aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. (...) ;

Considérant que M. A soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait et de droit dès lors que l'absence de cohabitation avec la ressortissante française qu'il a épousée le 20 décembre 2005 est justifiée par la situation de cette dernière qui a bénéficié d'un suivi social et dispose d'un emploi à Dijon et n'implique aucune rupture de la communauté de vie entre eux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse de l'intéressé n'a bénéficié que ponctuellement d'un emploi à Dijon ; qu'il n'est pas établi qu'elle n'aurait pu avoir accès au même suivi social à Grenoble où réside M. A ; que l'unique billet de train produit est insuffisant pour établir l'existence de contacts réguliers entre les époux ; que dès lors qu'il n'est établi ni que l'absence de cohabitation est justifiée par des circonstances matérielles indépendantes de la volonté des époux, ni que la communauté de vie persiste malgré l'absence de cohabitation, la décision portant refus de séjour, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, n'a pas méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963, entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 16 décembre 1992, que l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, qui a un effet direct en droit interne, doit être interprété en ce sens que, d'une part, un ressortissant turc qui a obtenu un permis de séjour sur le territoire d'un Etat membre pour y épouser une ressortissante de cet Etat membre et y a travaillé depuis plus d'un an auprès du même employeur sous le couvert d'un permis de travail valide a droit au renouvellement de son permis de travail en vertu de cette disposition, même si, au moment où il est statué sur la demande de renouvellement, son mariage a été dissous et que, d'autre part, un travailleur turc qui remplit les conditions de l'article 6, premier paragraphe, premier tiret, de la décision susmentionnée peut obtenir, outre la prorogation du permis de travail, celle du permis de séjour, le droit de séjour étant indispensable à l'accès et à l'exercice d'une activité salariée ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que c'est en qualité de conjoint de ressortissant français et non de salarié que M. A a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, il ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'accord d'association précitées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A soutient qu'il vit en France depuis 2002 et qu'il y travaille de manière ininterrompue depuis 2006 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la communauté de vie avait cessé entre M. A et son épouse ; que le couple est sans enfant ; que l'intéressé, entré en France à l'âge de 30 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où résident toujours ses quatre enfants dont trois encore mineurs, ses parents ainsi que ses frères et soeurs ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par le préfet (...) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314­11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 312-2 précité auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que le requérant n'établissant pas qu'il pouvait prétendre au renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, le requérant ne saurait, pour les motifs précédemment indiqués, exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...)

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date de la décision attaquée, la communauté de vie entre les époux avait cessé ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les motifs sus énoncés, l'obligation de quitter le territoire n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que M. A invoque à l'appui de sa requête dirigée contre la décision fixant le pays de renvoi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ; qu'aucun moyen distinct n'avait été développé par l'intéressé contre cette décision devant le Tribunal administratif de Grenoble ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision est irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Musafettin A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Pourny et M. Segado, premiers conseillers.

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Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

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N° 09LY01849


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 12/10/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09LY01849
Numéro NOR : CETATEXT000023140828 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-12;09ly01849 ?
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